11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg: le courage d’ouvrir les yeux

Six jours pour s’intéresser aux valeurs. Valeurs d’une Europe qui laisse à ses portes les journalistes turcs se faire enlever, chez eux, au petit matin. Valeurs portées par les citoyens, cherchant à s’associer de plus en plus au débat public. Valeurs d'une Europe en multiples crises. Les Rendez-vous européens de Strasbourg ouvrent le(s) débat(s) et y associent les personnes les plus concernées : tout le monde.

Le cri pour la liberté de la presse sera au programme des 11e RDVE de Strasbourg. Foto: Fanny Laporte / Eurojournalist(e)

(Par Fanny Laporte) – Strasbourg. Hier soir. Un peu avant 20h. Centre-ville. Face à nous Mine Kirikkanat, journaliste et écrivaine turque, présente ce lundi pour l’ouverture des 11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg, aux côtés de nombreuses autres personnalités issues de la société civile. Chawki Abdelamir, poète et journaliste irakien ; Janie Pélabay et Felix Heidenreich, philosophes ; Sébastien Kopp, co-fondateur de Veja ; Henri Malosse, ancien Président du Comité économique et social européen, Pierre Bauby, directeur de l’Observatoire de l’action publique de la Fondation Jean-Jaurès, John Halloran, directeur du réseau social européen, pour n’en citer que quelques-uns.

Dire les choses sans filtre consensuel – Mine ? Une grande et belle gueule, dirait-on au Café du Commerce. Trois fois lauréate du prix de la journaliste turque la plus courageuse, elle ne cache pas une certaine émotion à rejoindre les 11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg, où le débat entend bien primer sur l’entre-soi. Où des choses pourront être dites, entendues, sans filtre consensuel. Parce qu’il est un moment où dire les choses est essentiel, qui plus est quand le thème choisi cette année par les organisateurs porte sur les valeurs européennes. La Turquie, bien sûr, sera abordée. Inévitable. Mais également le poids grandissant des civic tech qui ouvrent une porte nouvelle vers davantage d’implication citoyenne dans la construction des politiques publiques de demain. Le défi migratoire posé aujourd’hui à l’Europe qui, pour toute réponse à court terme, s’empresse de délocaliser le problème en Turquie, au Liban, en Jordanie, jusqu’en Ethiopie avec quelques effets boomerang à la clé et dont le laisser faire en Turquie n’est que l’un des premiers effets visibles.

Ouvrir les yeux sur la réalité des silences – Chemin faisant nous nous posons à la table de la Binch’ Broglie. Un lieu totem des Rendez-vous, où se clôtureront la majeure partie des soirées, au son de Pierre de Gaillande et Joël Favreau, d’Encore et Pause Kino, de The Walk ou encore de F-R-E-E-Z. Autour de la table centrale, la discussion se poursuit. Mine s’est vu proposer une émission de radio en première partie de matinée, nous dit-elle. Départ pour les studios aux alentours de 6h00. Blocage. Non pas en raison de l’horaire mais parce que, depuis peu, ce créneau a pris une toute autre signification : celle où se font les premières descentes de police. Celle où les plus grands journalistes du pays se font menotter. Kadri Gürsel, parmi les derniers. Kadri, apprenons-nous, aurait dû venir à Strasbourg, début septembre. Faisait aussi un temps partie de la shortlist des 11èmes Rendez-vous. Mais Kadri ne viendra pas. Incarcéré parce que journaliste. Parce que cité depuis 15 jours dans l’ours du quotidien Cumhuriyet. Kadri, le francophone, le président de l’International Press Institute de Vienne. Alors, parler de valeurs, mettre l’Europe également face à ses responsabilités, tenter de lui faire ouvrir les yeux sur la réalité de ses silences, Mine ne manquera sans doute pas de le faire, ce lundi, dans le cadre des Rendez-vous. Simplement parce qu’il y a urgence à dire les choses, les réalités telles qu’elles sont et non pas comme on aimerait parfois se les représenter. De parler, sans langue de bois, pour mieux anticiper, construire par après.

Des valeurs au cœur du Live Magazine – Ce message ne manquera sans doute pas d’être relayé, quelques heures plus tard, pour la soirée d’ouverture des Rendez-vous. Douze journalistes sur scène. Tous de renommée internationale, qui raconteront, sans filtre, des reportages inédits. Des histoires fortes, avec leurs ON mais aussi leurs OFF. Jusqu’à cette heure, et comme la règle le veut, leur nom est tenu secret jusqu’à l’ouverture des portes, à 20h. Mais déjà se murmure qu’au moins un Prix Albert Londres devrait être de la partie. A l’origine de la manœuvre, une équipe bien rodée depuis deux années, portée par Florence Martin Kessler. Celle du Live magazine, qui, après avoir imposé ce format à guichet fermé au Théâtre de la Porte Saint-Martin, devant plus de 1200 personnes, pose pour la première fois ses valises en terres strasbourgeoises. Avec, tout comme l’ensemble des événements programmés dans le cadre des Rendez-vous européens de Strasbourg, une volonté de gratuité. Une première, là aussi, pour le Live, qu’ont su aider quelques partenaires financiers dont Brownfields et la Banque Française Mutualiste. Parce qu’interroger les valeurs, la spécificité de ce que devrait être l’Europe n’a simplement pas de prix. Un peu comme la liberté d’un journaliste, qu’il s’agisse de Kadri ou de l’un de ses 104 autres confrères incarcérés depuis le putsch avorté du 15 juillet dernier, aux côtés de 35.000 autres citoyens turcs… Oui, indéniablement, alors qu’en marge des 11èmes Rendez-vous européens sera une nouvelle fois débattue la question turque au Parlement européen, sans doute serait-il grand temps que les valeurs soient enfin replacées au cœur du débat public.

Site des 11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg et inscriptions
Participer au Live Magazine, aujourd’hui à 20h
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