(2) 30 ans déjà : « Je suis venu vous dire… »

Le reste de cette phrase prononcée par le ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher sur le balcon de l'ambassade allemande à Prague le 30 septembre 1989 était inaudible. Mais tout le monde l'avait compris.

Hans-Dietrich Genscher n'a pas pu finir sa phrase le 30 septembre 1989 à Prague... Foto: Bundesarchiv / Bild 183-0228-020 Hirndorf, Heinz / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Il y a trente ans, jour pour jour, qu’environ 5000 ressortissants est-allemands s’étaient réfugiés sur le terrain de l’ambassade allemande à Prague, dans l’espoir de pouvoir quitter le bloc de l’Est en plein dégringolade et de gagner l’ouest de l’Allemagne. Après que la Hongrie avait annoncé déjà le 11 septembre qu’elle n’allait plus expulser des citoyens est-allemands vers leur pays d’origine, de milliers de ressortissants est-allemands craignaient que la RDA allait fermer toutes ses frontières avec ses voisins. Par conséquent, des milliers d’Est-allemands avaient profité de la dernière occasion pour se rendre à Prague, au Palais Lobkowisz qui arrivait rapidement aux limites de ses capacités d’accueil. Les gens campaient dans le jardin de l’ambassade dans des conditions sanitaires indicibles et le dénouement était totalement ouvert.

La situation était tendue autour du Palais Lobkowisz, les forces de l’ordre essayaient d’empêcher les ressortissants Est-allemands de grimper sur le grillage de l’ambassade, mais face aux masses de personnes qui arrivaient, mais aussi face aux citoyens tchèques qui aidaient les Est-allemands comme ils le pouvaient, les bagarres devant l’ambassade étaient de courte durée. Mais qu’est-ce qui allait se passer ? Comment gérer ces milliers de personnes qui étaient déterminées de ne jamais retourner en RDA ?

Les négociations furent tendues. La RDA avait envoyé son avocat attitré Wolfgang Vogel à Prague, celui qui avait l’habitude de négocier les échanges d’espions entre les deux Allemagnes pour le compte de la RDA. Sa proposition était inacceptable pour les milliers de réfugiés : au nom du gouvernement est-allemand, il proposait que les réfugiés allaient retourner en RDA où les autorités allaient traiter leurs demande de quitter la RDA « de manière bienveillante ». Une « solution » aussi inacceptable pour les réfugiés que pour le gouvernement ouest-allemand.

Par ailleurs, le gouvernement est-allemand refusait toute discussion concernant la situation à Prague. Hans-Dietrich Genscher fit alors appel à Eduard Chevardnadze, son homologue russe. Selon les mémoires du ministre allemand, Chevardnadze aurait posé la question s’il y avait beaucoup d’enfants parmi les réfugiés à Prague et lorsque Genscher acquiesçait, le ministre russe appelait son chef à Moscou, Mikhail Gorbatchev. Qui lui, donnait son feu vert pour que ces 5000 réfugiés pussent rejoindre l’ouest.

Le soir du 30 septembre, après de longues négociations, Hans-Dietrich Genscher s’est présenté sur le balcon de l’ambassade pour dire « Je suis venu vous dire… que vos demandes de sortie du territoire… » et le reste de la phrase se perdit dans les cris de joie de 5000 réfugiés qui avaient compris que Genscher était venu avec une solution. La suite est connue – les réfugiés étaient mis dans des trains qui furent hermétiquement fermés pour le trajet Prague – Berlin-Ouest, les trains de la liberté. Leur passage à travers la RDA était spectaculaire – le long des rails, les gens saluaient le passage du train et tout le monde comprit alors que la fin de la RDA était proche. Le régime de la RDA était arrivé en fin de course, la soif de liberté dans le bloc de l’est ne pouvait plus être supprimée.

30 ans plus tard, de nombreux ressortissants est-allemands semblent avoir oublié cet épisode de l’Histoire. De milliers d’est-allemands avaient alors quitté leur pays et ils furent accueillis les bras ouverts dans l’ouest de l’Allemagne. Aujourd’hui, l’accueil de réfugiés venus d’autres régions du monde se passe de plus en plus mal dans l’ex-RDA – la xénophobie a son fief dans cette partie de l’Allemagne. Pourtant, dans quasiment toutes les familles de RDA, il y avait des membres de la famille partis à l’ouest et qui bénéficiaient d’un accueil sympathique. Le week-end prochain, les élections régionales en Thuringe ne feront que confirmer la courte mémoire en Allemagne de l’Est – les gens voteront massivement pour les xénophobes et ceux qui refusent d’accueillir des réfugiés – pourtant, ils devraient savoir qu’il peut y avoir des situations qui obligent les gens à quitter leur pays.

Le 30 septembre 1989 restera dans la mémoire collective allemande comme un jour de la Liberté, de la libération et comme un jour où tout le monde, à l’ouest comme à l’est, comprenait que le régime totalitaire en RDA était fini. Les semaines qui suivaient cet épisode allaient confirmer cela.

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