2016 en France et en Allemagne : une année décisive pleine d’interrogations et d’espoirs !

Alain Howiller se projette en 2016 et ce, avec son regard transfrontalier qui fait de lui l’un des plus grands spécialistes du journalisme franco-allemand !

La France, l'Europe, l'Allemagne - pour les trois, l'année 2016 sera d'une importance majeure. Foto: Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – Personne ne sera surpris d’apprendre que, selon un sondage Odoxa, 81% des Français considèrent que 2015 a été une mauvaise année pour la France et personne ne sera surpris que pour 76% des Allemands, selon un sondage ZDF, l’année a été bonne, malgré la crise des réfugiés et même si 50% des sondés allemands considèrent que leur intégration échouera alors qu’ils sont 43% à penser le contraire ! Le paradoxe veut que si 51% des Français sont préoccupés par le chômage dans un pays qui peine à sortir des difficultés économiques, ils sont 40% en Allemagne dont l’économie continue de prospérer avec un taux de chômage de l’ordre de 6 % et qui a trouvé, en cette année 2015, que même le taux de natalité enregistré a été le plus fort depuis la réunification,  au moment où ce taux a légèrement fléchi en France mais reste, néanmoins, élevé (près de 2 enfants par femme, contre 1,42 Outre-Rhin). En cette fin d’année qui se précise, que peut-on attendre de part et d’autre du Rhin, de cette nouvelle année qui piaffe à nos portes ?

Le 6 janvier 2015, j’écrivais ici même, dans un titre, hélas prémonitoire : «Personne ne veut y croire et pourtant 2015 sera une année à hauts risques !» Il ne faudra pas attendre longtemps pour que les attentats des 7 et 9 Janvier avant le massacre au Bataclan et l’assaut mené à la Seine Saint Denis ne viennent tragiquement sous-titrer ce qui était, au départ, une tête d’article ! Si l’Histoire nous apprend que les années se suivent souvent et, parfois, se ressemblent, il est difficile d’imaginer que «l’annus horribilis» que nous venons de vivre pourrait se dupliquer.

Quand Manuel Valls joue à… Gorbatchev ! – Ils sont rares, ceux qui le redoutent, préférant aborder l’année à venir sous un angle qui paraît réaliste : 2016 sera, en France comme en Allemagne, une année de transition vers ce moment que tout le monde attend : l’élection présidentielle française en 2017 et le renouvellement du Bundestag à l’automne de la même année. François Hollande comme Angela Merkel, pour autant que l’un et (ou !) l’autre seront-ils candidats ? C’est en 2016 que les échéances seront préparées et que, plus que vraisemblablement, elles seront gagnables ou… perdues. Dans les deux pays, il n’y a pas, en l’état actuel des choses, une majorité qui permettrait d’avancer, sans risque majeur d’erreur, un pronostic sur un possible vainqueur : En France la «droite» comme la «gauche» sont divisées et en Allemagne, où la chancelière ne se retrouve qu’en quatrième position des personnalités politiques les plus appréciées, la CDU se retrouve à 39% dans les intentions de vote, alors qu’il y a quelques mois, on la créditait entre 42 voire 45% ! Il ne sera pas aisé de trouver un partenaire pour diriger avec un SPD qui se traîne à 24% (et qui voudrait ne plus jouer la partition de la «grande coalition» !), des Verts à 10%, Die Linke à 9%, un FDP qui a de nouveau plongé en dessous de la barre des  5% et, à droite, le parti eurosceptique «Alternative für Deutschland-AfD» à… 10% !

Deux types de consultations permettront dans les semaines qui viennent de soupeser les éventuelles possibilités de construire des majorités  pour diriger : en France, le gouvernement de Manuel Valls testera la possibilité d’ouvrir les socialistes à un appoint de voix du «Centre» et de la «Droite» à travers l’adoption (ou le rejet) de la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de la nationalité française pour les auteurs d’actes terroristes. Pour être inscrites dans la constitution, les dispositions de la loi constitutionnelle devront être adoptées par les 3/5èmes des parlementaires. Il faudrait que l’ensemble de la gauche vote en faveur du texte (ce qui n’est pas acquis !), mais pour atteindre le pourcentage requis, il faudra que des voix viennent du Centre et de la Droite.

Une telle convergence s’inscrirait assez bien dans le type de coopération qu’exige l’opinion : elle viendrait concrétiser, à ce niveau, les coopérations gauche/droite promises par les présidents menacés par le FN et élus grâce au désistement des candidats de gauche présents au deuxième tour des récentes élections régionales. Ainsi s’esquisserait la «Maison  commune des forces progressistes» dont rêve le  Premier Ministre français : les observateurs remarqueront, non sans malice, que l’expression avait été utilisée par Mickaïl Gorbatchev qui voulait faire se rejoindre l’Est et l’Ouest du continent ! On sera fixé sur ces perspectives, le 3 février, lors du vote sur la loi constitutionnelle.

Mega-région de l’Est : les «autonomistes» en embuscade ? – On sera fixé avant cette date sur le remaniement du gouvernement auquel procèdera François Hollande pour essayer de consolider son actuelle majorité de gauche ! On sera fixé aussi sur la manière dont l’éventuelle coopération gauche/droite pourra se concrétiser dans les régions puisque c’est le 4 Janvier que les régions nouvellement constituées désigneront leur président. Les regards se tourneront, tout particulièrement, vers l’Alsace désormais fusionnée (contre son gré) avec la Lorraine et la région Champagne-Ardenne. Réunis à Strasbourg, les élus de la nouvelle «méga région de l’Est» éliront leur président pour six ans : ce sera Philippe Richert, ancien Ministre, ancien Président de la Région Alsace. Il aura la lourde tâche de donner vie à une région disparate qui comprend au moins une entité à identité forte : l’Alsace qui n’entend pas perdre son âme dans une fusion décidée sans concertation des intéressés par François Hollande. A la tête de son groupe (104 élus) il aura à faire face à 46 élus du FN et à 19 élus de gauche.

Il aura à gérer de difficiles débats : sur le siège du Conseil Régional (Strasbourg maintenue ?), sur le budget de la région, sur son nom, sur une indispensable relance d’une économie en repli… Gestion d’autant plus compliquée que certains, en Alsace, espèrent toujours qu’en cas d’alternance du pouvoir, en 2017, la fusion sera dissoute et que, bien que non représentés  au Conseil Régional, les «autonomistes» qui plaident pour une Alsace retrouvée (sans ses «partenaires» de l’Est), comptent malgré tout peser sur les débats, forts d’une moyenne de 11% de voix obtenus en Alsace lors des élections régionales.

Elections en Rhénanie-Palatinat et au Bade-Wurtemberg ! – Les hasards du calendrier politique veulent qu’au moment où une nouvelle équipe se met en place dans la «méga région de l’Est», deux autres régions du Rhin Supérieur verront, côté allemand, se renouveler leurs élus. Il s’agit, d’une part, du Land de Rhénanie-Palatinat, dirigé jusqu’ici par une coalition «SPD/Verts» et du Bade-Wurtemberg également tenu par une coalition «Verts/SPD». Le renouvellement du Landtag de ces deux régions se fera le 13 Mars : selon les sondages, la CDU a de bonnes chances de l’emporter en Rhénanie-Palatinat et, malgré le poids de Winfried Kretschmann, le ministre-président actuel, la coalition sortante n’aurait plus de majorité à Stuttgart ! Angela Merkel pourrait-elle se féliciter des résultats obtenus dans ces deux cas ? En ira-t-il de même des résultats obtenus, également le 13 Mars, en Saxe-Anhalt, dirigée jusqu’ici par une coalition CDU/SPD  qui, au vu des sondages, pourrait bien être reconduite ? Voilà donc trois tests électoraux pour la popularité de la chancelière et de son parti.

Ils interviendront après les élections locales en Hesse (6 Mars) et bien avant les élections régionales dans le Land de Mecklembourg-Vorpommern (dirigé par une coalition SPD/CDU) le 4 Septembre, le renouvellement, le 18 Septembre, du Sénat de Berlin, dirigé par une coalition SPD/CDU ou les élections locales, le 11 septembre, en Basse-Saxe. Alors qu’aucune échéance électorale en France (hormis les «primaires privées» qui diront si Nicolas Sarkozy pourra être candidat aux élections présidentielles de 2017) n’est prévue en France, des consultations électorales -relativement nombreuses- permettront, en Allemagne, de tester les chances d’Angela Merkel d’espérer être la candidate gagnante aux les élections fédérales de l’automne 2017 !

2016 : survie ou fin de l’Europe ? – Au-delà de ces éléments, l’Europe aura, en 2016, à trancher sur sa politique à l’égard des réfugiés, mais elle aura surtout -et c’est là que ce sujet se place dans un contexte franco-allemand- à décider sur trois points essentiels : son attitude vis à vis de ses «marges de l’Est», son approche de la demande britannique de disposer, une fois de plus, d’un statut privilégié dans le cadre de l’Union Européenne et enfin sa définition de l’avenir de l’Union.

C’est sans doute dans le dernier point que se trouvent les réponses aux… deux premiers ! Est-il pensable que, pour éviter un «Brexit» (dont 51% des Britanniques ne veulent pas du moins en l’état actuel des choses et que la «City» refuse), l’Europe cède pour satisfaire à des revendications de ce type (eurojournalist.eu du 13 Novembre) : effacer du préambule du Traité de Lisbonne que l’objectif de l’Union est de resserrer de plus en plus les liens entre ses membres, organiser un retour du droit de veto, reconnaître la supériorité des parlements nationaux qui doivent pouvoir décider en dernier ressort (y compris en ce qui concerne les décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg), assurer le respect des monnaies nationales face à l’euro, s’engager à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre membres et non-membres de la «zone euro», refuser la libre circulation prévue dans le cadre des accords de Schengen (dont la Grande Bretagne ne relève d’ailleurs pas), refuser la mise en œuvre (dont a bénéficié la Grèce) du principe de solidarité financière… Voilà ce qui sera, en février sur la table des négociateurs : peut-être que ceux-ci pourraient -une fois n’est pas coutume !- informer l’opinion des demandes présentées et des vrais enjeux qu’elles représentent !

Quand Schäuble parle à l’Europa-Park ! – Peut-être aussi serait-il temps, à l’occasion des risques de Brexit et devant l’attitude de moins en moins solidaire de pays, comme la Pologne (qui touche chaque année une aide de l’Union de l’ordre de… de 15 milliards d’euros !), la Hongrie (qui, malgré les mesures d’embargo signe un accord avec la Russie pour doubler la centrale nucléaire de Paks sur le Danube), la Slovaquie…, de mettre en œuvre ce qu’avait laissé espérer François Hollande, en présence d’Angela Merkel, devant le Parlement Européen à Strasbourg : une Europe renforcée, seule garante efficace et authentique pour les souverainetés nationales, qui permette à ceux qui veulent avancer d’avoir plus d’Europe «car l’avenir, ce n’est pas moins d’Europe, mais plus d’Europe !» L’avenir de l’Europe se jouera -soyez en certain- en 2016 : et on attend une initiative de la France et de l’Allemagne, pour relancer cette vieille idée d’une Europe à deux vitesses, une «Europe des cercles concentriques» qui permette la cohabitation de ceux qui veulent l’intégration et ceux qui ne veulent qu’un minimum de liens.

Il reste à espérer que 2016 permettra, enfin, à l’économie française de se redresser : car la victoire sur le chômage -tout comme la relance d’une Europe des citoyens- est un acte décisif contre les dérives communautaires et la montée de l’extrême-droite qui essaye de nous «vendre» pour sauver «demain», ce qui a déjà échoué «hier» ! «Le chômage, en particulier celui des jeunes, alimente le populisme autant que la peur des migrants», a déclaré l’autre jour, Wolfgang Schäuble, devant les membres du Cercle de l’Ill, réunis à l’Europa Park, à Rust. A quelques 150 kilomètres de là -à Karlsruhe- la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe va se saisir, au tout début de Mars, de la demande d’interdiction du parti d’extrême droite NPD : la demande avait été introduite en… Décembre 2013 par le Bundestag. Sans doute vaut-il mieux tard que jamais : les débats seront intéressants pour nos démocraties confrontées à la montée des extrêmes.

Allons, l’année 2016 ne peut pas, ne doit pas être le reflet de l’année 2015 : bonne et heureuse année à tous et à toutes !

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