2019 – une année sans histoires…

… qui pourrait être une année-clé pour l'Allemagne !

Tout comme l'Assemblée Nationale à Paris, le Reichstag à Berlin vivra des moment houleux en 2019. Foto: Aconcagua / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – 2018 devait être l’année de la croissance retrouvée que 2019 devait stabiliser, sinon amplifier. Depuis l’automne, les conjoncturistes se faisaient moins optimistes, voire pessimistes si on prend en considération ces dernières semaines. Au trou d’air ressenti par l’économie mondiale (hors USA !) en été, a succédé un automne un peu moins défavorable suivi d’un hiver qui a jeté… un froid ! En France, la « crise des gilets jaunes » n’a rien arrangé et les seules mesures adoptées pour y faire face pourraient bien coûter entre 0,4 et 0,5 de point du PIB. A la crise politique viendra s’ajouter un impact économique qu’il est encore difficile de chiffrer. Les 2% de taux de croissance de l’économie française prévus par le gouvernement pour 2018 (le taux avait été de 2,2% en 2017) ont été ramenés à 1,7% par les pouvoirs publics, avant d’être ramenés à 1,5% par les prévisionnistes de la Banque de France. Il est vrai que si on estime que grâce à la relative remontée des investissements, le taux de chômage pourrait continuer à décroître légèrement, personne ne peut, en l’état, prévoir réellement l’effet sur le pouvoir d’achat, et donc la consommation, des mesures adoptées.

Dans sa note de conjoncture pour le mois de novembre, la Banque de France-Direction régionale de Strasbourg avait encore relevé pour le Grand Est « un tassement modéré de la production industrielle » et des « prévisions favorables de l’activité sur la fin de l’année avec quelques recrutements. » Qu’en sera-t-il dans la prochaine note de conjoncture ? Rares sont ceux qui se risquent à formuler  des pronostics.

Le calme avant la tempête ? – Qu’en est-il en Allemagne qui a connu, elle aussi, une année 2018 pleine de surprises ? Sur le plan politique, la situation semble s’ être calmée, même si, dans les coulisses, les débats, les affrontements et les rééquilibrages continuent de peser. CDU/CSU et SPD ont réussi à s’entendre sur un projet de loi permettant d’accueillir chaque année (jusqu’en 2050) des travailleurs immigrés qualifiés n’appartenant pas à un pays de l’Union Européenne. Il s’agit de faire face aux besoins de main d’œuvre qualifiée (manque de 400.000 par an) pour compenser l’évolution défavorable de la courbe démographique et le vieillissement de la population. Les tensions semblent s’être apaisées dans la GroKo, en attendant du moins les évolutions qui risquent de s’enclencher au cours d’une année 2019 qui pourrait bien être décisive. Mais n’en est-il pas souvent ainsi lorsqu’on s’attend à une année tranquille ?

Depuis sa décision de retrait de la présidence de la CDU, Angela Merkel a de nouveau gagné en popularité, de même que son parti. Il en va de même avec le SPD. La CDU et les Verts ont trouvé un accord pour reconduire leur coalition en Hesse. Les deux grands partis essayent de liquider leurs différends : Merkel a décidé de ne pas prendre dans son cabinet de ministres Friedrich Merz, qui fut candidat battu à la présidence de la CDU. Andrea Nahles, la secrétaire générale du SPD, engage une nouvelle procédure pour l’exclusion de Thilo Sarrazin, celui qui, adhérent du SPD et ancien membre du Directoire de la Bundesbank, dans un livre à fort succès paru en 2010, avait mis en cause le déclin de l’Allemagne et surtout les dangers de l’immigration ! L’Office Fédéral de Protection de la Constitution a décidé de doubler les effectifs chargés de suivre l’extrême-droite alors que le parti d’extrême-droite (AfD) est menacé par des investigations menées par l’Office. Sentant le danger, l’AfD a exclu quelques membres porteurs des thèses antisémites et racistes et a dissous le mouvement de ses jeunes en Basse-Saxe et à Brême. Cela ne changera sans doute guère ni l’image, ni la réalité de ce parti foncièrement xénophobe qui menace aussi bien à droite (CDU, CSU) qu’à gauche.

L’AfD au cœur des débats ! – Dans le camp conservateur, la nouvelle présidente de la CDU Annegrete Kramp-Karrenbauer s’est engagée à lutter contre l’AfD, et dans le camp opposé, on attend avec intérêt (et non sans scepticisme !) ce que réussira à faire la députée (Die Linke) Sahra Wagenknecht qui veut fédérer la gauche au sein de son mouvement « Aufstehen » (Debout). Quatre échéances électorales permettront d’en savoir plus sur l’évolution politique (élections européennes en mai et, en automne, élections régionales au Brandebourg, en Saxe et en Thuringe). Quatre consultations qui décideront aussi de l’avenir de la Groko : si tant est que cette dernière tiendra jusqu’au résultat des urnes.

Pendant ce temps, on continue de réfléchir, au SPD, sur l’avenir de la GroKo et sur l’avenir de… Martin Schulz qui pourrait bien revenir… A la CDU, Ursula von der Leyen, à laquelle Angela Merkel avait pensé un temps pour lui succéder, a lancé dès la veille du congrès de Hambourg un débat qui s’amplifie : la présidente de la CDU doit-elle obligatoirement briguer la chancellerie, ou bien les deux fonctions doivent-elles désormais rester séparées ? Les candidats à la succession d’Angela Merkel (dont les partisans de Friedrich Merz, « le battu » de Hambourg) commenceraient-ils à se mobiliser ? Et Ingo Seuftleben, le « patron » de la CDU du Brandebourg, de lancer un autre débat : dans la perspective des élections dans le Land, il évoque une possible coalition avec « Die Linke » voire (sous certaines conditions) avec l’AfD ! Les Verts, quant à eux, comptent bien continuer à engranger les succès électoraux : les sondages ne les font-ils pas bénéficier de 20% des intentions de vote en cas d’élections ?

Quand l’économie commence à inquiéter. – L’accord sur l’immigration de travailleurs qualifiés -dont le Bundestag se saisira en 2019- apporte de l’apaisement aux tensions nées au gouvernement à propos de la politique migratoire. Mais il intervient au moment où des doutes se font jour chez les analystes de l’économie allemande. Certes, le chômage -au pire- pourrait se stabiliser au niveau actuel qui correspond au… plein emploi ! Mais certains éléments à l’orange menacent de passer au rouge : l’excédent commercial a régressé du fait essentiellement des importations au profit de la consommation. Le taux de croissance (2,2% en 2017) a été ramené pour 2019 à 1,9% d’abord, puis à 1,6% voire 1,4% (1,7% en 2020). La production industrielle ne progresse plus dès cette année. Les perspectives d’une guerre commerciale toujours possible (notamment dans le secteur de l’automobile) avec les Etats-Unis, la situation en Europe, les prévisions de l’OCDE qui prévoient un ralentissement de la croissance mondiale, pèsent sur l’opinion devenue plus réservée sur les perspectives ouvertes par les mois à venir. Jusqu’à la progression de l’épargne alimentée par les augmentations de salaires consenties en 2018, qui relève pour une large part d’opérations de précaution.

En marge de l’analyse, on peut relever le ralentissement qui a marqué, depuis l’été, la croissance en Suisse : celle-ci devrait encore talonner les 2% en 2018 et 1,5% en 2019. Le ralentissement mondial (en particulier du partenaire allemand) est passé par là et la faible progression des revenus n’a guère favorisé la consommation dans la Confédération Helvétique. Ce n’est sans doute pas sans raison si l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a relevé que la croissance des salaires, à travers le monde, n’a jamais été aussi lente en dix ans !

Si, contrairement à ce qu’il pourrait sembler, 2019 risque bien d’être une année-clé pour l’Allemagne, ce ne sera pas sans effet sur ses partenaires et sur les élections au Parlement Européen désormais proches.

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