2020 : une étrange année de transition pour l’Allemagne !

Alain Howiller analyse ce qu'il risque d'arriver à l'Allemagne en cette année 2020.

L'ouverture de l'aéroport "Willy Brandt" sera l'un des temps forts en Allemagne en 2020. Si jamais elle aura enfin lieu... Foto: Merom / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0de

(Par Alain Howiller) – Il y a des années dont on n’attend pas grand chose : ces années-plateaux qui font transition entre une année riche en événements et une autre année qui, elle, risque d’être beaucoup plus passionnante. En Allemagne, 2020 risque, a priori, de faire partie de ces périodes dont on n’attend pas grand chose entre 2019, riche en événements de toutes sortes (risque de récession, poussées de terrorisme, élections dans l’Est du Pays, montée de l’extrême-droite et des écologistes, difficultés entre partenaires de la « Grande Coalition – GroKo » au pouvoir à Berlin), et 2021, année marquée par la retraite d’Angela Merkel, l’arrivée d’un (ou d’une) successeur issu d’élections qui auront lieu entre Août et Octobre !…

2020, une année d’autant plus appréciée par les partis au pouvoir qu’un sondage révèle que deux tiers des Allemands souhaitent que la « Grande Coalition CDU-CSU-SPD » gouverne jusqu’aux prochaines élections ! Ce qui, évidemment, est moins réjouissant pour la « Groko », c’est que les partenaires de la coalition n’ont plus de majorité, que tant la CDU (autour de 27% des intentions de vote) que (surtout) le SPD (13%) continuent de fléchir alors que les « Verts » (21%) se sont bien installés comme deuxième parti d’Outre-Rhin devant le parti d’extrême-droite AFD qui plafonne à 15%.

Des élections à Hambourg et en Bavière – C’est dire qu’on attendra avec intérêt le résultat des élections de la « ville-Etat » de Hambourg qui auront lieu le 23 Février. La ville-Etat est dirigée par une coalition SPD / Verts, dont le chef de file est le représentant social-démocrate : actuellement, les sondages donnent « Verts » et SPD au coude à coude (29% des intentions de vote), ce qui pourrait bien ouvrir la voie à une présidence écologiste ! Cette élection sera l’une des trois vagues de tests électoraux « grandeur nature » avec en Mars, des élections locales et municipales en Bavière et en Septembre en Rhénanie du Nord-Westphalie (le Land est, quant à lui, dirigé par une coalition CDU / FDP). L’élection bavaroise permettra, notamment, de jauger le poids politique de Markus Söder, le Ministre-Président du Land, qui, en réclamant une modification du gouvernement et en s’opposant aux projets de réforme des circonscriptions électorales, vient de se couler dans les traces de Horst Seehofer, l’actuel Ministre de l’Intérieur qui fut son prédécesseur à la tête de la Bavière. De là à penser qu’il guigne un poste ministériel !… (en remplacement de Seehofer ?).

Année de transition en quelque sorte, peu sollicitée sur un plan électoral, 2020 ne sera pas exempte d’interrogations et de débats. Première polémique qui finira devant la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe : la décision de ne supprimer qu’en 2021 et pour 90% seulement des contribuables, le versement de l’impôt de solidarité (le « soli »), introduit après la réunification. Avec le produit du « Soli », il s’agissait de soutenir le développement des « Länder » venus de l’ex DDR. L’impôt aurait du être supprimé au premier janvier de cette année, thèse qu’avait défendu Peter Altmaier, le Ministre de l’Economie qui voyait dans cette mesure un coup de pouce donné aux contribuables-consommateurs. Le Bundestag finalement suivra la demande d’Olaf Scholz, Vice-Chancelier et Ministre des Finances, qui plaidait pour un report à 2021, ouvrant ainsi la voie aux recours devant la justice !

AKK succèdera-t-elle à Angela Merkel ? – Autre contestation à venir qui ouvre un nouveau conflit entre le gouvernement et le Ministre-président de la Bavière : ce dernier s’oppose vigoureusement au projet de la « Groko » qui voudrait redécouper les circonscriptions électorales pour diminuer le nombre de… parlementaires ! La publication du plan « anti-charbon » qui prévoit que l’Allemagne ne sortira du charbon qu’en 2038, nourrit contestation et manifestations de rues alors que, d’après un sondage « ZDF-Politbarometer », 73% des Allemands souhaitent une sortie rapide du charbon (mines et centrales). Cette année, enfin, servira de plate-forme de négociations pour tester la possibilité de remplacer après les élections, la coalition au pouvoir par un attelage CDU/CSU/Verts et FDP !…

Et dans les coulisses du monde politique qui refuse toute alliance avec l’extrême-droite de l’AFD, on commencera à analyser les moyens de « recycler » dans le jeu des pouvoirs l’ostracisée « Die Linke ! »… Et rien ne dit que la CDU/CSU gardera Annette Kramp-Karrenbauer (AKK), l’actuelle présidente du parti chrétien-démocrate et Ministre de la Défense, comme tête de liste aux élections de 2021 !… AKK peine à se faire une place dans l’opinion et Friedrich Merz, qu’elle avait battu de justesse à la tête du parti, pourrait bien lui damner le pion, auréolé de son image de « fort en économie » !

L’étrange « deal » proposé par le syndicat IG-Metall – Or, l’économie allemande, qui a évité de justesse la récession en 2018 et 2019, n’est pas encore tirée d’affaires, même si elle bénéficie d’un mieux. Le « baromètre » créé par « l’Institut für Makroökonomie und Konjunkturforschung – IMK) de Düsseldorf pour évaluer les risques de récession a chuté de moitié de Décembre à Janvier et si le PIB n’a progressé que de 0,5% en 2019, on s’attend cette année à une progression de 1% (+1,5% en 2021). Les exportations devraient progresser de 2% contre +1% réalisé en 2019 mais + 2,1% en 2018. La consommation des ménages devrait s’établir à +1,2% contre +1% l’année dernière et +2,1% l’année d’avant. « L’économie allemande se stabilise et une récession paraît peu probable », a souligné Tino Woilmershaüser de l’Institut de conjoncture de Munich. II n’empêche que la plupart des conjoncturistes, s’appuyant sur les prévisions de croissance molle avancées par l’Union Européenne et le Fond Monétaire International et redoutant une guerre commerciale Etats Unis-Union Européenne, craignent une légère progression du chômage et des emplois à temps partiel.

Bertram Brossardt, Président de l’organisation patronale bavaroise, vient, de son côté, d’ouvrir le robinet de la douche froide en affirmant : « Le ralentissement de notre industrie se poursuit sans interruption et aucune fin de récession n’est en vue ! » Il relève qu’en Bavière, l’industrie avait perdu 2.000 emplois lors du dernier trimestre de 2019 et redoute une nouvelle perte de 10.000 emplois au cours des prochains mois. La récente proposition de Jörgen Hoffmann, Président du syndicat IG-Metall de renoncer à une demande de revalorisation des salaires (+1,5%) allant au delà de l’inflation est révélatrice ! Elle l’est d’autant plus qu’il a proposé un « deal » au patronat : se contenter de cette demande de revalorisation en contre-partie d’un engagement de ne pas diminuer, sans concertation, les effectifs des entreprises, de dresser un cadre pour le temps partiel et de ne pas délocaliser. La proposition a été reçue avec circonspection par le patronat !

Alors que conclure, si ce n’est de dresser le constat que les années de transition réservent souvent des surprises que nous suivrons tout au long de l’année. Il y en a une à laquelle nous réserverons -si elle se confirme- un traitement particulier : à Berlin, le nouvel aéroport Willy Brandt, dont les travaux avaient démarré en… en 2006 (!), va être inauguré le 31 Octobre 2020. Avec -il est vrai- un surcoût de 5 milliards d’euros par rapport aux prévisions !

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