Slovénie : la droite bombe le torse contre le virus

Comme bientôt dans le reste de l’Europe ?

Ljubljana : la porte de la prison du Château Foto: Marion Golsteijn/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Le virus, certes, fera encore beaucoup de victimes, et il faut le combattre avec (presque) tous les moyens. Mais il faut y prendre garde : beaucoup de dirigeants vont être tentés d’en profiter pour installer plus ou moins subtilement une politique autoritaire. Le virus n’aura qu’un temps (il ralentira sa progression en juin ou juillet, sans doute), mais pas la mise au pas des populations, hélas.

Certes, il faut commencer à envisager un « après Covid-19 ». Il est probable que l’Union Européenne, et peut-être même une partie plus vaste du monde, ne sera plus tout à fait la même qu’avant. Recentrage sur ses propres forces, peut-être. Révision des accords d’une délirante inconscience avec la Chine, dans de (trop) nombreux secteurs. Et revalorisation du secteur public ! Ce point est de première importance – comme l’a suggéré entre ses dents étincelantes le boss libéral parisien, là-haut, dans son Palais au Paradis.

Pour le moment, nous en sommes à la phase négative, celle qui fait très mal. Ce qui se passe en Slovénie en est sans aucun doute un bon exemple. Le 3 mars, Janez Janša, le président du SDS, un parti de la droite dure, a été élu Premier ministre à la majorité de la Chambre basse du Parlement (52 voix contre 31, celles de la gauche). Janša a réussi ces six derniers mois à apparaître comme le rassembleur de la droite, de toutes les droites slovènes. Or, Janez Janša a exercé la fonction de Premier ministre deux fois déjà, de 2004 à 2008 et en 2012-2013. C’est un grand ami de Viktor Orbán, et comme lui, c’est un stratège de la peur et de la haine, qu’il sème sans cesse dans tous ses discours, dans ses programmes… et dans ses épanchements twitter. Il dit vouloir « rassembler le peuple » ; mais quel peuple ? Un « peuple » qui exclut tout ce qui n’est pas « ethniquement pur » et qui ne ressemble pas à un robuste Slovène portant une moustache et une estampille sur le front.

Janša est à l’origine un militaire, et il est partisan d’une pratique très autoritaire de la gestion du pays. On s’en est aperçu vendredi soir, quand la première réunion du nouveau gouvernement de droite s’est tenue. Un vendredi treize. Il s’agissait d’une cellule de crise appelée à combattre le coronavirus. 17 ministres dont 4 femmes (à des postes secondaires…), le visage couvert d’un masque chirurgical, ont surtout attendu les décisions du Premier ministre.

Le nouveau gouvernement de droite a décidé de mesures énergiques contre le coronavirus, ce qui est fort bien : à peu près celles qu’on vu appliquer en Italie ces dernières semaines. Plus réalistes qu’en France, où on cache les miasmes pangolins sous le tapis jusqu’à ce que non vraiment, ce ne soit plus possible.Sire Président, la population commence à craindre ; eh bien, donnez leur du papier journal ! Mais Janša, assurément, n’en perd pas pour autant le nord, ou plutôt l’est (où habite l’ami Orbán).

En effet, le premier ministre xénophobe et réactionnaire n’a nullement oublié de se débarrasser de cadres du gouvernement précédent : notamment, comme par hasard, de deux femmes qui occupaient des postes clé, celui de directrice de la Police et de chef d’état-major de l’Armée. C’était vendredi 13. Ce n’est qu’un début, il continuera le combat.

C’est sûr, pour vaincre le coronavirus, il faut de l’ordre et de la discipline. Et pour tenir la population bien en mains aussi, cela va de soi, n’est-ce pas la même chose ? C’est pourquoi le nouveau ministre de l’Intérieur, Matej Tonin, a proposé d’intégrer dans l’Armée le groupe paramilitaire Štajerska Varda : un groupe fondé en juin 2017, d’une centaine de membres armés surtout de kalashnikovs et dont le fondateur, Andrej Šiško, explique que l’Armée slovène ne fait rien contre l’afflux des migrants : il faut donc s’occuper soi-même du problème. Ce groupe est illégal ! Tant qu’à faire, n’est-ce pas ! Mais cela ne passera sans doute pas, grâce aux protestations des partis de gauche qui y trouveront une unanimité au moins passagère – eux qui souffrent d’une regrettable désunion et donc d’un éparpillement fatal des voix lors de toutes les élections importantes.

De telles légitimations ne sont sans doute pas trop à craindre en certains autres pays situés plus à l’ouest, du moins si le RN ou l’AfD n’accèdent pas au pouvoir. En revanche, Janez Janša a annoncé depuis longtemps sa ferme intention de privatiser la Santé et l’Education, de rénover l’Armée et en somme, de ratiboiser le secteur public.

Et dans un pays dont l’économie n’est pas dans un état catastrophique, mais qui est atteinte assez sérieusement par des crises successives, cela risque de faire mal. Très mal.

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