« 4D » et le volet transfrontalier

Le gouvernement lance son « Acte de Décentralisation » : les relations transfrontalières sont concernées. Alain Howiller regarde d’un peu plus près…

La loi dite "4D" doit encore passer par le Sénat et l'Assemblée Nationale - on verra comment elle en ressort... Foto: 4D SAS / Wikimedia Commons / PD

(Alain Howiller) – Malgré la relance du projet auquel le Premier Ministre Jean Castex avait procédé, en février, avant d’en saisir pour avis le Conseil d’Etat, la loi dite des « 4 D » semblait enterrée. Et voilà que, à la surprise générale, le Conseil des Ministres du 12 Mai approuve un avant-projet de loi qui doit être soumis au Sénat au plus tard en Juillet, avant que l’Assemblée Nationale s’en saisisse, à son tour, à la rentrée.

La loi qui, d’après Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse… d’avril 2019(!), devait traduire un « nouvel acte de décentralisation », est désormais engagée dans le processus d’approbation par le Parlement : ce n’est sans douter pas un hasard (!) si son lancement est assumé quelques semaines avant les élections départementales et régionales des 20 et 27 Juin et moins de un an avant les élections présidentielles. C’est de bonne guerre !

Mais que recèle sous le titre barbare de « Loi 4 D » ce texte qui aura mis près de… trois ans avant d’atterrir sur les bureaux des sénateurs et des députés ? Il s’agit d’adopter un projet de loi pour concrétiser, en 83 articles, les nouvelles mesures de « Décentralisation, Différenciation, Déconcentration, Décomplexification ».

Le référendum abandonné !… – Le projet devait, initialement, être soumis à référendum avant d’être engagé dans la voie parlementaire, faute de pouvoir réunir la majorité nécessaire pour organiser une consultation populaire compte tenu de la majorité hostile siégeant au Sénat. Le texte, invraisemblable fourre-tout (le titre d’ailleurs est révélateur !), veut encadrer, assouplir et, parfois, redéfinir les rapports entre le pouvoir central, ses représentants (les préfets par exemple) et les collectivités territoriales (régions, départements, métropoles, communes).

Et s’il s’agit moins de transferts massifs de compétences, c’est qu’il porte davantage la marque du pouvoir central qui se penche sur les territoires qu’il ne met en relief par les demandes venues des territoires. Ces demandes émergées de manière récurrente à l’occasion de la gestion de la crise sanitaire. Le fait, par exemple, de placer dorénavant les « Agences Régionales de Santé – ARS », si souvent critiquées pour leur gestion de la crise sanitaire, sous la responsabilité directe des préfets, ne changera pas grande chose à ce constat !

Il n’est pas étonnant que face au texte proposé, les critiques affluent au point qu’il faut s’attendre à de nombreux amendements déposés par les parlementaires : certains seront, sans doute, retenus par le gouvernement (au risque de… complexifier (!) la lecture d’un texte déjà compliqué !). Pour le « Conseil National d’Evaluation des Normes – CNEN », obligatoirement consulté sur les dispositions concernant les collectivités locales, « les ambitions décentralisatrices restent limitées ! ».

Loin des… « oppositions frondeuses » ? – Pour les responsables de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le projet présenté n’exprime pas d’ambition à la hauteur des enjeux… Ce n’est pas le nouvel acte de décentralisation annoncé… « Les syndicats montent au créneau parce que le texte prévoit des transferts de personnel d’Etat vers des collectivités territoriales. Du coup, certains opposants proposent qu’on rebaptise le « projet 4 D » en rajoutant un cinquième « D » pour… « Déception ». Cela étant, le projet sera certes débattu, mais il ne sera pas réellement combattu. « Nous ne serons pas contre le gouvernement », précisent les opposants-sénateurs, « nous ne témoignerons pas d’opposition frondeuse, on veut être pratique… »

Le texte comporte des éléments pratiques tels que la définition des procédures d’intégration de routes nationales dans les réseaux des régions ou des départements, le transfert aux régions des lignes ferroviaires (y compris les « Trains Express Régionaux – TER » et leurs gares), les interventions dans le domaine de la transition écologique, l’implantation de… radars automatiques (!)… Des dispositions concernent le « couple maire/préfet », la gestion de l’eau, des collèges, des services de santé, du logement social… Pour ce qui concerne le Grand Est et plus particulièrement l’Alsace, certains articles, nourris notamment par l’expérience de la crise sanitaire et du transfert des malades au-delà des frontières, concernent les rapports transfrontaliers.

Le volet des relations transfrontalières : anecdotique ? – Ce « volet transfrontalier » ne figurait pas initialement dans le projet de loi « 4 D » : il a été rajouté au texte grâce au lobbying des élus alsaciens (dont Brigitte Klinkert, Ministre de l’Insertion, tête de liste aux élections régionales) et mosellans, et à l’adhésion de la Ministre de la cohésion des territoires et du secrétaire d’Etat aux affaires européennes, ce dernier étant -détail non négligeable- l’un des animateurs du groupe chargé de préparer le programme d’Emmanuel Macron candidat à sa réélection à la présidence de la République.

Sans être révolutionnaires -sans être pour autant « anecdotiques » comme l’affirme un peu rapidement Frédéric Bierry, Président de la « Collectivité Européenne d’Alsace » (C.E.A.)- les articles concernant le transfrontalier ouvrent la voie vers un remboursement plus rapide des dépenses de soins effectués dans le pays voisin, facilite la coopération entre établissements de santé de part et d’autre de la frontière, veulent ouvrir et faciliter de nouvelles possibilités de coopération en matière de transports (tramways ou liaisons ferroviaires de proximité, aménagements de voies), entend permettre de nouvelles coopérations entre collectivités. Reste évidemment à savoir si ces ouvertures trouveront une réciprocité… transfrontalière.

Reste aussi à savoir ce que le projet sera devenu au final après son passage au Parlement et la prise en compte des amendements éventuels déposés par les parlementaires et acceptés par le gouvernement. En attendant ce dernier, avec la poursuite de la réforme de la « Haute Fonction Publique », la suppression du « Corps des Préfets », la transformation de « l’ENA » devenant « Institut du Service Public (ISP) », le gouvernement entend poursuivre, malgré la crise sanitaire, sa politique de réforme. Les Français auront, au-delà des sondages, une première occasion de dire ce qu’ils en pensent : lors des prochaines élections régionales et départementales.

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