A consommer sans modération…

Le deuxième ouvrage du pasteur-iconoclaste Michel Weckel donnera encore une fois des sueurs froides à tous ceux qui ne veulent pas faire l'analyse historique des années du nazisme en Alsace.

Encore un ouvrage important pour mieux comprendre l'histoire récente de l'Alsace. Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY 2.0

(KL) – La seule chose que l’on pourrait reprocher au pasteur-iconoclaste Michel Weckel, c’est la longueur des titres de ses ouvrages. Après « Ces protestants alsaciens qui ont proclamé Hitler » (paru en 2022, éditions de La Nuée Bleue), il vient de sortir « Entre silences et non-dits, les protestants d’Alsace face au nazisme » (toujours publié par les éditions de La Nuée Bleue), la suite d’un travail d’historien, de journaliste, de scientifique et d’homme de l’église qui cherche la vérité d’une partie de l’Histoire de l’Alsace que certains voudraient traiter par une phrase du grand Germain Muller « redde m’r nimm davun ». Mais fermer les yeux devant l’Histoire, c’est accepter de la revivre, comme l’actualité nous le montre.

Par rapport à son premier livre, Michel Weckel a encore creusé davantage, trouvé des témoignages, des récits, des documents dans les archives et on peut se poser la question pourquoi, pendant les presque 80 ans depuis la fin de la IIe Guerre Mondiale, ce travail n’a pas encore été fait. Heureusement que Michel Weckel s’en est chargé.

Déjà son premier livre avait suscité de vives réactions en Alsace, mais de nombreux lecteurs avaient mal compris les intentions de Michel Weckel. L’auteur ne cherche pas le jugement, sachant parfaitement que les coupables de l’époque sont morts depuis longtemps. Il s’agit, dans les deux ouvrages, d’une analyse historique des années sous le nazisme en Alsace, de la complaisance d’une partie de la population protestante face au nazisme, la présentation des réseaux dont certains ont survécu longtemps après la guerre. Le message, si message il y en a, est simple – « la bête n’est pas morte et le fait de l’avoir condamnée au silence pendant un certain temps, ne veut pas dire que les idées des nazis aient disparues » – la preuve en est donnée ces jours-ci.

Dans « Entre silences et non-dits, les protestants d’Alsace face au nazisme », on retrouve les mêmes personnages du nazisme en Alsace que dans le premier livre, avec de nombreuses informations supplémentaires, car Michel Weckel n’a pas cessé de creuser. Ainsi, on y retrouve les Fritz Spieser, Hermann Bickler, Peter Bieber, la Hunebourg, haut-lieu des nazis dans le nord de l’Alsace, le personnage opaque d’Alfred Toepfer et de nouveaux noms qui avaient organisé le soutien à l’occupant qui lui, n’était pas considéré comme un occupant par toute la population alsacienne.

Encore une fois, Michel Weckel ne pointe pas du doigt ces différents personnages et réseaux, il fournit un travail d’historien qui a ramassé des pièces du puzzle et qui les met ensemble pour que les générations futures comprennent mieux les mécanismes qui facilitent l’émergence du fascisme. Pour cela, il mérité reconnaissance et gratitude, car l’obscurantisme est toujours de mise en Alsace en ce qui concerne cette sinistre période.

S’il faut évidemment considérer le contexte historique qui avait facilité l’adhésion de certains Alsaciens aux idées des nazis (et ce phénomène ne se limite pas à l’Alsace), force est de constater que le sujet jette toujours un froid dans la région. Déjà après son premier livre, de nombreuses paroisses et même librairies avaient refusé d’accueillir Michel Weckel pour des lectures et discussions et l’auteur avait reçu non seulement les applaudissement de nombreux lecteurs, mais aussi les critiques de ceux qui estimaient qu’il ne fallait plus parler de cette époque.

Evidemment, les faits relatés dans les deux ouvrages ne concernent qu’une partie des Alsaciens. D’autres s’étaient engagés dans la résistance, beaucoup ont été des « malgré-nous » et ont vécu un drame. Ce n’est qu’en 2012 que Nicolas Sarkozy avait qualifié le système des « malgré-nous » comme crime de guerre, reconnaissant ainsi les victimes du Gauleiter Wagner.

Le travail exceptionnel de Michel Weckel mérite une suite, pourquoi pas sur le rôle d’Alfred Toepfer qui avait réussi à réapparaître après la guerre comme un « grand européen » par le biais des différents prix décernés par ses fondations créées juste avant la guerre pour contourner l’interdiction des nazis de s’engager dans des entreprises à l’étranger. A l’époque, Alfred Toepfer avait transformé son empire économique en un réseau de fondations dont certaines existent encore aujourd’hui et pour se donner bonne conscience, il avait fondé ces prix qui récompensaient des artistes et auteurs germanophones. Ce personnage mériterait aussi que Michel Weckel lui consacre un livre à part, car la description de l’homme et de ses activités, permet de comprendre les piliers d’un système totalitaire.

Remarquable – à la fin de « Entre silences et non-dits, les protestants d’Alsace face au nazisme », l’éditrice et l’auteur ont sollicité un commentaire de Marc Lienhard dont l’apologie d’Alfred Toepfer contraste avec les passages que Michel Weckel a consacré à ce personnage dans les deux livres. Donner la parole à ses critiques, honore Michel Weckel et les Editions de la Nuée Bleue et constitue une attitude qui invite au dialogue, aux échanges et à un travail encore plus approfondi.

Dans son livre, Michel Weckel cite un long article sur Alfred Toepfer de « L’édition Eurojournalist(e) sur Mediapart », et nous sommes très fiers d’avoir pu ainsi contribuer modestement à cet ouvrage.

Entre silences et non-dits, les protestants d’Alsace face au nazisme
Par Michel Weckel
Editions La Nuée Bleue
163 pages, 22€

ISBN 978-2-7165-0956-5

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