A la croisée de deux regards sur l’Europe

Quand La Vangardia et El Diario se parlent d'Europe.

Vu du ciel, les frontières des pays européens ne sont pas si évidentes que certains le prétendent. Foto: Agence Spatiale Européenne / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0 IGO

(Jean-Marc Claus) –  Le 4 et le 5 juillet 2020, les quotidiens espagnols La Vangardia et El Diario ont publié deux articles relatifs à l’Europe se répondant l’un à l’autre. D’un côté Xavier Mas de Xaxàs, journaliste catalan, traitait de la responsabilité d’être l’Europe. Ce à quoi Lina Gálvez Moñoz, universitaire andalouse et eurodéputée (PSOE), développait sur la responsabilité d’une Europe féministe. Deux textes ayant le mérite de parler d’Europe d’une manière accessible, tout en élevant le débat. Un échange de points de vue particulièrement intéressants.

Pour Xavier Mas de Xaxàs, auteur de la première publication, l’Union Européenne s’est construite il y a 70 ans, sur les décombres d’empires défaillants sur le point de tout perdre après 500 ans de domination du monde. La chute du IIIe Reich, qui fut la dernière tentative de création d’un empire, puis les processus d’inévitables décolonisations, ont conduit les pays européens à se retrouver sans horizon. Il insiste bien sur le fait que les pays fondateurs de l’Union Européenne n’étaient pas des Etats-nations meurtris par deux conflits mondiaux, mais des empires coloniaux contraints à se réinventer. De cet échec impérialiste (sic) a émergé l’entité devenue aujourd’hui la meilleure alternative aux impérialismes états-unien, chinois et russe.

Citant l’historien Timothy Snyder, il évoque les trois caractéristiques observées des impérialismes à toutes les époques de l’histoire de l’humanité : la panique écologique obligeant à se saisir des ressources de l’autre pour garantir sa propre survie, la déshumanisation de la personne différente de soi ne comptant alors plus que pour sa valeur économique, la conquête puis la destruction de l’État pour imposer la terreur aux nouveaux sujets. Ce qui est observable chez les ennemis extérieurs à l’Europe (Trump, Poutine, Xi, Erdoğan), mais aussi en son sein de l’ Union Européenne dans les démocraties dites illibérales et chez les populistes de tous crins. Confrontée à sa pire crise depuis sa création, l’Union Européenne doit renforcer ses états membres pour assurer son salut, sans pour autant promouvoir le concept d’état-nation : un exercice particulièrement délicat.

Ce à quoi, Lina Gálvez Moñoz répond en ajoutant aux ennemis internes à l’Europe les états dits frugaux (Autriche, Pays-Bas, Danemark, Suède, Finlande) qui donnent bien du fil à retordre lors des négociations aux plus hauts niveaux. Pour ce qui est des gouvernements nationaux populistes, du genre du Groupe de Visegrad, elle pointe leur anti-féminisme patenté, alors que le féminisme est à l’avant garde de la démocratie, de l’État de droit et des valeurs fondamentales (sic). Convoquant l’économiste Dani Rodrik, Lina Gálvez Moñoz fait référence à son « trilemme de l’économie mondiale ». A savoir que de marchés mondialisés, souveraineté nationale et démocratie, les pays ne peuvent opter que pour deux éléments, l’association des trois s’avérant impossible. Elle se réfère aussi à la philosophe Nancy Fraser pour qui la mondialisation pose un défi fondamental du point de vue de l’égalité des sexes.

Remontant à la crise de 2008 et aux attentes des féministes quant à la redéfinition du projet européen qui y a fait suite, elle pointe la création d’un commissariat à l’égalité arrivant seulement en 2019 et actuellement présidé par la maltaise Helena Dalli. La lente progression de l’intégration de l’égalité des sexes, associée à une architecture européenne au demeurant très néo-libérale et déflationniste empêchent, selon  Lina Gálvez Moñoz, le développement d’un d’un pilier social et de politiques d’égalité. Cependant, elle pointe que l’UE peut devenir une alternative tant à l’État-nation qu’à l’impérialisme si elle se met au service du bien-être des citoyens, de l’égalité et de la justice sociale. Ce qui implique de sortir de la logique et de mécanismes mortifères de la dette.

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