A quand, la fin des « touradas » ?

Jugée à tort moins cruelle que son équivalente espagnole ou française, la corrida portugaise demeure une pratique barbare.

De l’être humain, du cheval et du taureau, le premier est l’espèce la plus cruelle... Foto: Tiago Lima / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – Avec la saison estivale et donc l’afflux de touristes en découlant, la corrida portugaise ou tourada en version originale, fait à nouveau partie des « spectacles et animations » de certaines villes, dont à Lisbonne aux arènes de Campo Pequeno. Le fait que le taureau ne soit plus mis à mort en public depuis 1928, ne rend pas plus noble cette pratique sanguinaire agrémentée de paillettes et de flonflons.

Une pratique à laquelle ne s’oppose pas l’actuel Ministre de la Culture Pedro Adão e Silva (PS), contrairement à sa prédécesseure Graça Fonseca qui, à l’automne 2018, peu après sa nomination, s’était attirée les foudres des milieux pro-tourada en s’opposant pour le bien de la civilisation, à la réduction de la TVA sur les spectacles taurins. Mais elle n’eut pas gain de cause, puisque la loi est passée, pour le budget 2019.

Or, en 2020, le taux de cette taxe a été relevé, ceci expliquant peut-être la prudence de Pedro Adão e Silva, qui a choisi de botter en touche en se déclarant non fan de tauromachie, mais sans pour autant censurer des pratiques culturelles auxquelles l’État n’aurait pas à se mêler. En clair, si l’État portugais ne soutient pas la tauromachie, il la tolère, car « il faut respecter le regard des autres sur la culture » (sic). Ce qui lui permet de renvoyer dos à dos les les partis PAN (animaliste) et Chega (extrême-droite), aux positions diamétralement opposées en matière de tourada.

Respecter le regard des autres sur la culture, un élément de langage, diraient les communicants, une façon de parler pour ne rien dire, affirmeraient les tenants du bon sens. Avec une telle formule, il est autant possible de contenter les défenseurs du multiculturalisme que ceux du suprémacisme, puisque chaque regard serait alors respectable. Dans une telle logique poussée jusqu’à l’absurde, devient alors possible le rétablissement de la pratique des sacrifices humains des cultures et religions anciennes, pas uniquement en Amérique Centrale, mais aussi en Europe !

Cependant, on peut aussi comprendre la prudence de Pedro Adão e Silva, qui n’a pas voulu plomber son mandat en mai dernier, juste deux mois après la réception de son marocain. Reste à savoir ce qu’il adviendra à terme de ces spectacles dits vivants, alors qu’ils puent la mort. Le mouvement anti-tourada n’est pas un épiphénomène au Portugal, et l’apparition en 2009 d’un parti politique tel que PAN, n’a rien d’anecdotique, malgré les difficultés et déboires qu’il connaît.

Un pays qui légifère dans le sens de la protection des animaux de compagnie, peut-il raisonnablement laisser à terme se perpétuer la torture de taureaux au nom de traditions désuètes et d’un prétendu art ? Sans compter les chevaux, victimes collatérales de ces pratiques , alors qu’en temps normal, ils peuvent cohabiter sans heurts avec les bovins.

D’ailleurs, le co-pâturage bovins–équins, pratique ancienne remise au goût du jour dans plusieurs pays européens, est une formule gagnant–gagnant tant pour les éleveurs que pour les animaux. Nous en parlerons plus longuement dans un prochain article. Mais dans l’immédiat, tant au Portugal qu’en Espagne, mais aussi dans le sud de la France, tant que la torture d’animaux demeurera une pratique culturelle et restera considérée comme un art, l’Humanité n’en sortira pas grandie.

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