Michel Sapin et Wolfgang Schäuble redoutent que l’Europe ne connaisse une… année blanche !

Les deux ministres étaient présents à l’Université d’Automne du Mouvement Européen à Strasbourg – en défendant l’inertie généralisée de la part des responsables politiques.

Des hommes politiques comme Wolfgang Schäuble font partie des problèmes de l'Europe et non pas des solutions... Foto: European Peoples Party / vid Plas / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Alain Howiller) – On dit généralement qu’il y a trois façons de sortir d’une crise : par le « haut », en proposant mieux, par le « bas » en reconstruisant le projet mis en difficultés, et en ne faisant « rien » pour essayer de « geler un statut quo » et de courber le dos. Les footballeurs -eux, dont François Hollande pourtant (1) souhaitait voir « muscler le cerveau »(!)- savent qu’une bonne (ou plutôt mauvaise !) façon de perdre un match, c’est de se replier en défense en essayant de protéger un illusoire avantage ! Les dirigeants de l’Union Européenne semblent avoir choisi d’essayer de protéger ce qui existe et qui, pourtant, est de plus en plus contesté par les citoyens qui estiment qu’ils y trouvent de moins en moins leur compte ! Deux poids lourds de la politique française et allemande -Michel Sapin et Wolfgang Schäuble- viennent de se retrouver, à Strasbourg, à l’Université d’Automne du Mouvement Européen-France.

Ils étaient venus parler du « moteur franco-allemand au cœur de la future Europe ». A suivre les interventions des deux ministres, il semblait manifeste que les organisateurs de l’Université d’Automne avaient oublié de placer un point d’interrogation à la fin du titre des deux développements. Car si « moteur franco-allemand » il y a selon les conférenciers, sa mise en œuvre doit intervenir avec une telle prudence -pour ne pas effaroucher les partenaires européens- qu’on peut légitimement s’interroger sur son action pour relancer une Union Européenne en crise, voire en danger. Car les deux intervenants sont conscients du fait que la situation actuelle (du Brexit aux réactions de pays comme la Pologne ou la Hongrie en passant par un nouveau risque de crise financière ou d’absence suffisante de croissance) pourrait mettre l’Union Européenne en danger.

Le moteur franco-allemand carbure-t-il au diesel ? – Le moteur franco-allemand -qui tournerait selon Michel Sapin à un rythme supérieur à celui d’un… moteur diesel (!)- ne suscitera sans doute aucune grande initiative de relance, d’autant que les élections présidentielles en France, les élections au parlement fédéral en Allemagne sont à nos portes. On aurait, naïvement, pu penser que justement la perspective des échéances électorales pourrait pousser à des initiatives allant dans le sens des citoyens déçus par l’Europe.

D’autant que, pour citer le ministre français approuvé par son collègue allemand : « Notre plus grand problème est qu’un nombre de plus en plus grand de personnes dans la quasi-totalité des états-membres ne sont plus tout à fait d’accord avec les réponses politiques européennes ». On aurait pu penser que, pour reprendre l’image placé en introduction de cet article, on essaye de sortir des difficultés par le « haut » et bien non, car pour Michel Sapin : « L’Europe est en grand danger parce que l’esprit européen lui-même s’est affaibli. Nous ne pourrons pas le retrouver en passant par le haut, par l’approfondissement institutionnel ».

Face à cette approche ministérielle, que faut-il penser du propos d’Angela Merkel disant : « (Que) notre Europe soit considérée… comme ce qu’elle est vraiment : une grande chance ! »(2) Comment faut-il prendre les déclarations de François Hollande estimant que « l’Europe n’est pas le problème, mais la solution » et que la solution des crises passe par « plus d’Europe » et non par « moins d’Europe ! » Que deviennent les projets de « gouvernement économique de la zone euro », la structuration de cette zone au besoin avec les seuls pays désireux d’avancer et de poursuivre sur le chemin d’une union sans cesse plus étroite ?

Quelles étapes pour une Europe en mieux ? – Wolfgang Schäuble, de son côté, renchérit : « On ne peut pas au jour d’aujourd’hui ranimer es grands débats institutionnels, aborder le renforcement des institutions ou relancer les idées de fédéralisme. Il faut convaincre nos concitoyens qu’il n’y a aucun chemin, aucun défi que nos pays peuvent engager et gagner seuls ! » Les problèmes auxquels l’Union Européenne est confrontée actuellement, estime le Ministre allemand des Finances, relèvent avant tout de la coopération intergouvernementale plus que de l’action des instances européennes.

Mais, a-t-on envie de lui rétorquer, n’est-ce pas justement cette forme d’action intergouvernementale à base de sommets liés à une difficile unanimité qui est à l’origine du désenchantement des citoyens ? Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater que selon les deux intervenants, les gouvernements vont jouer la « défense » et éviter de trop bouger, le tout défendu lors d’universités d’automne placés sous le thème : « Quelles étapes pour une Europe en Mieux ? »

C’est déjà la thèse qu’avaient défendus 7 dirigeants européens (dont trois anciens président(e)s du Parlement Européen : l’Espagnol José Gil Roblès, la Française Nicole Fontaine et l’Allemand Hans Gert Pöttering) lors d’une table ronde organisée à Strasbourg, à la Maison de la Région : ils préféraient, disaient-ils, un « approfondissement » de la politique européenne, plutôt qu’une « rupture » !

Un manque de courage politique ! – Seule contre tous, la luxembourgeoise Viviane Réding, ancienne commissaire européenne, actuelle députée au Parlement Européen, avait attaqué ceux qui, par manque de courage politique, ont tendance à suivre l’opinion et à se conforter aux tendances dessinées par les sondages et qui ne veulent pas prendre le risque d’une relance pour doter l’Eurozone d’une structure politique susceptible de permettre aux pays qui le souhaitent d’avancer et de dépasser le contenu trop excessivement financier ou économique de la « zone euro » ! (voir eurojournalist.eu du 22 Mai 2015).

Devant le risque d’actions timorées pour cause de compétitions électorales, Michel Sapin, lors d’un contact avec la presse précédent son intervention devant le Mouvement Européen (plus de 300 participants s’étaient inscrits à l’université d’automne !), avait pourtant souligné : « Il ne faudrait pas que ce soit une année blanche dans l’action européenne ! » Pourtant, le risque en est là !

C’est ce que Michel Sapin et Wolfgang Schäuble avaient déjà souligné, il y a quelques mois, lors de leurs « entretiens croisés » parus sous le titre « Jamais sans l’Europe, entretiens croisés de deux européens convaincus »(2) : le titre en allemand (« Anders gemeinsam ») les convergences entre les deux n’éliminent pas totalement des nuances qui comptent !

Wolfgang Schäuble : président de la République ? – Les divergences, de plus en plus manifestes, qui grippent le moteur franco-allemand (les initiatives solitaires d’Angela Merkel auprès de la Turquie pour régler le problème des migrants et sa toute récente tournée en Afrique sont révélatrices), permettront-elles, malgré tout, une relance du « projet Europe » d’ici à la fin de l’année ? Si rien n’est moins sûr, il est certain que tant Michel Sapin que Wolfgang Schäuble poursuivront leur carrière politique.

Michel Sapin l’a annoncé à sa manière. L’un des journalistes-intervieweurs et auteurs du livre commun, lui a demandé : « Quel est votre meilleur souvenir politique ? Ou celui dont vous êtes le plus fier ? » Nous ne pouvons pas le savoir, nous n’avons pas fini nos vies politiques ! Le Ministre se présentera donc aux prochaines élections pour renouveler la composition de l’Assemblée Nationale. Quant à Wolfgang Schäuble, qui est déjà titulaire du mandat électoral le plus long du Bundestag, il a répondu à la question posée par : « Pour moi c’est clair, tous, les évènements qui sont en lien avec la réunification de l’Allemagne »(2)

Mais depuis, il a annoncé qu’il se représenterait, en Septembre prochain, aux élections renouvelant le Bundestag : dans sa circonscription d’Offenbourg. A moins que la CDU ne le présente (mais c’est de moins en moins probable), en février, à la succession de Joachim Gauck dont le mandat comme président de la République ne sera pas renouvelé (à la demande du sortant). L’hypothèse rappellera à l’actuel Ministre allemand des Finances qu’il avait déjà été question de sa candidature à la présidence de la République : Angela Merkel n’avait pas voulu, alors, qu’il se présente ! Souvenirs, souvenirs !

(1) Dans l’ouvrage d’entretiens de François Hollande avec les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme intitulé : « Un président ne devrait pas dire ça… » (Stock éditeur, 672 pages, 24,50 euros).

(2) « Jamais sans l’Europe ! Entretiens croisés de deux européens convaincus : Michel Sapin et Wolfgang Schäuble » – Propos recueillis par les journalistes Dominique Seux et Ulrich Wickert, Préfaces de François Hollande et Angela Merkel, EdIteur Débats Publics-Maison d’édition et de débats, 240 pages, 18 euros.

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  1. Revue de presse de l’Université d’automne 2016 à Strasbourg / 14-16 octobre 2016 | Mouvement Européen – France

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