A Strasbourg, salle comble pour Giscard d’Estaing

L'ancien président a présenté son nouveau livre et un cap nouveau pour l'Europe.

L'ancien président a enthousiasmé son public strasbourgeois. Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – «L’Europe, notre Europe dispose encore de vingt ou trente ans pour s’unir comme ont su le faire les Américains et rééquilibrer de ce fait, le jeu des grandes puissances… Ce projet n’est pas difficile à réaliser. Avec Helmut (note de la rédaction : Helmut Schmidt, l’ex-chancelier allemand), si nous avions trente ans de moins, nous nous passionerions pour le faire…» Véritable «star» auprès d’un auditoire de plus de 600 jeunes, pour la plupart étudiants à l’Ecole de Management de Strasbourg qui le recevait, Valéry Giscard d’Estaing, malgré ses presque 89 ans (il les aura le 21 Février) a su passionner un auditoire conquis.

Il venait parler de son dernier livre : «Europa», préfacé par son ami Helmut Schmidt. Il y développe une courte -mais précise- histoire de l’Union Européenne, de la «Communauté du Charbon et de l’Acier» (CECA), initiée par Robert Schuman et Konrad Adenauer, jusqu’à l’UE d’aujourd’hui, sans oublier le pénible chapitre de l’échec du référendum sur le projet de «Constitution Européenne». On sait que ce projet, rejeté par le peuple français (référendum du 29 Mai 2005), avait été élaboré par une «Convention» de 102 membres présidée par Valéry Giscard d’Estaing. «Aujourd’hui», a souligné l’ancien Président de la République, «l’Europe ne va pas bien, elle ne fonctionne pas bien, elle est divisée et ses électeurs sont en majorité déçus». Pour lui, l’Europe n’a plus d’objectifs, elle n’a pas su traverser et trouver de solution définitive à la crise et elle n’a plus de soutien populaire.

De nouvelles missions pour Strasbourg ? – L’ancien Président de la République s’appuyant sur de nombreux sondages, souligne que l’opinion reste attachée à l’Europe. C’est pour cela qu’une relance de l’Europe s’impose : l’ancien Président développe l’idée qui se situe au coeur de son livre : celle d’une nouvelle Europe qu’il baptise «Europa». Il s’agit de transformer la «Zone Euro» en une structure qui reposerait sur une intégration fiscale et budgétaire plus poussée et dont les membres affirmeraient leur volonté d’avancer ensemble.

La nouvelle organisation serait dotée d’une secrétariat général qui serait basé à Strasbourg. Les chefs de gouvernement de la nouvelle «zone» se réuniraient tous les deux mois «pour leur donner l’habitude d’évoquer de manière commune les questions concernant notre continent : L’Europe doit saisir sa chance», souligne l’orateur. La poursuite de l’intégration monétaire et fiscale permettrait à l’Europe de devenir une vraie puissance du XXIème siècle. L’initiative de cette ré-organisation pourrait venir des six chefs de gouvernement ayant lancé, à l’origine, le mouvement vers l’intégration européenne. Il convieraient à Strasbourg, les chefs de gouvernement de la zone euro qui accepteraient d’aller de l’avant. De cette initiative naîtrait -l’orateur détaille le projet dans son livre- un groupe qui se transformerait par la suite, en Directoire avec un président et un vice-président. Le Directoire prendrait des décisions avec une majorité représentant 60% des populations des états membres et le droit de véto disparaîtrait ! La nouvelle structure pourrait être décidée par les gouvernements en place, sans avoir à passer par la négociation d’un nouveau traité : elle pourrait s’appuyer sur une «charte d’intégration économique» soumise aux parlements nationaux.

Dans son livre, Valéry Giscard d’Estaing évoque aussi la possibilité de réunir à Strasbourg, une fois par an, dans les installations du Parlement, un «congrès des peuples européens» qui approuverait les orientations de l’Union et lui apporterait une légitimité démocratique.

Abandonner la réforme territoriale française ! – Contrairement à ce que d’aucuns auraient pu penser, ces idées au carrrefours d’un pragmatisme révigorant et d’une utopie sage, ont suscité non seulement de l’intérêt, mais également de l’enthousiasme auprès d’un auditoire subjugué. L’orateur n’a pas manqué d’évoquer un certain nombre de problèmes d’actualité. Pour lui, l’initiative franco-allemande dans la guerre en Ukraine montre à l’évidence que «l’Europe n’existe plus» : la chargée des Affaires étrangères de l’Union Européenne n’a même pas été conviée aux négociations entre les parties prenantes ! Pour Giscard d’Estaing, la solutiuon passe par une organisation plus confédérale de l’Ukraine, sans toucher aux frontières. La nouvelle structure reconnaîtrait ainsi la diversité de la population ukrainienne et la forte présence de populations russes à l’Est du territoire. «Mais n’oublions pas que la Russie est notre voisine».

A propos de la situation en Grèce, l’ancien président de la République a estimé -comme beaucoup d’observateurs- que l’entrée de la Grèce dans la zone euro avait été une erreur, car «la Grèce n’était pas en situation de se gérer avec une monnaie aussi forte que l’euro !» Soulignant toutefois qu’il «fallait laisser le choix aux Grecs», il lui semblait impossible de voir appliquer le «programme d’Alexis Tsipras» si le peuple grec voulait garder l’euro ! L’orateur n’a pas abordé l’anti-germanisme primaire qui semble avoir saisi la société grecque, seule responsable «in fine» de ce qui lui arrive !

En conclusion, l’orateur qui n’a pas manqué de fustiger la réforme territoriale fusionnant l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne, une réforme à laquelle il faudra mettre un terme lorsque le pouvoir en place sera victime d’une inévitable alternance, et Giscard d’Estaing s’est voulu optimiste : «L’Europe doit être volontaire, car c’est d’elle que dépend la construction de notre avenir commun !»

2 Kommentare zu A Strasbourg, salle comble pour Giscard d’Estaing

  1. Merci à Kai Littmann (relayant l’eurodéputé A. Gericke), Alexis Lehmann, Alain Howiller, pour les rappels diffusés hier et ce matin à propos de Strasbourg, berceau non seulement de l’Europe, mais aussi de son urgente résilience et de son rebond constant. Nous croyons en effet qu’au-delà des sites et des budgets, comme le montrent les événements de ces dernières semaines et journées, l’Europe est d’abord et toujours une tournure d’esprit, une culture de l’espérance, une aventure solidaire. A ce titre, Strasbourg forme l’un de ses « cadrans solaires » pour reprendre une définition présente au « Lieu d’Europe », donc un solide foyer de pensée, d’accueil, d’audace, fondé par et pour les « pierres vives » qu’est chaque être humain d’après l’humaniste Rabelais !

  2. Commentaire soumis par Alexis LEHMANN : Terminer l’Union Economique et Monétaire? C’est bien ce qu’il faut faire! …
    Si nous n’y arrivons pas, l’Euro est mort et L’Europe avec!
    La situation actuelle ou les éléments de compétitivité entre des pays partageant la même monnaie,se nichent dans les asymétries fiscales,sociales, réglementaires, normatives ,est intenable à terme….Tout le monde le sait!
    Il est assez étonnant que la proposition de VGE de pousser STRASBOURG à prendre le leadership d’une Gouvernance de la zone Euro, avec l’objectif d’aller au bout de L’Intégration Économique et Monétaire ne soit reprise par personne….!
    Mais de qui avons nous peur..? De nos Gouvernants?,des Ministres des Finances de L’Eurogroupe?
    Que peut-il donc nous arriver si défendons cette thèse ?
    Allez STRASBOURG! Allez, l’EUROMÉTROPOLE ! COURAGE !
    C’est la survie de nos vieux pays face aux Giga -Continents, que nous défendons !
    70ans; 70 ans!….Trois générations…! , après la grande idée du départ….!
    Il faut maintenant terminer le travail! L’éclatement, ou le retour en arrière!,
    je préfère ne pas y penser!

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