« À un cheveu près » – Babak Kazemi – Maryam Firuzi

L'Espace Apollonia à Strasbourg-La Robertsau, présente à partir de ce vendredi, une exposition qui parle de la culture en Iran, dans un contexte plus que difficile pour les artistes et libres penseurs.

Les Mollahs n'arrivent pas à tuer la créativité des artistes iraniens. Foto: Organisateurs / Apollonia

(KL) – L’Espace Apollonia à Strasbourg-La Robertsau est connu comme un haut-lieu de la culture strasbourgeoise qui a pour l’habitude de quitter les sentiers battus. La nouvelle exposition de deux artistes-photographes iraniens, Babak Kazemi et Maryam Firuzi, ne montre pas seulement les remarquables travaux de ces deux artistes, mais également toute la richesse de la culture iranienne. A un moment où seulement les mollahs et les manifestations contre leur régime occupent la « Une », il convient de se souvenir de la richesse culturelle de ce pays.

Babak Kazemi est un photographe autodidacte, né en 1983 à Ahvaz en Iran. Parmi les thèmes abordés, Kazemi explore l’histoire de la province du Khuzestan dans laquelle il a grandi, en se concentrant sur l’impact de la production pétrolière sur la région. Dans sa série « The exit of Farhad et Shirin », Babak Kazemi revisite cette tragédie du XVIe siècle afin de commenter le combat contemporain des amoureux qui doivent quitter leur pays pour trouver la liberté d’aimer. Pour lui, l’histoire révèle les racines historiques de ce que nous connaissons aujourd’hui, comme la migration forcée et l’immigration. La figure du roi Khosrow lui fournit également un symbole puissant du type de contrôle et de suppression des émotions que les hommes et les femmes subissent encore aujourd’hui. Cependant, le message de Kazemi est que l’amour peut surmonter même les situations les plus difficiles.

Maryam Firuzi, elle, est née en 1986 à Shiraz et elle travaille et vit à Téhéran. Bien qu’elle ait suivi une formation de cinéaste à l’université, elle travaille également dans le domaine de la photographie. Avec Gisoo, « cheveux » en persan, Maryam réalise 18 portraits photographiques féminins sur lesquels elle brode à l’aide des cheveux, des modèles. « Les cheveux sont l’un des derniers éléments du corps humain à disparaître. Des mythes à la littérature, de la culture populaire et des contes de fées, jusqu’à devenir l’objet de sanctions sociales, les cheveux occupent une place évidente. Le lien entre les cheveux et le deuil est encore aujourd’hui une coutume bien établie dans de nombreuses cultures du Shahnameh à l’Odyssée. Paradoxalement, dans la loi islamique, lorsque les cheveux d’une femme sont coupés, le Hijab n’est plus une obligation ; comme si les cheveux qui étaient autrefois un ornement, n’étaient plus attrayants ou désirables. Pour moi, les cheveux sont comme les fils de l’âme, qu’ils soient longs ou courts. J’ai demandé à mes amies proches de se tenir devant l’appareil et de me donner ensuite leurs cheveux pour les coudre sur leurs photos imprimées ou pour couvrir leurs têtes nues et ainsi les recapturer. »

L’espace Apollonia et son équipe lancent avec cette exposition, une opération d’envergure autour de la photographie contemporaine iranienne. Le deuxième volet est prévu du 5 juin jusqu’au début du mois de septembre à l’Espace Apollonia, au Parlement Européen et dans différents lieux à Strasbourg. Une mission de prospection a eu lieu en Iran en octobre 2018. Elle a permis de toucher à certains aspects significatifs de la création artistique contemporaine de Téhéran.

La vitalité de la scène photographique, en plein essor, dans un pays qui connaît à nouveau de violents tourments, révèle le besoin d’expression d’artistes avides de changement. Le poids des traditions, les bouleversements apportés par la République islamiste et ce qu’il en subsiste, les protestations populaires et les technologies de la communication, mais aussi le riche héritage culturel, l’attachement à son pays et les rapides évolutions vers l’avenir, sont autant de sujets qui parcourent la création contemporaine. La versatilité du médium photographique, qui produit des images allant du documentaire au poétique, capturées rapidement et discrètement dans la rue, ou au contraire, grâce à des mises en scène soignées en studio, diffusées par Internet (notamment Instagram) bien plus largement que toute autre forme d’art, explique en partie la richesse et la variété de la production dans ce domaine. Au fil des dernières décennies, le statut de photographe a été tantôt dénigré, tantôt toléré, tantôt célébré, avec des fluctuations qui n’ont pas empêché de nombreux artistes de s’en emparer et d’affronter la censure frontalement ou avec ruse et humour.

Malgré cette émergence, la situation actuelle de l’Iran et du quotidien de ses habitants, restent méconnus du public français. C’est pourquoi Apollonia et ses partenaires se proposent d’organiser plusieurs expositions à Strasbourg entre février et septembre, mettant chacune l’accent sur l’un des aspects de cet art intimement lié à la vie. Les thématiques dégagées veilleront à préserver l’équilibre entre sensibilité et approche documentaire, entre rêve d’idéal et constat du présent, en s’employant à créer une approche de l’Iran loin des lieux communs et des préjugés.

Exposition du 25 février au 16 avril
Espace Apollonia, 23 rue Boeklin, Strasbourg
Pour plus d’informations, cliquez ICI !

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