Abstentionnisme : les syndicats sont, eux aussi, concernés !

Alain Howiller analyse l’abstentionnisme, autant dans les élections professionnelles que les élections « politiques ». Les deux se trouvent sur la même pente raide…

Le syndicalisme se trouve sur le même chemin que la politique - en marche vers l'insignifiance sociétale... Foto: Henry Salomé / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Alain Howiller) – Si l’abstentionnisme aux récentes élections régionales et départementales a ébranlé, un court laps de temps (!), un monde politique qui déjà se déchire pour préparer les… prochaines échéances électorales, que dire de cet autre déni de participation que souligne l’évolution de la non-participation aux élections professionnelles, qui désignent les membres des comités d’entreprises ou des conseils économiques et sociaux, délégués du personnel, juges prud’homaux, délégués syndicaux…

Si la première forme de déni de « participation » a, pratiquement, concerné deux Français sur trois, les statistiques 2017/2021, que vient de publier le Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social, sont révélatrices : près de 62% des électeurs inscrits n’ont pas participé aux élections professionnelles. Le record d’abstentions a marqué les élections dans les « Très Petites Entreprises (TPE) » (3 millions d’établissements employant moins de 11 salariés et occupant 5 millions de personnes) qui ont connu, du 22 Mars au 6 Avril, un taux de participation de… 5,44% ! Alors, élections politiques ou professionnelles, même combat pour la préservation et la… restauration de la société démocratique et représentative ?

Déjà sur la voie de l’oubli ?… – Peut-être avez-vous -dubitatif comme moi- secoué la tête, en apprenant que Richard Ferrand, le Président (La République en Marche – LREM) de l’Assemblée Nationale, avait annoncé la mise en place d’une mission d’information et d’une consultation publique sur les raisons du fort taux d’abstention qui avait marqué les élections régionales et départementales. Une étude de plus alors que la Commission des Lois de l’Assemblée, présidée par Yaël Braun-Piquet, autre député LREM, avait déjà créé un « groupe de travail sur les modalités d’organisation de la vie démocratique » et que les tiroirs de nos élus regorgent d’études sur les raisins du développement de l’abstention(1).

Effaré -comme moi- vous aurez assisté à la manière dont certains partis ont célébré des victoires obérées par la faible participation des citoyens aux élections et à la manière dont d’autres partis ont subtilement glissé vers le seul électeur, la responsabilité du faible taux de participation ! Abasourdi vous avez -comme moi- été surpris de la rapidité avec laquelle des noms se sont alignés sur la liste des candidats aux élections présidentielles d’avril 2022 ! Alors, rien compris et déjà sur la voie de l’oubli ?

Quand la CGT sermonne les politiques ! – D’après les statistiques du Ministère du Travail, alors que, depuis 2013, le nombre d’inscrits sur les listes des élections professionnelles a augmenté (+1,4 millions environ), le nombre de votants n’a pas suivi la courbe, même si le rythme de reflux a été légèrement moins fort. Les taux d’abstention entre les deux formes de scrutin ne sont pas éloignées, ce qui n’a pas empêché Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT qui n’a pas hésité à relancer les grèves à la SNCF dès que le déconfinement (peut-être provisoire avec le risque de rebond du virus) a permis de voyager, de commenter l’abstention aux élections par un laconique : « (l’abstention s’explique par le fait que…) le débat politique ne traite pas des véritables problèmes des gens. »

Il avait apparemment déjà dépassé le « débat socio-syndical » qui peine à expliquer le très faible taux de participation (5,44%) aux élections dans les « TPE » ! Pourtant, dès 2014, tirant les conclusions des forts taux d’abstention relevés (67,3% en…2002 !), une loi avait décidé de remplacer le système d’élection des membres des conseils des prud’hommes (« tribunaux » chargés d’arbitrer les litiges individuels du travail) par une désignation, à partir de 2018, par les ministres de la Justice et du Travail !

Elections professionnelles… à la dérive ! – L’abstention concerne aussi bien les élections professionnelles dans le secteur privé que public. D’après les dernières mesures d’audience publiées par le Ministère du Travail, le taux de participation aux élections professionnelles dans le secteur privé a été de… 38,24% ! La plupart des syndicats ont perdu des voix : la CGT (deuxième force syndicale avec 22,96% des votes recueillis) a perdu un peu plus de 150.000 suffrages depuis 2017 et si la CFDT a consolidé, selon les calculs du ministère, sa première place avec 26,77% des suffrages, c’est malgré la perte de près de 40.000 voix ! L’érosion touche tout particulièrement les catégories des ouvriers et des employés : ces catégories qui ont également pesé sur… l’abstentionnisme aux élections régionales et départementales !

Chez les fonctionnaires, la participation aux élections professionnelles baisse également au fil des dernières décennies : de 80% dans la période 1953/1954, elle est tombée à 48% en 2018 (dernier chiffre établi). Dans la fonction hospitalière -élément intéressant dans le contexte actuel-, la participation avait même reculée à 42,3% !

On avait oublié…Talleyrand ! – L’érosion n’est évidemment pas dissociable de la situation des syndicats en France où le taux de syndicalisation, l’un des plus faibles dans l’Union Européenne, est de l’ordre de 8% dans le seul secteur privé, de 11% si on tient compte du secteur public. On peut difficilement en déduire, pour en revenir à l’argument développé par Philippe Martinez dont le syndicat ne cesse de perdre des adhérents, que « l’offre syndicale » est mieux adaptée aux besoins des citoyens que « l’offre politique » !

A la veille de nouvelles échéances, le constat est loin d’être rassurant : c’est moins de techniques facilitatrices de l’expression du vote dont les électeurs ont besoin, que d’offres susceptibles de correspondre à leurs besoins ! Comme le disait Talleyrand au Congrès de Vienne, chargé de liquider l’héritage européen de Napoléon : « Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant ! »

(1) Voir eurojournalist.eu du 31.10.2020.

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