Ah, ces bons chrétiens ! (1/2) – La charnière 1980-1990

Au décours des récentes midterms étasuniennes et des élections présidentielles brésiliennes, se révèle une fois de plus, l’influence croissante et douteuse de certains « bons chrétiens » sur le destin de grandes nations.

Le binôme Reagan (1911-2004) - Wojtyla (1920-2005), une combinaison gagnante pour le Kapital sur l’échiquier géopolitique mondial. Foto: White House / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Lula a devancé Bolsonaro d’une courte tête au Brésil le 30 octobre dernier, pour se retrouver aux commandes d’un pays dont certaines institutions ont été soigneusement verrouillées par le pouvoir « muito ur-fasciste » élu démocratiquement quatre années auparavant. Aux USA, le clan trumpiste, lui aussi « very ur-fascist », a considérablement plombé les élections de mi-mandat et tellement bien savonné la planche à Joe Biden, que ce dernier se retrouve avec un Congrès devenu républicain, même si c’est d’une courte majorité.

Quid lors des derniers rendez-vous électoraux, de la constellation des chrétiens évangéliques, forts nombreux au sein de ces grandes démocraties ? Sans sombrer dans la loi absurde du tout ou rien, génératrice de raisonnements exclusivement binaires, force est de constater tout de même que depuis quelques années, un nombre croissant de ces protestants revivalistes s’autoproclamant souvent dépositaires exclusifs du label chrétien, s’engagent en politique. Mais pas seulement aux Amériques, car nous l’observons également en Europe.

Alors que dans les milieux évangéliques, il y avait au siècle dernier une réticence à s’impliquer dans les affaires de la cité, voire même carrément un réel dégoût affiché ostensiblement par certains d’entre eux, les voilà aujourd’hui se mêlant de la politique et soutenant largement des ur-fascists. Or, durant la Seconde Guerre Mondiale, des chrétiens anonymes, mais aussi des personnalités telles que le pasteur Martin Niemöller et le théologien Dietrich Bonhoeffer se sont engagés contre la dictature hitlérienne. D’où la question : que s’est-il passé pour en arriver là ?

Avancer dans une affaire si complexe une hypothèse univoque, relève d’une vision manichéisme du monde, propre aux dictatures et théocraties dont les méfaits ne sont plus à démontrer. Nous nous en garderons bien, mais il n’en demeure pas moins inintéressant de se pencher sur les effets rebonds de la liquidation de la Théologie de la Libération sur le continent sud-américain. Opération réalisée dans le contexte d’une alliance entre Ronald Reagan et Karol Józef Wojtyla alias Ioannes Paulus II, tous deux très amis des dictateurs latino-américains.

Ce rapprochement entre un presbytérien politiquement très à droite présidant l’un des plus puissants états de monde, et un catholique faussement moderniste régnant sur un micro-état à la diplomatie particulièrement efficace, fit autant l’affaire des puissances d’argent que l’arrivée de Hitler au pouvoir dans les années 1930. Le tandem infernal permit en Europe, d’abattre le Rideau de Fer et le Mur de Berlin. Mais l’anticommunisme primaire de ces deux obscurantistes au service du Kapital, les conduisit également à faire le ménage en Amérique Latine, région du Nouveau Monde à ce moment là majoritairement catholique.

Alors que les USA y cultivaient les républiques bananières, en y installant des dictateurs de la trempe d’Augusto Pinochet, il restait un mal à traiter d’urgence : la Théologie de la Libération qui, d’inspiration quelque peu marxiste, incitait le peuple à prendre son destin en main en formant des communautés de base où le message biblique se déclinait en termes de solidarité. Porté par la pastorale « Gaudium et Spes » (Joie et Espoir), issue du très progressiste Concile Vatican II et promulguée par Giovanni Battista Montini alias Paulus VI, ce mouvement eut du côté catholique, de célèbres théologiens tels que Gustavo Gutiérrez et Leonardo Boff, ainsi que des archevêques très engagés comme Hélder Câmara au Brésil, Oscar Romero au Salvador, et même des prêtres impliqués dans la guérilla paysanne comme Camillo Torres en Colombie.

Vous lirez la deuxième partie de cet article demain ici-même !

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