Alélor du Rhin !

La moutarde n’a jamais manqué en Alsace, parce que la moutarde c’est aussi l’Alsace !

Des cigognes blanches dans un champ de moutarde, même si ce n’est pas en Alsace, y-a-t’il plus fort symbole pour la moutarde alsacienne ? Foto: Mahieddine Boumendjel / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Quid de la pénurie de moutarde en France, me questionnait, il y a peu, une parente résidant sur la rive helvète du Lac Léman, c’est à dire, du côté suisse du Lac de Genève, pour ne froisser personne. Il est vrai que dans la grande distribution, avec la guerre menée par la Russie en Ukraine, pour l’immense bonheur des complotistes de tout poil, la moutarde est venue à manquer en France.

En France dite de l’intérieur, mais aussi en Alsace, territoire que l’on qualifierait de Marche au Moyen-Âge et appelé depuis peu Communauté européenne d’Alsace. CeA,  à ne pas confondre avec le CEA, autrement plus atomique. En Alsace, mais seulement dans la grande distribution, où centrales d’achat obligeant, des marques de pâtes condimentaires de sénevé aux origines surprenantes, sont venues remplacer les marques françaises habituelles.

Mais pour celles et ceux sachant ce que moutarde veut dire, il est à Mietesheim, petit village nord-alsacien bien connu pour son raifort produit à 100% localement, une entreprise familiale nommée Alélor qui, outre ses préparations à base de wasabi alsacien, produit un condiment à base de moutardes blanches et noires cultivées à 60% localement. Alélor est devenue, crise russo-ukrainienne aidant, l’Or du Rhin sans que le Groupe Wagner y soit directement mêlé, précisons-le pour les complotistes des niveaux Débutant à Grand Maître.

Bénéficiant d’une exception au décret du 30/09/1937 interdisant l’association de sinapsis alba à la brassica nigra, la moutarde douce dite d’Alsace, est composée des graines noires et blanches. Contrairement aux premières, les secondes ne contenant pas de sinigrine qui au contact de l’eau, développe un goût piquant, apportent au mélange savamment dosé, de la sinolbine moins agressive et donc facteur de douceur, accroissant avec les autres ingrédients la palette aromatique de la préparation.

Pourtant, c’est la graine de brassica nigra, plus grosse en Alsace que dans d’autres régions de France, qui l’a fait s’exporter massivement notamment aux XVII et XVIIIe siècles. Mais dans la seconde moitié du XIXe siècle, suite à l’annexion de l’Alsace-Moselle au IIe Reich, l’association de graines de sinapsis alba à celles de brassica nigra, comme cela se pratiquait couramment en Allemagne, fit émerger un nouveau produit qu’Alsaciens et Mosellans ne boudèrent pas.

Wilhelm I, Friedrich III et Wilhelm II ont, entre autres apports très largement positifs, donné à l’Alsace-Moselle le Régime Local d’Assurance Maladie et la moutarde, dite depuis 1937 d’Alsace. On notera qu’il a fallu que se passe encore une guerre et que l’on soit à l’avant-veille d’une autre, pour que la France légifère sur ce sujet commercialement hautement stratégique.

Hautement stratégique, car aujourd’hui, dans la seconde décennie du XXIe siècle, alors que la Russie, ayant perdu le Nord depuis 1989, attaque sauvagement sa nation-sœur qu’est l’Ukraine, l’Alsace ne manque pas de moutarde, mais son usine de Mietesheim tourne à plein rendement pour satisfaire la demande extérieure venant de l’intérieur de la France. Ce qui, blague à part, nous ramène toujours et encore, à la nécessité de développer des filières courtes.

Pandémie de Covid-19, guerre menée en Ukraine par la Russie, mais aussi blocage du canal de Suez par un navire suite à une tempête de sable, trois situations qui, de 2020 à aujourd’hui et encore demain, déséquilibrent jusqu’à leur rupture les circuits longs. Ainsi est-il grand temps de se remettre à produire et à consommer localement. Sont-ce là d’worim betélim im leere Kêlim ?

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