Alexander Stubb is not stubborn
Un espoir pour l’Europe de 2019 ?
(MC) – Le candidat Manfred Weber à l’investiture du PPE, le groupement des partis conservateurs, a depuis mardi un concurrent officiel : il s’agit du Finlandais Alexander Stubb. Cet homme âgé de 50 ans affiche une vitrine plus libérale que Weber, qui est issu de la CSU et manifeste une ambigüité certaine à l’égard des glapissement populistes.
L’affaire est d’autant plus importante qu’il n’y aura guère, excusez moi, de choix digne de ce nom du côté des gauches (S&D, groupement des socialistes et démocrates). Alexander Stubb a déclaré sa candidature à l’investiture du PPE mardi dernier à Strasbourg, quelques jours après qu’on a appris le renoncement de Michel Barnier, qui dit vouloir se consacrer surtout à dénouer l’embrouillamini grotesque du Brexit. Good luck, Monsieur Barnier.
Le choix du Président de la Commission Européenne est important à plus d’un titre. Surtout actuellement.
D’abord, la guerre d’influences fait rage parmi les peuples d’Europe et au sein des institutions européennes : les partis populistes et franchement d’extrême-droite s’accointent toujours plus chaudement pour essayer d’installer une véritable hégémonie sur l’ensemble des institutions. Or, bien que faisant partie du PPE, Alexander Stubb se situe nettement sur une ligne libérale ; et il constituera un contrepoint sérieux (l’adjectif s’applique fort bien à ce quinqua à lunettes diplômé de la London School of Economics, vice-président de la Banque Européenne d’Investissement et sportif ès triathlon…) aux tentatives qui visent à faire de l’Europe toute entière une forteresse hermétique de l’intolérance et un haut lieu de l’estoufade beauf.
Dans son parti, le Kansallinen Kokoomus (Parti de la coalition nationale, en abrégé Kok), Stubb incarne justement cette fraction centre-droit libérale. Stubb a précisé clairement n’avoir rien à faire avec les populistes, avec Orbán, par exemple. Le politicien et banquier de Tapiola a déclaré à Strasbourg, mardi dernier : « Je crois que les valeurs européennes sont attaquées, dans l’UE et dans notre propre parti. Les droits fondamentaux, la liberté, la démocratie libérale, l’état de droit : si nous ne nous attachons pas à cela, nous n’aurons plus rien »
Ce qui n’est pas vraiment le cas de Manfred Weber. Le ténor un peu enroué de la CSU a rencontré à plusieurs reprises Viktor Orbán et l’a qualifié d’« ami ». Il est vrai que leurs lignes idéologiques décrivent depuis quelque temps des courbes parallèles, la prudence en plus du côté de Weber. Pour l’instant, du moins.
Ensuite, il serait peut-être bon qu’un petit pays comme la Finlande représente au plus haut niveau les institutions européennes, et que l’Allemagne ne rafle plus tous les postes importants. Au Parlement européen, en effet, des Allemands occupent : la direction du PPE, du S&D (groupe de gauche et socialiste), de la gauche radicale (GUE/NGL) et celle des Verts ! Deutschland Deutschland überall… Un dirigeant issu d’un pays moins important permettrait de contrebalancer le poids économique et politique massif du pays wo die Kohlen blühen.
Stubb insiste cependant sur ses bonnes et proches relations personnelles avec Angela Merkel, qui remontent à quelques années. C’est d’un œil torve que les membres de l’establishment voyaient poindre la candidature de Stubb : le dirigeant du PPE, Joseph Daul, eût préféré qu’il n’y eût pas de contre-candidat du tout…
En Finlande, Alexander Stubb a été premier ministre pendant une petite année, entre le 24 juin 2014 et le 29 mai 2015. Il dirigeait un gouvernement de coalition de 5 partis, dont (chose remarquable) le SDP, le grand parti social démocrate, et la Ligue verte écologiste, Vihr (Vihreä liitto). Hélas, la décision de construire des centrales nucléaires dans le pays en collaboration avec l’Agence fédérale de l’énergie atomique russe a poussé Vihr à quitter ce gouvernement et le poste de ministre de l’Environnement, le 18 septembre 2014. Mauvais point pour Stubb ! Et remaniement ministériel.
Par ailleurs, le parti de Stubb, et sans que ce dernier y soit pour rien, n’a pas hésité à participer, à partir du 27 mai 2015, à une coalition regroupant le parti du Centre, lui même et… le Perussuomalaiset, (« parti des Vrais Finlandais », PS) : un parti d’extrême-droite ultra-nationaliste, eurosceptique et partisan d’une politique d’austérité dure. Austérité qui comme d’habitude, n’a pas porté les fruits attendus par ses doctrinaires et ses artisans, mais a apporté beaucoup de malheur social.
Mais cela ne concerne pas Alexander Stubb au niveau personnel, dans un parti qui, comme tous les partis centristes, manque quelque peu de vertèbres et d’échine et oscille au gré du vent entre une droite extrême ultra-libérale économiquement et certaines orientations proches du SDP actuel.
Stubb, ce banquier triathlète et docteur ès Lettres, se désigne lui-même comme un outsider. Mais il sait bien, le petit rusé, que cette apparence peut lui être très utile, surtout dans le contexte qui est celui de ces dernières années. Alexander Stubb, pour ceux qui aspirent à déloger les corbeaux Salvini, Orbán, Le Pen de leurs perchoirs stratégiques dans les institutions européennes, pour ceux qui tiennent à sauvegarder la démocratie et l’état de droit, représente sans aucun doute un véritable espoir.
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