Allemagne 2021 : le grand… chambardement ?

Alain Howiller analyse la situation politique en Allemagne en cette année électorale 2021. Cette année s’annonce houleuse, aussi au niveau politique.

Pendant que les ténors de la CDU se disputent la succession d'Angela Merkel, c'est l'outsider Markus Söder qui pourrait créer la surprise. Foto: Kremlin.ru / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – « La démocratie vit à travers les changements » – en insistant sur cette évidente réalité que tant d’hommes et femmes politiques n’ont que trop tendance à oublier, on aurait pu croire que dans ses derniers vœux de Nouvel An télévisés en tant que chancelière, Angela Merkel tentait un ultime trait d’humour. Elle évoquait, avec sérénité, sa décision de quitter ses fonctions -et la politique en général- après les élections au Bundestag du 26 Septembre. « J’aurais alors été chancelière pendant 16 ans : j’ai estimé que cela suffit », a-t-elle ajouté en rappelant qu’elle s’était engagée à accepter l’actuel mandat en annonçant que ce serait le dernier. « Nous ne sommes tous qu’une étape dans la chaîne du temps… Une nouvelle décennie s’engage : elle sera riche en évènements, je ne les verrai peut-être pas tous… » (?)

Et de dresser un bilan de l’année écoulée qui se termine pour elle, alors qu’elle présidait l’Union Européenne par au moins trois succès de premier plan. Elle a réussi à briser l’opposition des pays dits de l’Est qui voulaient soumettre le plan de relance économique européen à leurs conditions. Elle a pu participer à la conclusion -Brexit oblige- d’un « deal » avec la Grande Bretagne. Et, avec le Président Macron, Angela Merkel a relancé le dialogue avec Pékin. Dans ce contexte, elle a, enfin, réussi à conclure un accord Chine-Union Européenne (UE) qui établit leurs échanges sur des bases correctes (sans plus). D’ici au printemps, elle sera d’ailleurs amenée à fêter l’accord en se rendant à Pékin en compagnie d’Emmanuel Macron. Elle a, aussi, participé à l’opération « achats de vaccins » : aujourd’hui controversée -sans doute à tort- l’acquisition et la répartition des vaccins a été une démarche collective engagée au nom de l’UE. La présidence allemande de l’Union a été un succès reconnu pour Angela Merkel.

Et la voilà donc de retour sur la scène allemande marquée par la perspective de changements majeurs : le pays doit se préparer, en fait, à un véritable chambardement. Elle doit faire face à une situation délicate qui touche à la fois les institutions, l’économie et la vie politique. La gestion des situations nées des menaces d’attentats, des actions à mener contre les extrémismes de droite comme de gauche, avaient déjà révélé certains « couacs » entre le gouvernement fédéral et les Länder. La difficulté à mettre en place une gestion fédérale de la crise sanitaire, du fait de la volonté des Ministres-Présidents des Länder d’affirmer leur pouvoir face à Berlin, a confirmé des tensions souvent exacerbées par des échéances électorales régionales ou fédérales désormais proches.

L’opinion au secours de la chancelière ! – Malgré un très large soutien de l’opinion, Angela Merkel a eu beaucoup de la mal à imposer une approche globale de la lutte contre la Covid-19 et le récent durcissement des mesures anti-crise connaît encore des exceptions régionales. Le Bade-Wurtemberg, par exemple, qui a connu –campagne électorale oblige !- de violents débats entre partenaires de la coalition au pouvoir, sur la fermeture ou non des écoles, a décidé de reporter la décision de limitation des déplacements dans les zones à risques. Un « dépoussiérage » du fédéralisme s’imposera-t-il ?

Le contexte politique d’une année électorale d’une intensité rare, n’engagera sans doute pas ce type de démarche ! Outre les restructurations qui interviendront dans les différents partis en quête de têtes de liste crédibles pour les élections du 26 Septembre renouvelant le Bundestag, les électeurs voteront 7 fois en 2021 pour désigner leurs élus ! S’y ajouteront des élections à Berlin le 26 Septembre, élections fédérales, renouvellement des diètes régionales et des « mairies d’arrondissement ». 2021 sera donc ce que les Allemands appellent « ein Super-Wahljahr ».

Vers une nouvelle coalition CDU/CSU/Verts ? – Compte tenu de la multiplicité des alliances qui marquent le pouvoir au niveau fédéral avec la grande coalition CDU/CSU/SPD (la GroKo) ou dans les différents Länder, ces élections vont entraîner des recompositions qui marqueront le paysage politique. A Berlin, la « GroKo » ne se succèdera pas à elle-même : en l’état actuel des sondages sur les intentions de vote, un attelage CDU/CSU/Verts a de fortes chances de l’emporter. Ce sera une coalition dont Angela Merkel avait rêvée avant de se résoudre à son alliance avec les sociaux-démocrates.

Olaf Scholz, l’actuel Vice-Chancelier et Ministre des Finances, sera tête de liste du SPD aux élections fédérales : malgré sa popularité individuelle, il n’arrive pas à crédibiliser sa candidature au poste de chancelier. L’érosion du SPD se poursuit : le parti (15 à 16 % des intentions de vote) est dépassé par la CDU (36 à 37% des intentions de vote) et les Verts (18 à 20 %) qui confirment leur deuxième place dans la hiérarchie des partis allemands. La gauche (SPD + Die Linke), même unie aux Verts (qui veulent démontrer qu’ils sont un parti de gouvernement), n’a pas de majorité dans le pays.

Un successeur nommé Söder, roi de Bavière ? – Reste aux deux éventuels coalisés à désigner les candidat(e)s qui les mèneront à la bataille des législatives. Les Verts trancheront entre leurs deux co-présidents : Robert Habeck, donné favori, et Annalena Baerbock qui a, officiellement, affirmé qu’elle se sent capable d’aller au combat, voire de devenir chancelière après Merkel. La CDU, dont la présidente Annegret Kramp-Karrenbauer, l’actuelle Ministre de la Défense a démissionné, peine à trouver un nouveau président ou une nouvelle présidente et le parti va désigner son (sa) responsable les 15 et 16 Janvier : faute de pouvoir organiser un congrès en raison de la Covid-19, les délégués voteront par correspondance, le résultat du vote électronique devant être proclamé le 22 janvier. Le vainqueur (on sait qu’il y a trois candidats) conduira-t-il la liste du parti chrétien-démocrate ?

Rien n’est moins sûr. Marcus Söder, le ministre-président CSU de Bavière, en tête des sondages pour être chancelier à l’automne, pourrait être retenu par le groupe CDU/CSU, à moins qu’il ne se décide pour un outsider : Jens Spahn, le Ministre de la Santé. Le parti dit d’extrême-gauche « Die Linke », comme le parti d’extrême-droite « AfD » vont, eux aussi, changer de responsables dans la perspective des futures législatives.

Stabilité politique au Bade-Wurtemberg. – Le groupe CDU/CSU fera connaître son choix pour les élections fédérales après les élections régionales qui auront lieu, le 14 Mars, au Bade-Wurtemberg. Celles-ci mettront en compétition la coalition « Verts/CDU » sortante. Le Ministre-Président, l’écologiste Winfried Kretschmann, dont 66% des électeurs approuvent la gestion, pourrait retrouver son poste et la coalition sortante pourrait être reconduite, malgré le fait que les Verts aient perdu la municipalité de Stuttgart au profit de la CDU. Ce même 14 Mars, des élections auront lieu pour renouveler le parlement du Land de Rhénanie-Palatinat dirigé par la sociale-démocrate Malu Dreyer élue par une coalition « SPD-Verts-FDP ». Selon les sondages, une nouvelle majorité pourrait succéder à ce trio, suite à une coalition SPD/CDU ou CDU/Verts ! D’autres surprises sont à attendre : la gestion de la crise sanitaire ou la situation de l’économie pouvant avoir des effets inattendus aujourd’hui.

Certes, grâce aux mesures prises -notamment le chômage partiel- le marché de l’emploi fait preuve d’une relative stabilité : le taux de chômage s’établit à 5,9% (7,3% à l’Est, 5,1% à l’Ouest, dont 4,2% au Bade-Wurtemberg et 3,6% en Bavière. Mais Angela Merkel a prévenu : « les mesures de soutien à l’économie ne peuvent pas être éternelles ». Et la prolongation des mesures anti-Covid a relancé les inquiétudes devant une situation que certains experts n’hésitent pas à appeler une « mini-récession ». Le « Deutsches Institut fürWirtschaftsforschung – DWI » de Berlin a ramené ses prévisions de croissance pour 2021 de 5,3% à 3,5%. Pour certains experts, les mesures sanitaires auront des effets sur l’économie et l’emploi :elles feraient baisser la croissance de 0,4% par trimestre. La retraite d’Angela Merkel, ne sera pas le seul élément à peser sur la situation d’une année 2021 victime d’un grand… chambardement !

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