Allemagne : Acte « 2 » de la « GroKo »

Alain Howiller s'interroge sur la suite de la « Grande Coalition » au pouvoir à Berlin. Est-ce que la deuxième moitié de la législature actuelle se passera avec ou sans Angela Merkel ?

Est-ce que Angela Merkel pourra aller jusqu'au bout de son mandat ? Foto: Michael Lucan / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – En se tournant vers les députés du SPD, ses partenaires au sein de la « Grande Coalition – GroKo » au pouvoir, Angela Merkel lance : « Je trouve que nous devrions poursuivre notre collaboration jusqu’au bout de cette mandature. Pour ma part c’est ce que je ferai. Je resterai. Ce serait bien que vous en soyez aussi. » C’était l’un de ses thèmes en ouverture du débat budgétaire devant le Bundestag. Voulait-elle avertir l’assemblée parlementaire qu’en tout état de cause, même si la Grande Coalition devait éclater, elle tiendrait son engagement de mener son gouvernement jusqu’aux élections de l’automne 2021 ?

Voulait-elle lancer un avertissement solennel aux sociaux-démocrates qui se sont réunis en congrès pour désigner leurs nouveaux responsables et décider du futur de la « GroKo » ? Voire même esquisser sa ligne de conduite en cas d’éclatement : ne pas provoquer de nouvelles élections à l’issue incertaine, mais diriger un gouvernement minoritaire qui s’appuierait sur des majorités d’idées et changerait en fonction des projets ? La constitution permet le recours à cette formule dont rêvent déjà certains à la CDU et à son parti-frère bavarois, la CSU.

Le SPD roule de nouveau à gauche ! – Une poignée de semaines après le débat budgétaire, le SPD réuni en congrès a désigné ses nouveaux dirigeants : on s’attendait à ce que Olaf Scholz, Vice-chancelier (SPD) et Ministre des Finances, favorable à la poursuite de la « GroKo », soit désigné pour conduire le parti. Patatras – Scholz est battu au profit d’un tandem Norbert Walter-Borjans, ancien ministre des finances du Land de Rhénanie du Nord – Westphalie qui s’était fait connaître à travers son impitoyable chasse aux fraudeurs du fisc, et la députée du Bade-Wurtemberg Saskia Esken. Pour être élu, le tandem avait fait campagne sur une révision substantielle de l’accord de coalition avec la CDU/CSU, quitte à mettre un terme à la « GroKo » ! Pour la deuxième partie du mandat de gouvernement, ils demandaient notamment une augmentation du SMIC, des investissements dans les écoles et les infrastructures routières, quitte à abandonner la sacro-sainte règle de l’équilibre budgétaire, une politique environnementale plus courageuse, un engagement plus fort en faveur de l’intégration européenne. Avec l’élection du nouveau tandem, le SPD semble retrouver ses racines de gauche !

La CDU et la CSU qui venaient de confirmer, lors de leur congrès à Leipzig, que l’actuelle ministre de la défense Annegret Kramp-Karrenbauer restait à la tête du parti chrétien-démocrate avec pour ambition de succéder à Angela Merkel, ont vivement réagi en affirmant que le contrat de coalition resterait intangible : sans possibilité de renégociation, un conflit décisif se serait-il (une fois de plus !) amorcé entre l’aile droite et l’aile gauche de la « Grande Coalition » ? Alors, tournerait-on la page « GroKo » ?

Angela Merkel dans le sens de l’Histoire ? – Angela Merkel confirmera-t-elle, à son tour, la leçon du sens de l’Histoire de l’Allemagne de l’après-guerre où seuls 2 chanceliers sur 7 ont terminé leur mandat de façon heureuse ? Sera-t-elle à son tour, avec la fin possible de la « GroKo », une « victime de l’Histoire » comme le prévoyait (en Mars 2018 déjà !) Philipp Gassert dans l’hebdomadaire libéral de gauche « Die Zeit » ?

Depuis leur élection et le congrès, réuni à Berlin, qui vient de les confirmer dans leurs fonctions, Walter-Borjans et Esken ont mis un peu d’eau dans leur vin : ils ne veulent plus torpiller la « GroKo », mais trouver des compromis avec leurs partenaires. C’est cette approche que les congressistes sociaux-démocrates ont adopté tout en réclamant de nouvelles négociations. Sans pour autant dire ce que le SPD compte faire si ces négociations n’aboutissaient pas ! Alors, la question se pose une fois de plus : le gouvernement actuel tiendra-t-il ? Le SPD, qui redoute -comme la CDU- de revenir devant les électeurs, continuera-t-il à jouer la pièce « Retenez moi ou je fais un malheur » ?

En tout état de cause, l’acte « 2 » de la « GroKo » est engagé, et les artistes du paysage politique allemand continuent à dessiner un après-Merkel bel et bien engagé ! Pour ne pas être surpris, si jamais la « Groko » n’allait pas à son terme, les partis se sont ré-organisés pour le cas où…

Quand le paysage politique se ré-dessine. – La CDU donc, enfin appuyée par la CSU bavaroise, a conforté Annegret Kramp-Karrenbauer dans son poste de présidente avec une option, le moment venu, sur la succession d’Angela Merkel à la chancellerie. Rien ne dit cependant, pour le cas où le gouvernement irait à son terme à l’automne 2021, qu’elle ne sera pas débordée in fine par un concurrent que les militants, repoussés par la mauvaise image de la future candidate, lui préféreraient lors du prochain congrès annuel (fin 2020). Le SPD a donc choisi de mettre en place une nouvelle équipe dirigeante. « Die Linke », le parti néo-marxiste d’extrême-gauche se situant à 8 ou 9% dans les intentions de vote, a lui aussi choisi de nouveaux dirigeants après la démission de Sahra Wagenknecht, co-présidente, qui a voulu créer un mouvement (Aufstehen : Debout) réunissant l’ensemble de la gauche : elle connaît un échec total.

Le parti d’extrême-droite « Alternative für Deutschand – AfD » (14% d’intentions de vote au coude à coude avec… le SPD !) s’est, lui aussi, donné de nouveaux responsables : le sulfureux « néo-nazi » Alexander Gauland ayant décidé de se retirer de la présidence à 78 ans. Et si le parti libéral « FDP »  (7 à 8% d’intentions de vote) pourrait, lors de son congrès du mois prochain, mettre un terme au mandat de son actuel président, le parti des « Verts », toujours à la deuxième place dans les intentions de vote (de 21 à 22,5%) derrière la CDU et devant l’AfD et le SPD !), s’est donné une nouvelle co-présidente en la personne de la députée Annalena Baerbock, ex-ministre de l’Environnement du Schleswig-Holstein qui assistera Robert Habeck : la branche des « réalistes » l’a emporté avec ce tandem qui désormais veut participer au pouvoir.

Les « Verts », parti-charnière pour demain ! – Devenus en quelques sorte « parti-charnière » grâce à leurs derniers succès électoraux et par la grâce des sondages, les écologistes auront à se choisir, à droite ou à gauche, un partenaire compatible pour accéder éventuellement au pouvoir. Ne parle-t-on pas d’une éventuelle coalition CDU/CSU/Verts/FDP ? A moins que les écologistes ne préfèrent une difficile coalition à gauche qui peinera à réunir une coalition majoritaire sans que se pose une délicate association avec « Die Linke » dont les tendances marxisantes et anti-libérales effraient tout comme, à droite, les orientations extrémistes, anti-sémites et néo-nazies de l’AfD – et ce, à juste titre !

Supputations, négociations, recherches de compromis et d’alliances se sont installées à Berlin. Concrètement, l’après-Merkel, c’est quand ? Maintenant ou plus tard ? Comme le dit cette mauvaise blague – « Tais-toi et nage ! »

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