Allemagne : ça alors !

Tiens, le SPD est un parti de gauche...

Panneau indiquant la Place Willy BRANDT, à Varsovie Foto: Szczebrzeszynski / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Le SPD, le grand parti social-démocrate, semble avoir compris tout récemment que quand on se dit parti de gauche, avec un héritage riche et certes controversé, mais … de gauche, il était plutôt convenable de présenter un programme de gauche. Si on n’est pas parti à point, il faut courir, écrit La Fontaine – à peu de choses près. On dit aussi qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Mais est-ce bien sûr ?

Gauche-droite, gauche-droite : le SPD n’a cessé d’osciller entre une politique historiquement socialiste et une social-démocratie plus ou moins rigoureuse, qui penche parfois nettement vers le affairisme centriste, parfois vers une sorte de « blairisme » à l’allemande.

Un petit rappel. On connaît la lutte – faut-il l’appeler « fratricide » ? Meurtrière, en tout cas – qui a opposé le SPD aux Spartakistes et à leurs perspectives révolutionnaires marxistes après 1918 ; lutte qui a été l’une des causes plus ou moins directes de la défaite des socialistes démocratiques contre le nazisme en 1932-1933, le Parti Communiste refusant de s’allier aux sociaux-démocrates pour, en définitive, se venger du parti de Friedrich Ebert, « le Boucher ». C’est ainsi que communistes et sociaux-démocrates ont pu visiter très tôt les camps de concentration, à commencer par Dachau.

Seconde étape importante, le fameux programme de Bad Godesberg, exposé en 1959 : ce programme a posé les bases d’un demi-siècle de socialisme pendulaire en Allemagne de l’Ouest. En renonçant à être un parti de classe (de la classe ouvrière) pour se définir comme un « parti du peuple », le SPD a pu, à cette époque déjà, former une coalition avec le CDU/CSU, puis avec le parti libéral FDP de 1969 à 1982. L’année suivante, un fait capital : l’entrée des Verts au Bundestag, ce qui représente l’entrée d’un parti plus à gauche que le SPD dans les institutions parlementaires. Cela n’était pas arrivé depuis très longtemps.

Mais le moment crucial, le moment carrefour, c’est sans aucun doute 1998, avec l’élection de Gerhard Schröder au poste de chancelier fédéral – grâce aux Verts, précisément. Mais voilà-t-y pas que ledit chancelier met en place une politique franchement pas très à gauche, dès l’année de son élection. Et que son ministre des Finances, Oskar Lafontaine, se hâte de démissionner l’année suivante pour ne pas se salir les mains avec une politique économique inégalitaire et autoritaire. Il fondera en 2005 l’ancêtre de Die Linke, la WASG.

En 2003, le gouvernement fait voter l’AGENDA 2000, qui divise gravement le parti. Et aujourd’hui, nous nous trouvons encore sur la queue de comète de cette division, et sur celle de la politique libérale à peine sociale que Schröder a mis en place cette année là. En 2005, deuxième grande coalition SPD/CDU-CSU. Et voilà le nœud du problème : en 2008, le président du parti, Kurt Beck, veut infléchir sa politique dans un sens plus à gauche celle qui reposait peu ou prou sur l’héritage de Bad Godesberg. Mais il est débarqué par les droitistes Müntefering et Steinmeier… Résultat : catastrophe électorale aux élections régionales et… européennes de 2009. Jusqu’à 2019, les effectifs du SPD fondent, sans doute essentiellement du fait des changements sociologiques dans l’ensemble du pays et par conséquent, dans le Parti. Surtout, il est devenu le Parti qui se définit encore comme de gauche alors que la perception extérieure en est différente, qui plus est sous les coups d’éperons incessants et pourtant peu efficaces que pratique Die Linke sur son flanc gauche.

Voilà donc ce qui pose la nécessité, à la fois objective et électorale, de réintroduire une politique de gauche – après les ravages de l’époque Schröder. Le problème majeur étant que, répétons le, le SPD gouverne en Grande Coalition avec la CDU/CSU… Le 10 février, Andrea Nahles, qui dirige le parti, a donc présenté un programme qui, parmi les coalisés de droite, fait sauter beaucoup d’émail…

Cela d’autant plus qu’à la clé, il y aurait nécessairement une hausse des impôts des revenus les plus élevés. Les hausses proposées dans le programme, celles des indemnités pour les chômeurs chargés de famille et du salaire minimum, l’augmentation des indemnisations pour les femmes et les hommes de plus de 50 ans : on sait qu’en bonne social-démocratie, de telles mesures ne peuvent aller sans taxer les hauts revenus.

Voilà qui est politiquement étrange : on sait pertinemment que ces mesures ne pourront être appliquées par le présent gouvernement, puisque l’accord conclu par la CDU ne les prévoit nullement… ll s’agit donc d’un acte purement électoral : le SPD en effet garde les yeux rivés sur le 26 Mai prochain, date des Européennes – mais aussi d’élections régionales dans la plus grande partie de l’Allemagne. En automne suivront des élections… à l’Est, dans les Länder qui depuis 1990, ont toujours été une arête dans la gorge du parti. Mesdames, Messieurs, il s’agit de montrer que nous sommes des gens de gauche !

En attendant, les intentions de vote pour le SPD ont peu augmenté, et le parti est talonné par l’AfD, ce fichu parti malodorant d’extrême-droite. Le SPD doit impérativement se mettre davantage encore en phase avec la société contemporaine, se profiler bien mieux et défendre avec persévérance les droits des gens pour espérer un changement véritable et significatif. Les Elections européennes auront lieu dans 3 mois déjà !

 

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