Allemagne – de futures coalitions difficiles à trouver ?
Dans le « Micro européen » sur France Info, José-Manuel Lamarque et Kai Littmann analysent la situation en Allemagne après l'éclatement de la coalition gouvernementale.
(José-Manuel Lamarque / France Info) – Des élections fédérales anticipées devraient se tenir le 23 février 2025, après l’implosion la semaine dernière, en Allemagne, de la coalition constituée par le Parti-social démocrate, le SPD. Le chancelier Olaf Scholz qui veut se représenter pour un nouveau mandat, a limogé son ministre des Finances, président du parti libéral, Christian Lindner. Décryptage avec Kai Littmann, directeur du site eurojournalist.eu.
Par rapport à la France, est-ce qu’un chancelier en Allemagne peut, comme l’a fait le président français, déclarer une dissolution et aller aux élections anticipées ?
Kai Littmann : Non, la procédure est très différente de celle en France. Le chancelier peut demander un « vote de confiance » au Bundestag, donc au parlement allemand, et s’il perd ce vote, il peut demander au président fédéral la dissolution du Bundestag.
C’est un processus qui dure quelques semaines, et donc, c’est absolument exclu par la Constitution allemande que quelqu’un puisse prendre une décision comme ça, sur un coup de tête. Et ce qu’il faut peut-être ajouter, c’est que la coalition au pouvoir, est déjà finie.
Le FDP, donc les libéraux, a quitté cette coalition qui dispose aujourd’hui encore de 324 sièges au Parlement, ce qui ne constitue pas la majorité. Donc l’Allemagne est actuellement ingouvernable.
L’Allemagne, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, donc la création de la République fédérale, est un pays qui est gouverné par des coalitions. Là, nous sommes face à la fin d’une coalition. Mais ne sommes-nous pas aussi à la fin du concept de coalitions qui gouvernent l’Allemagne ?
KL : Non, je ne pense pas, c’est dans la culture politique allemande de fonctionner avec des coalitions, cela représente au mieux, le vote exprimé par les électeurs et les électrices. Ceci dit, cela devient de plus en plus compliqué avec la montée de l’extrême-droite, qui aujourd’hui est très forte.
Plus la montée de l’extrême gauche, et au milieu, les partis traditionnels qui sont en train de s’effriter. Donc, ça devient de plus en plus compliqué de créer des coalitions, et on entre un peu dans une perspective d’une « République de Weimar bis », où franchement, trouver des majorités devient quasiment impossible.
Lors des dernières élections dans les Länder de l’ex Allemagne de l’Est, on a vu que c’était l’extrême-droite qui arrivait haut la main. Mais dans ces Länder, gros problème pour forger un gouvernement régional, pour trouver une coalition ?
KL : Vous avez tout à fait raison. Ces élections régionales dans ces trois Länder de l’est de l’Allemagne avaient lieu au mois de septembre, et aujourd’hui à la mi-novembre, aucun des trois Länder n’a un nouveau gouvernement.
Donc, on essaie de négocier, on essaie de forger des coalitions, mais actuellement, on n’y arrive pas et on commence même à parler de gouvernement minoritaire, ce qui est un concept totalement inconnu en Allemagne. Il n’y a jamais eu de gouvernement minoritaire en Allemagne, mais c’est pour montrer un peu le désarroi dans le monde politique pour trouver encore des coalitions solides.
Le paysage politique allemand, les partis traditionnels, l’extrême-droite avec l’AFD, et l’extrême-gauche qui n’est plus Die Linke mais le BSW, le « Bündnis Sahra Wagenknecht », aujourd’hui, ces deux extrêmes sont en train de déstabiliser la politique allemande ?
KL : Complètement, surtout avec la montée en force de l’AFD. Et beaucoup d’observateurs craignent le résultat lors des élections anticipées. On a vu lors de ces élections régionales, que l’AFD est arrivée partout en tant que parti le plus fort.
Mais il y a aussi l’extrême-gauche du BSW qui fait des scores tout à fait honorables, tandis que pour les partis traditionnels, le FDP est en train de disparaître du paysage politique, les Verts et le SPD sont en train de perdre du terrain et le seul parti traditionnel qui tient encore dans les sondages, c’est la CDU.
Vous avez parlé de la république de Weimar. Quid de la coalition allemande dans le futur ?
KL : On va continuer à tourner avec des coalitions. C’est vraiment la culture politique allemande. Mais il deviendra de plus en plus compliqué de trouver des coalitions. Et on voit que ce qu’on a appelé le « barrage contre l’extrême-droite » est en train de s’effriter aussi. Les partis traditionnels commencent aussi à discuter avec l’extrême-droite parce qu’il est quasiment exclu dans la situation actuelle de former une coalition stable.
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