Allemagne de l’est – des «paysages fleurissants» ?

En 1989, lors de l’unification allemande, le chancelier Helmut Kohl promettait des «paysages fleurissants» en ex-RDA. Eurojournalist(e) est allé vérifier.

Les villages dans la Marche à l'est de Berlin, sonjt beaux. Mais ils se dépeuplent de plus en plus. Foto: KL

(KL) – Ce que l’on appelle affectueusement «l’est sauvage», donc, l’ex-RDA, commence déjà à la sortie de Berlin en direction est. Chaque kilomètre qui nous éloigne de la capitale, nous rapproche de la «DDR», et on se rend compte que 25 ans après la chute du Mur de Berlin, une grande frustration s’est installé dans les régions rurales de l’ancienne RDA.

Fürstenwalde, dans la Marche. 40 minutes d’Alexanderplatz – et un autre monde. Bien entendu, ce n’est plus comme il y a 25 ans. Mais on ne peut pas effacer 40 ans d’un régime totalitaire ayant empêché toute initiative personnelle, en une génération et demi. De belles maisons fraichement peintes alternent avec des bâtiments gris, tristes, souvent abandonnés. Pourtant, Fürstenwalde est une petite ville. Entre hier et aujourd’hui.

«Je ne dirai rien de mal de la situation», dit Joe le Taxi prudemment, «aujourd’hui, il faut être reconnaissant d’avoir un travail.» Ce travail, il consiste à passer sa journée en face de la gare de Fürstenwald en attendant des clients. Qui sont peu nombreux, la province est-allemande ne prend que rarement le taxi. Trop cher.

La situation, dont Joe le Taxi ne veut rien dire de mal, est catastrophique. «L’usine de pneus a déjà fermé», dit-il, «et l’usine de peinture va aussi se délocaliser vers un pays de l’est. Il faut les comprendre, la production est moins chère là-bas». Etrange. Les deux plus grands employeurs de la petite ville partent ailleurs pour gagner plus d’argent et les victimes de cette situation – les comprennent. Aucune révolte, résignation.

Dans ce qui s’appelle fièrement le «centre-ville» de Fürstenwalde, bon nombre de magasins sont à louer, les affaires ne semblent pas trop bien tourner. Le public, majoritairement des vieux. Habillés en gris, le regard gris. Ces gens ont survécu le régime de la DDR, tout en s’arrangeant le mieux possible avec ce système et maintenant, ils doivent capituler devant le capitalisme. Tant de promesses, tellement peu de résultats.

«Les jeunes», explique Joe le Taxi en nous conduisant vers le village de Buchholz, «sont tous partis. Pas de perspective, que des vieux, que voulez-vous que les jeunes y fassent ? Le soir, ils ne peuvent pas sortir, il n’y a rien, ils ne trouvent pas de travail, alors, ils partent. Faut les comprendre.» On développe beaucoup de compréhension pour des situations incompréhensibles.

«C’était mieux, du temps de la DDR ?», osons-nous. Joe le Taxi hésite un moment, avant de répondre «non, non, c’était pire…». Encore pire ? «Ben, vous savez, pas vraiment pire. On avait du travail, on n’avait pas beaucoup, il fallait faire attention à ce qu’on disait, mais finalement et malgré tout, personne n’a été laissé en rade. Depuis la chute du Mur, c’est chacun pour soi. Et le région se meurt.»

Nous arrivons dans le village de Buchholz. Un village typique dans la Marche. Dans un cadre naturel magnifique, ce village semble vivre ses dernières années. Le mini-supermarché du village a fermé depuis longtemps. Personne dans les rues du village. Un silence de plomb, entrecoupé uniquement par le bruit d’une tondeuse qui arrive depuis le petit cimetière. Qui est donc l’endroit le plus animé en cette matinée grisâtre.

Des maisons vides. Des regards cachés derrières des rideaux gris. Ce village vit sa période la plus désolante de son histoire. «Les quelques personnes qui y vivent encore, s’organisent pour faire les courses en ville, pour conduire les uns et les autres chez le docteur, mais c’est pas évident. Depuis que les jeunes ont quitté le village, la vie n’y est pas facile.» Difficile de croire qu’un jour, des jeunes aient peuplé ce village. Des jeunes ? «Ben, tous ceux qui n’étaient pas trop vieux pour partir – faut les comprendre.»

Pensifs, nous rebroussons chemin vers la capitale, en laissant cette région agonisante derrière nous. On leur avait promis des paysages fleurissants. On leur avait promis la liberté de l’Ouest. Mais ce qu’ils ont eu, c’est la loi du plus fort du capitalisme, un ennemi qui les a eues la garde baissée. Avant de pouvoir penser à un avenir pour cette région, il faudra encore attendre trois à quatre générations. Le temps que la capitale s’approche de la Marche. Ce qui arrivera tôt ou tard. En attendant, force est de constater que cette région entre Berlin et Frankfurt/Oder, la Marche, compte parmi les grands perdants de l’unification allemande. Les gens y sont trop vieux pour pouvoir se révolter, alors, ils attendent. Sans savoir exactement ce qu’ils attendent. Faut les comprendre.

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