Allemagne : de Stuttgart à Mayence, on vote !

Alain Howiller sur les importantes élections régionales ayant lieu au mois de Mars au Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat. Des élections qui ont lieu à un moment étrange.

Ma Ministre-Présidente de la Rhénanie-Palatinat, Malu Dreyer, est tout sauf certaine d'être confirmée à son poste. Foto: Reiner Voss / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Alain Howiller) – Dans une poignée de semaines, l’Allemagne va entrer de plain pied dans sa « super année électorale » (« Superwahljahr »). Pas moins de 6 renouvellements de parlements régionaux y seront organisés : en Rhénanie-Palatinat, au Bade-Wurtemberg, en Thuringe, en Saxe-Anhalt, à Berlin (le sénat) et au Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. S’y ajoutera, cerise sur ce gâteau électoral, le renouvellement (le 26 Septembre) du Bundestag dont les nouveaux élus se réuniront, pour la première fois, sans Angela Merkel qui prendra officiellement sa retraite politique.

Peut-être, si déjà on ouvre les perspectives des changements à venir(1), ne faudrait-il pas ignorer les élections locales qui auront lieu : la consultation en Hesse, le mois prochain, intéressera tout particulièrement : car s’y jouera la relève (ou non !) de la coalition « CDU/SPD/Verts » qui dirige la municipalité de Francfort-sur-le-Main. Si cette élection emblématique risque d’attirer l’œil des commentateurs, les regards se tourneront plutôt vers le Bade-Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat où les électeurs sont appelés aux urnes pour renouveler les parlements des deux « Länder ». Les élections s’y dérouleront, comme les municipales en Hesse, le 14 Mars : elles ouvriront, en quelque sorte, le « Superwahljahr ».

Malgré la Covid : on vote en… « présentiel » ! – Ces élections concluront une vive, mais brève campagne électorale marquée, en particulier en Rhénanie-Palatinat, par un dernier combat -désavoué par les tribunaux saisis- de ceux qui, compte tenu des risques liés à la Covid-19, avaient essayé d’imposer un vote par courrier électronique ou postal ! Selon les derniers sondages, au Bade-Wurtemberg, la campagne électorale a permis aux Verts -jusqu’ici au coude à coude avec la CDU- de reprendre l’avantage sur le parti chrétien-démocrate, tandis qu’en Rhénanie-Palatinat, elle a confirmé que la coalition sortante (SPD/Verts/FDP) avait du souci à se faire pour retrouver les rênes du Land !

Au Bade-Wurtemberg, l’écologiste Winfried Kretschmann, 73 ans, co-fondateur du parti des « Verts », espère que les électeurs lui ouvriront la voie vers un troisième mandat à la tête du Land. En 2011, il avait ravi le Land à la CDU qui le dirigeait depuis… 58 ans ! Les résultats des élections de 2016 lui imposaient de faire alliance avec le parti chrétien-démocrate : il gardait son poste de Ministre-Président du Land grâce à une coalition « Verts/CDU ».

Un troisième mandat pour Kretschmann ? – Pourra-t-il exercer un troisième mandat ? Il l’espère en s’appuyant sur des sondages qui indiquent que les citoyens du Land sont satisfaits, à une large majorité, de sa gestion : 52% des électeurs et électrices voteraient pour lui en cas de suffrage direct et 66% sont satisfaits de son action.

Jusqu’aux derniers sondages, parus ces jours-ci, les jeux paraissaient être faits : la candidate de la CDU, Susanne Eisenmann, Ministre de l’Education dans la coalition au pouvoir à Stuttgart, semblait pouvoir profiter d’un coude à coude CDU/Verts (30% d’intentions de vote pour chacun) pour revendiquer la place de Winfried Kretschmann à la tête du Land ! Et elle comptait surfer sur son âge (56 ans) et sur les effets éventuels de l’élection municipale de Stuttgart, remportée par le candidat chrétien-démocrate battant le maire-sortant « Vert » Fritz Kuhn qui, il est vrai, ne se représentait plus.

Grâce à la… Covid et à Friedrich Merz ! – Mais la manière dont le Ministre-Président sortant a su gérer la crise de la Covid, le conflit qu’il a eu avec sa Ministre de l’Education qui prônait une ouverture des écoles, a peut-être eu un effet sur les futurs électeurs : les derniers sondages placent à nouveau les Verts en tête des intentions de vote.

Selon les derniers sondages, les Verts à 34% d’intentions de vote, gagnent 4 points, ce qui représenterait, si cette estimation se confirmait dans les urnes le 14 Mars, une progression par rapport aux résultats des élections de 2016 où ils avaient obtenus 30,3% des voix. La CDU régresse à 27,5% : son candidat Guido Wolf avait recueilli 27% des voix en 2016 ! La dynamique dont Susanne Eisenmann pensait pouvoir profiter pour revendiquer le poste de Ministre-Président, semble s’être grippée ! Est-ce aussi un effet collatéral de l’élection du nouveau président de la CDU qui a battu son candidat (Friedrich Merz) ?

Si le résultat des élections confirmait ces prévisions, on pourrait assister à une reconduction de la coalition sortante : l’attelage resterait le même, à moins que, finalement, les Verts fassent alliance avec le SPD et le FDP, coalition qui aurait, selon les estimations, une majorité (mais inférieure à celle dont disposerait le tandem Verts/CDU). Dans ces deux cas de figure, Winfried Kretschmann garderait son poste. Il le perdrait si, cas peu probable, une alliance à très courte majorité se mettait en place !

Rhénanie-Palatinat : la Ministre-Présidente menacée ? – En Rhénanie-Palatinat, la situation pourrait bien marquer un changement. L’image de Malu Dreyer, SPD, native de Neustadt-an-der-Weinstrasse, s’est dégradée. Rappelons que c’est l’une des deux seules femmes qui dirigent un Land : sa « collègue », également SPD, étant Manuela Schwesig, qui préside le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale dont le parlement sera renouvelé le 26 Septembre. A la tête d’une coalition  « SPD/Verts/FDP », la dirigeante sociale-démocrate n’est pas favorite des sondages sur les intentions de vote. Ceux-ci mettent en évidence le fait qu’avec à peine un peu plus de 5% des intentions de vote, le « FDP », troisième partenaire de la coalition, ne soit pas assuré de franchir la barre des 5% qui lui permettrait de retourner au Landtag.

De plus, avec 33% des intentions de vote, la CDU, conduite par l’avocat d’affaires Christian Baldauf (64 ans), est en tête de la course devant le SPD qui lui, bénéficierait de 30,7% des intentions de vote ce qui représente, certes, un léger gain (+ 1,6%) par rapport aux sondages précédents, mais qui correspond à une perte de -5,5% par rapport aux voix recueillies en 2016. Les Verts, par contre, avec un peu plus de 13% des intentions de vote, progressent un peu (autour de 1%) par rapport aux sondages précédents, mais feraient +8 % par rapport aux voix obtenues en 2016 !

Si les sondages se vérifient dans les urnes, la nouvelle majorité pourrait réunir CDU et SPD ou encore CDU et les Verts, voire SPD/Verts/FDP en format reconduit qui permettrait à Malu Dreyer de retrouver son poste de Ministre-Présidente du Land : c’est loin d’être joué !

A travers les enjeux de ces deux élections de parlements régionaux, proches de l’Alsace, se dessinent les premiers contours d’une nouvelle carte politique. Comme si, finalement, avant même Septembre, la page de l’Allemagne d’Adenauer, de Kohl et… de Merkel se tournait.

(1) Voir eurojournalist.eu du 11.01.2021.

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