Allemagne : Fédéralisme et propagation du coronavirus

Un système moins efficace que le bonapartisme français ?

Le Krampus Foto: Sandro Halank/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – En France, on dresse ses ergots, les préfets chaussent leurs képis et on délivre des oukazes à l’adresse de 60 millions de personnes pour essayer d’arrêter le virus. Dans un pays comme l’Allemagne, en revanche, ce sont des recommandations que l’on donne aux citoyens. De toute manière, le gouvernement fédéral ne peut en faire plus : cela sortirait de ses compétences. Au détriment de l’efficacité ?

Des mesures autoritaires centralisées sont prises aussi en Autriche, d’ailleurs : on vient d’y interdire l’accès de la Heimat Sacrée aux ressortissants italiens, on fermera les écoles et les facultés et, semble-t-il, les stations de ski : en commençant par celle d’Ischgl. En Italie, on a fermé depuis jeudi dernier la plupart des commerces, à l’exception des pharmacies, des stations d’essence et de quelques autres ; la dureté des mesures prises, dans ce pays, est le corollaire de la fragilisation (euphémisme) du système de santé depuis l’époque de Berlusconi… En France, on a décidé aujourd’hui de fermer les écoles sur tout les territoire, après avoir interdit les visites dans les EHPAD et les unités de soin. En revanche, en Allemagne, tout se passe dans les länder, seuls habilités à commander ou à interdire en la matière.

Et l’État fédéral se borne à donner des recommandations : celles de renoncer, siouplaît, à des rassemblements de plus de 1000 participants ; celles qu’a exprimées le ministre de la Santé, Jens Spahn, de renoncer, si vous le voulez bien, de vous rendre au restaurant, au concert : car est-ce bien nécessaire, chers concitoyens ? Et puis, je vous prie, n’allez pas voir à tout bout de champ vos vieux parents, vos aïeux. Vous retarderez ainsi la marche à grandes enjambées du virus.

En effet, ce sont les länder qui ont compétence en la matière. Et avec eux, les communes. Au bas de l’échelle, les bureaux administratifs de soins communaux : ce sont eux qu’on informe les premiers quand on suspecte qu’une personne est infectée. Les mesures à prendre, ensuite, d’après les lois en matière de protection contre les infections, sont décidées en commun par ces bureaux, les responsables communaux et les autorités régionales. Par exemple, faut-il fermer les écoles et les crèches dans le land, ou d’autres installations publiques ?

C’est ainsi que la Bavière va décider aujourd’hui si elle doit faire fermer les écoles et les crèches, alors que le ministre fédéral, Jens Spahn, a estimé mercredi encore que ces fermetures devaient plutôt être évitées. La ville de Halle, par ailleurs, a déjà décidé hier jeudi d’une fermeture générale des crèches et des écoles.

Alors, risque-t-on de graves incohérences ? Connaîtrons-nous les conséquences fâcheuses de l’un des aspects principaux du fédéralisme à l’allemande, à savoir son aspect très régionalisé et différencié? Le ministre Spahn pense que non : il se montre confiant dans la capacité des divers échelons à coopérer entre eux,  de manière efficace et pertinente ; qu’il pense le contraire serait étonnant, bien évidemment… Certains responsables se disent même persuadés de la supériorité des structures fédérales : le ministre-président de Rhénanie du Nord-Westphalie, Armin Laschet, estime que « les länder et les communes sont les mieux à même de juger des mesures nécessaires à prendre dans la vie publique pour protéger la santé.»

C’est vrai dans le cas des attaques saisonnières de la grippe, mais c’est beaucoup plus contestable en ce qui concerne ce virus inédit qui a désormais tourné à la pandémie : la menace est trop nouvelle et trop massive pour que les échelons inférieurs des structures fédéralisées puissent se montrer pleinement efficaces… et montrer suffisamment de rigueur dans la gestion de cette pandémie. Et, lié intimement à cela : comment assurer la cohérence de ces mesures au plan « national » ? Les effets des différences entre les divers länder, les uns se montrant plus laxistes que leurs voisins, pourraient s’avérer catastrophiques.

Certes, de manière générale, l’un des meilleurs amis de la pandémie, c’est la pratique du wishful thinking : on voit la situation comme on veut qu’elle soit. La démocratie, comme le droit, ne sont pas toujours compatibles avec les catastrophes naturelles, et ils sont le plus souvent incapables de les maîtriser et de les gouverner.

Mais il ne faut pas pour autant que le déploiement du coronavirus devienne un alibi pour des politiques autoritaires. Et, notamment en France, en Autriche et en Italie, nous devrons y veiller très attentivement.

 

 

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