Allemagne : freiner, brider les investissements publics ?
Risques de récession et intervention étatique
(Marc Chaudeur) – L’économie allemande n’est pas au mieux, bien qu’elle ne soit pas (pas encore ?) dans une situation catastrophique. On parle de risques de récession. Que faire, en ce cas ? Le gouvernement allemand ne semble pas réagir très activement pour remonter cette pente dangereuse. Certes, l’attentisme un peu léthargique d’Angela Merkel et de son gouvernement sont devenus habituels ; mais peut-on laisser ainsi aller les choses, sachant les répercussions gravissimes que pourrait avoir une récession durable ?
Encore faut-il s‘entendre sur la nature des problèmes économiques que rencontre l’Allemagne. L’ensemble de la presse allemande et internationale reprend ce terme de « récession » de façon assez superficielle, ou parfois dogmatique, sans qu’il soit nécessairement clair.
Un anglicisme veut qu’on entende par « récession » une diminution du niveau de production ; mais dans ce cas, on dirait plutôt, en français, décroissance ou contraction. La distinction est essentiellement temporelle : on parle de récession lorsque la croissance est ralentie durant deux trimestres consécutifs. Avant, on parle de contraction. En Allemagne, nous n’en sommes qu’au premier trimestre, bien que de fait, le pays de Goethe et du jägermeister ait déjà frôlé la récession en 2018.
Bref, l’économie de l’Allemagne s’est contractée durant le dernier trimestre : le PIB, un critère important, a diminué de 0,1%. En somme, les portes ouvertes après la crise de 2008 se referment. Pourquoi, au juste ? Le déséquilibre entre importations et exportations a augmenté ces derniers mois, et l’Allemagne exporte moins : la demande extérieure de machines-outils et d’automobiles, moteurs essentiels de l’économie allemande, faiblit : largement à cause du récent protectionnisme américain, de la guerre commerciale avec la Chine, bien amorcée, et aussi, du Brexit.
Mais il faudrait disposer de données concernant le nombre de création d’entreprises dans le pays, et d’autres indices de l’ambiance générale : car on perçoit bien depuis plusieurs mois une sorte de lassitude, de perplexité, qu’il faudra explorer plus avant – ce que ne font guère les médias allemands eux-mêmes.
Reste à savoir comment réagir contre cette menace de récession. A cet égard, il faut s’interroger sur l’un des présupposés fondamentaux, sur l’un des dogmes les plus difficilement problématisés de l’économie allemande ; celui de l’équilibre budgétaire. Ce qu’en Allemagne on désigne par l’appellation sinistre de Schwarze Null, le « Zéro noir ». En 2009, les Allemands sont allés jusqu’à l’inscrire dans le Grundgesetz, qui tient lieu de Constitution : au-delà de 0,35 % du PIB, interdiction
de contracter de nouvelles dettes. Interdiction pour les Länder, à partir de 2020, d’emprunter pour financer la politique régionale… Le roi du Schwarze Null a été Wolfgang Schäuble, qui a imposé ce dogme avec une intraitable rigidité.
Ce qui se justifiait à peu près dans les premières années de la décennie, et faisait consensus en 2008 et 2009. Mais les impératifs criants, justement, crient de plus en plus fort : peut-on ainsi serrer les freins des investissements publics et aller jusqu’à empêcher une intervention étatique qui s’avérera peut-être nécessaire pour relancer l’économie, précisément en période de récession et de baisse de compétitivité face aux concurrents chinois et américains ? Les grands dirigeants d’entreprises s’en inquiètent de plus en plus ouvertement parallèlement certes à la protestation contre le montant élevé de l’imposition.
Il sera sans doute tout à fait indispensable, en tout cas, de briser des lances contre le dogme du Schwarze Null. Les meilleurs analystes, qui n’appartiennent pas nécessairement au camp social-démocrate, dénoncent le bien mauvais état des infrastructures essentielles : les routes, l’éducation, l’armée, et… Internet, ô combien !
Dans cette question, il en va de l’avenir de la société allemande dans sa structure même – et de la bonne santé économique et sociale de l’Union Européenne toute entière.
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