Allemagne : la SPD à l’Est

La social-démocratie est nécessaire contre l’extrême-droite

Le Château de Schwerin, la capitale du land de Mecklembourg-Poméranie occidentale Foto: Kolossos / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – La semaine dernière, lors des élections du Land de Bavière, la SPD, le parti social-démocrate allemand, a enregistré un très mauvais score (à peine 10%), reculant derrière la CSU et le parti d’extrême-droite,l’AfD… et derrière les Verts, qui ont réalisé un excellent score en surfant sur certains problèmes lancinants.

A plus forte raison, qu’en est-il dans les Länder de l’Est de l’Allemagne, que l’on désigne du doigt comme régions à plus forte concentration de xénophobes, de para-fascistes et de circum-nazis ? On imagine, à distance, les difficultés rencontrées. Mais on voit clairement aussi l’importance de la tâche à accomplir et qui, à notre sens, peut l’être.

Les prochaines élections des parlements régionaux (Landtagswahlen) présentent une importance particulière. Elles auront lieu dans un an, à l’automne 2019. La situation est plutôt grave ; mais au fond, elle l’est plutôt politiquement, et socialement en partie, qu’économiquement. Beaucoup d’habitants des Länder de l’Est affirment qu’ils n’ont jamais vécu aussi bien… On ne le dit pas assez. En tout cas, il y a du pain sur la planche.

Elections régionales en Bavière : SPD, 9,7 % ! Mais en quoi, au fond, de tels résultats se rapportent-ils à la situation de l’Est ? Si on consulte une carte du découpage politique de ces Länder, on s’aperçoit que la SPD participe au gouvernement de Thuringe, de Saxe-Anhalt et de Saxe. Et même, on voit qu’à Schwerin (Mecklembourg), Potsdam et Berlin (Brandenbourg), la SPD occupe les postes de dirigeants de ces Länder. Et pourtant, reste que certains résultats électoraux à Dresde et à Magdebourg gravitent dangereusement autour des 10 %…

Rappelons que l’histoire de la SPD dans la partie orientale de l’Allemagne est particulière. La Thuringe (Gotha, Erfurt) est le lieu de naissance de la social-démocratie allemande et européenne), dans la première moitié du 19° siècle. Ensuite, ce furent les vicissitudes que l’on sait : la scission entre communistes et révisionnistes (Bernstein), les luttes sanglantes entre sociaux-démocrates et Spartakistes, l’expérience des 2 grands totalitarismes au 20° siècle : les camps de concentration nazis, puis la persécution stalinienne et la mise au pas après 1947, c’est-à-dire l’engloutissement dans la SED, ” Parti de l’Union ” (forcée).

Pour ce qui est de la social-démocratie après la ” Chute du Mur ” (expression étrange), le 7 octobre 1989, des militants des droits civiques ont fondé la SPD-Est à Schwante, en ex-RDA, sur leur propre initiative. Le parti s’appelait en réalité SDP. Ce n’est que l’année suivante que le grand frère et le petit frère, Ouest et Est, ont fusionné. Cette fusion s’imposait-elle nécessairement ? Cela reste une objet de discussion dans les cercles militants et chez les historiens… En tout cas, dans cet étrange et exaltant entre-deux de 1989 à 1990, l’interlocuteur privilégié de la SPD Ouest était le SED communiste, et non son petit frère brandebourgeois et saxon. C’est compréhensible : il fallait régler le passage à un socialisme autre et construire une passerelle entre RDA et RFA. Mais la situation de la SPD-Ost était délicate : soucieuse de l’ unité, d’une unité sociale (et social-démocrate) de l’Allemagne, elle l’était aussi du sort très concret des Ossies. Ce qui lui valait beaucoup d’insultes, surtout au début de 1990 : « collabos » d’un côté, « barbouzes » de l’autre… On fait avec et on persévère.

Le rapport parfois difficile entre particularisme de fait et souci de la généralité nationale marquent la genèse du Parti de ce côté ci de l’Allemagne. Et il hantait encore la réunion qui s’est tenue à la Maison Willy Brandt, le siège de la SPD à Berlin, vendredi dernier. Les participants, des dirigeants locaux, ont traité le thème : « Pour un renouveau social et démocratique de l’Est ». Manuela Schwesig, la jeune Ministre-présidente de MeckPom (Mecklembourg-Poméranie) depuis juillet 2017, a soumis pour l’occasion un document d’analyse et de proposition.

Ce document remarque d’abord que dans la SPD (aussi) règne trop souvent une perspective ouest-allemande (ein Westblick) ; il faudra donc que la SPD-Est profite bien davantage des intérêts et des perspectives propres à l’Est. Et les participants sont revenus sur ce qu’ils considèrent – à tort, à notre avis – comme une faute majeure : de n’avoir pas débattu publiquement, en 1989-90, des bouleversements, des blessures et des injustices vécues à cette époque de changement radical. – Et pourtant, à l’époque, il a été discuté très souvent et très concrètement de ces brûlants problèmes ; mais peut-être pas, à notre sens, dans une optique suffisamment pragmatique et ouverte sur l’avenir : c’est plutôt là que le bât blesserait…

La perspective des participants à cette réunion était ambitieuse et audacieuse : il s’agit, disaient-ils, d’envisager une politique allemande « à partir de l’Est ». Cette politique nouvelle, ils l’ exposent en 12 points et expriment leurs principales revendications. On peut imaginer lesquelles : politique des salaires plus juste, retraites plus élevées, équité dans les conditions de vie… Et bien sûr, une proportion plus grande d’Allemands de l’Est aux postes importants, puisqu’ils sont singulièrement absents de ces postes dans tous les domaines (1,7 % pour 17 % de la population allemande).

Mais… Et l’AfD ? Car il y a ce problème majeur en Brandenbourg, en Saxe surtout, mais dans les autres Länder de l‘Est aussi : c’est la montée cauchemardesque de l’extrême-droite dans les votes et… dans la rue. Voilà une grande différence entre Ouest et Est : en Bavière ces derniers jours, les électeurs se sont rabattus sur les Grünen ; à l’Est, ils l’ont fait sur un parti populiste et xénophobe. Malheureusement, la SPD-Ost a traité bien insuffisamment du problème qui se trouve à l’origine, indirectement ou non, de ce vote brun : celui de l’intégration des migrants. Mais il faudra bien qu’il le fasse, et le plus vite possible. Ou sinon, l’image d’un scorpion suicidaire vient spontanément à l’esprit…

Il faut en tout cas réaffirmer avec force, à chaque occasion, la nécessité absolue de partis sociaux-démocrates puissants et actifs, et cela, dans toute l’Europe. Il faut absolument un contrepoids à la montée des populismes, et à celle du libéralisme ; les deux allant fort bien de concert. En Allemagne, un parti comme la SPD, que ce soit à l’Est ou à l’Ouest, est évidemment le seul à pouvoir produire une politique socialement conséquente et vivable, entre fascisme et libéralisme halluciné, mais aussi, entre maximalisme stérile et blairisme dangereux.

 

 

 

 

 

 

 

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