Allemagne : les Fantômes du Paradis

Qui gouvernera le SPD ?

Le couple Supersozi, qui dirigera le SPD à partir de décembre Foto: Kyle Nishioka/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Lundi dernier s’est tenue, dans la légendaire Maison Willy Brandt, la réunion de la Direction du SPD. Le choix sera long, et sans doute difficile – à moins qu’une personnalité au rayonnement aveuglant et débordant d’un charisme irrésistible n’apparaisse soudain. Quod erit homo ? Quod erit vir, quod erit uxor ?

Les candidatures sont ouvertes. Le parcours sera long, en tout cas. Un processus que les militants désignent par GsdS : die Genossen suchen die Supersozis (les camarades cherchent les Supersocialos). La course commencera le 1er juillet et se terminera normalement le 8 décembre. D’abord, l’annonce de la candidature : celle-ci nécessite le soutien d’au moins 5 subdivisions locales (Unterbezirken), d’un arrondissement ou d’une section régionale. En septembre commencera pour les candidats la visite imposée à la « base », c’est-à-dire la “performance” devant 20 ou 30 conférences régionales. Et voilà partie la conquête des cœurs, qui durera 5 semaines.

C’est le 14 octobre que les 440 000 membres encartés du SPD choisiront leurs chouchous. Deux semaines plus tard, les candidats seront présentés lors d’une Assemblée générale. Si aucun ne remporte plus de 50% des voix, les 2 concurrents seront départagés au score qualifié. Enfin , du 6 au 8 décembre, lors d’une Assemblée fédérale du Parti, se tiendra un vote formel de l’ensemble des présents ; ils se prononceront aussi sur le bilan à mi-parcours de la GroKo, la Grande Coalition au pouvoir en ce moment.

Un très long parcours, donc. L’aspect positif de cette immense plongée au cours de laquelle les Allemands bouilliront d’impatience de connaître le nouvel August Bebel, c’est l’honnêteté et la radicalité de cette recherche sur sa propre identité et sur l’avenir de l’Allemagne qu’ entreprend le SPD. Plus encore, aucune personnalité ne sera choisie plus ou moins arbitrairement ou au prix d’une torsion de la démocratie interne. Maturation et modernisation seront les deux mamelles débordantes qui nourriront le renouvellement de la social-démocratie européenne, laissent entendre certains au pays de la vache Holstein.

L’inconvénient éventuel, et qui ne manquera pas d’être évoqué dans la presse allemande, chez les militants de gauche et chez les militants de droite, dans les Bierkneipe et dans les meilleurs journaux du genre Eurojournalist, c’est que cette longue anabase (relire Xénophon, une excellente lecture de vacances, mieux que Marc Lévy) donnera l’impression un peu trop narcissique d’une interminable introspection, d’un flou où toute prise de position politique claire s’estompera dans un flou vaporeux… En d’autres termes, on ne manquera pas de reprocher au SPD son absence d’incarnation, de combativité et de réactivité. Y compris face à la GroKo, cette coalition avec la droite qui pose de sérieux problèmes après les élections européennes, il y a un mois. Dangereux pour le vénérable parti social-démocrate allemand, puisqu’il persiste à être la deuxième fraction du Bundestag par son importance.

Mais qui donc est susceptible de succéder à Andrea Nahles, qui s’est retirée après les Européennes ? La presse allemande évoque 8 éventualités. Heiko Maas (52 ans) actuel ministre des Affaires étrangères, Sarrois comme Annegreth Kramp-Karrenbauer, assez populaire et compétent ; Franziska Giffey (ministre de la Famille, 41 ans), convaincante mais qui se trouve confrontée à l’accusation d’avoir copié sa thèse de doctorat sur son petit voisin ; Lars Klingbeil, un peu insignifiant ; Katarina Barley, compétente, cultivée et douée de charisme, vachement attirante, j’veux dire – mais elle présente l’inconvénient qu’elle devrait alors choisir entre sa fonction de députée européenne et celle de dirigeante du SPD… Et encore Stefan Weil, Nancy Faeser et… Kevin Kühnert (29 ans), doté des avantages et des inconvénients de son enthousiasme de tout jeune homme avec une drôle de houppe sur la tête. Et enfin, la vénérable Gesine Schwan (76 ans), dont l’âge n’exclut presque rien, surtout pas dans un tel Parti.

A la tête du SPD, on imaginerait bien la paire Heiko Maas et Katarina Barley. Mais rien n’exclut l’apparition miraculeuse du candidat rêvé lors de ces longs mois assez imprévisibles. C’est d’ailleurs ce dont rêveront les actuels dirigeants lors de leur voyage d’été à la Grotte de Lourdes.

 

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