Allemagne : Peu à peu, le monde se souvient…

Le comportement de l’Allemagne face à la crise en Grèce commence à susciter des critiques au niveau international. Et on se souvient de 1953...

L'Allemagne était bien contente devoir signer Hermann Josef Abs l'accord sur l'annulation de la dette allemande en 1953... Foto: Deutsche Bank AG, Kultur und Gesellschaft, Historisches Institut, FFM / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Les déclarations d’Angela Merkel après le sommet spécial de mardi à Bruxelles étaient dures, très dures. Merkel, qui avait toujours eu un discours rassurant en soulignant «qu’elle tenait à maintenir la Grèce dans la zone euro», parlait ouvertement d’une chance 50:50 pour le «Grexit». Prise entre son faucon de service Wolfgang Schäuble qui lui, aimerait stopper toute négociation avec la Grèce et son partenaire de coalition Sigmar Gabriel (SPD) qui fléchit le genou devant l’opinion publique chauffée par les médias du boulevard, elle veut se montrer dure, intransigeante et elle continue son «putsch» contre le gouvernement de gauche en Grèce. Ce faisant, elle risque désormais le plus grand échec des années de son gouvernement – la décomposition de l’Europe. Tout en faisant fi que ce qu’elle refuse à la Grèce en 2015, l’Allemagne l’avait obtenu en 1953 – une annulation d’une grande partie de sa dette.

Lors de la conférence sur la dette allemande en 1953 à Londres, une large partie de la dette allemande avait été annulée, puisque les créanciers savaient que l’Allemagne n’allait pas être en mesure de rembourses dettes et réparations. Sans le «haircut» de 1953, l’Allemagne n’aurait pas pu connaître l’essor économique du «Wirtschaftswunder» – et le monde commence à se poser la question pourquoi l’Allemagne, bénéficiaire d’une politique qui était le contraire de l’austérité prônée par la chancelière et ses sbires, campe sur des positions qui n’ont rien apporté depuis 5 ans.

En 1953, la Grèce faisait partie des 70 pays ayant signé le traité qui réduisait la dette allemande de 110 milliards de Marks, une somme comparable à la dette grecque d’aujourd’hui. Seulement 8 ans après la fin de la guerre pendant laquelle l’Allemagne nazie avait semé la terreur et la mort dans le monde, les 70 pays signataires voulaient relancer l’Allemagne en lui tendant la main. 68 ans plus tard, l’Allemagne ne se souvient de rien et donne en plus des leçons à l’un des pays ayant le plus souffert sous le joug nazi.

La chancelière ne maîtrise pas l’histoire de l’Allemagne, mais elle a perdu le contrôle de la situation. Elle qui a pour l’habitude de ne rien faire, mais d’attendre que les problèmes se dissolvent dans le malstrom de l’actualité, est actuellement embêtée. Après avoir concerté une vaste campagne médiatique («plus de milliards pour les grecs avides»), elle se trouve maintenant dans l’impossibilité d’expliquer à ces compatriotes, autre chose que cette position intransigeante et inflexible. En maintenant donc sa position rigide, elle court le risque de casser cette Europe et elle loupe une occasion en or pour redéfinir l’Europe. Pourtant, l’échec de l’Europe telle qu’elle est organisée aujourd’hui, est d’une évidence frappante. Sauf pour ceux qui l’ont conduite vers le gouffre.

L’Allemagne porte une responsabilité particulière dans la situation actuelle, une responsabilité qui est à la fois économique, politique et morale. La première chose que l’Allemagne se doit de faire immédiatement, c’est le remboursement du «crédit forcé» qu’elle a encaissé par la Grèce lors de l’occupation nazie. Les 478 millions de Reichsmark correspondent aujourd’hui à une valeur estimée entre 7 et 11 milliards d’euro et force est de constater que l’Allemagne n’a jamais remboursé ce «crédit» qui dans les fait, n’était autre chose que le pillage du pays occupé. Dans un deuxième temps, la solidarité européenne et la responsabilité devant l’Histoire voudrait que l’Allemagne se fasse avocat de la Grèce pour obtenir ce dont elle a profité en 1953 – l’annulation d’une dette qui raisonnablement, ne peut plus être honorée.

Il ne s’agit pas de réveiller les vieux fantômes de l’Allemagne nazie – mais Angela Merkel ne peut plus ignorer qu’à l’époque, cette annulation de la dette allemande était la mesure permettant à l’Allemagne de relancer son économie. Au lieu d’occasionner la misère sociale chez un partenaire européen, Angela Merkel doit désormais travailler pour et non pas contre la Grèce. Ce sera la dernière chance pour sauver la cohésion européenne. Mais malheureusement, la chancelière est coincée entre les faucons allemands et européens et n’a visiblement pas le courage de faire ce qui doit être fait. Avec ce comportement, elle ne nuit non seulement à la Grèce et à l’Europe, mais également à son propre pays qui lui, est aujourd’hui considéré comme un pays ayant oublié son histoire et menant une sorte de guerre économique. Pas bon, ça.

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