Allemagne – quand s’installe un parfum de fin de règne !

Alain Howiller sur la dernière ligne droite pour la chancelière Angela Merkel. Son départ en 2021 s’annonce tout sauf tranquille. Et après 15 ans, les Allemands découvrent une chancelière humaine et presque sympathique…

Si Angela Merkel avait réellement une "double vie", les Allemands la verraient bien rempiler pour un nième mandat... Foto: DWolfsperger / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0de

(Alain Howiller) – Elle nous l’avait caché jusqu’ici et extrêmement rares étaient les moments où, en 15 ans de chancellerie, elle avait -comme on dit- « fendu l’armure » ! Mais on sait maintenant que celle qu’on a parfois appelé « chancelière teflon » n’est pas aussi froide et impassible qu’on le redoutait ! On le sait depuis son discours devant le Bundestag où, pour sauver des vies, elle plaidait, avec des larmes dans la voix, pour un renforcement substantiel des mesures anti Covid-19. Une fois de plus, devant l’inertie de beaucoup de Ministres-Présidents des 16 Länder de la République soucieux de ne pas froisser leurs électeurs, elle en a appelé à l’opinion.

Et cette fois, elle semble avoir obtenu des avancées concrètes dans le renforcement des mesures de lutte contre les effets de la crise sanitaire. Alors que lors de la dernière conférence avec les Ministres-Présidents, après 7 heures de débats et 25 minutes d’interruption pour calmer les esprits, elle n’avait obtenu que quelques miettes des mesures qu’elle demandait. Cette fois, le confinement, la fermeture éventuelle des commerces, des écoles, ne sont plus des sujets tabous !

D’étonnantes conversions !… – On assiste même à des conversions étonnantes : Armin Laschet, Ministre-Président du Land de Rhénanie du Nord Westphalie et candidat quelque peu dévalué à la présidence de la CDU, un des plus réticents à prendre des mesures contraignantes, a changé son fusil d’épaule. Winfried Kretschmann, bien qu’il soit soumis le 14 Mars à des élections au Landtag du Bade-Wurtemberg, n’hésite pas à évoquer la possibilité d’un confinement qui toucherait les commerces : il réclame une nouvelle réunion de la conférence des Ministres-Présidents pour harmoniser les mesures -parfois contradictoires!- prises d’un Land à l’autre. Et Markus Söder, Ministre-Président de Bavière, qui, d’entrée de jeu, s’était inscrit en tête des mesures anti-Covid-19, a confirmé son approche : il vient de proposer un confinement total entre Noël et le 10 Janvier.

Personne, à vrai dire, ne doute de ce que Söder, qui caracole dans le peloton de tête des possibles successeurs de la chancelière, inscrive son image de rigueur dans la logique d’une candidature d’après-Merkel ! N’oublions pas que dans la balance des évolutions politiques, plusieurs élections régionales ou locales auront lieu avant les élections générales au Bundestag : renouvellement des parlements régionaux en Rhénanie-Palatinat et Bade Wurtemberg (14 Mars), en Thuringe (25 Avril), en Saxe-Anhalt (6 Juin), des élections locales étant prévues en Hesse (14 Mars) et en Basse-Saxe (12 Septembre).

Merkel dans sa dernière ligne droite. – Les élections au Bundestag, qui marqueront la fin de l’ère Merkel, doivent, elles, avoir lieu le 26 Septembre : sauf si le Président de la République s’opposait à la date, ce qui paraît peu probable. Après sa présidence de l’Union Européenne qui prend fin le 31 Décembre pour céder la place pour 6 mois à Emmanuel Macron, Angela Merkel s’engagera dans la dernière ligne droite de son action politique. L’après-Merkel pointe désormais son nez et, à vrai dire, un parfum de fin de règne semble déjà avoir gagné le pays. Comment expliquer autrement la difficulté qu’a éprouvée la chancelière, pourtant restée en tête des sondages de popularité, à imposer aux « barons-Ministres-Présidents » des Länder, ses mesures de lutte contre la pandémie ? Pourtant, 74% des Allemands approuvent sa politique vis-à-vis de la crise sanitaire : si bien qu’elle n’a sans doute pas dit son dernier mot et que de nouveaux rebondissements sont possibles dans la foulée de son discours devant le Bundestag. Arrivera-t-on enfin à harmoniser les mesures anti-Covid-19 dans l’ensemble du pays en gommant des disparités qui expriment une certaine crise du fédéralisme ?

Comment ne pas subodorer un autre parfum de crise dans les déchirements, les affrontements qui traversent la CDU toujours en quête d’un candidat sérieux et crédible pour prendre la présidence d’un parti vieux de 70 ans et pour espérer s’asseoir dans le fauteuil de chancelier(e) ? La démission d’Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK) de la présidence du parti-chrétien démocrate a provoqué un ébranlement d’une CDU qui venait de fêter ses… 70 ans !

Une crise « néo-gaullienne » avec Macron – Il est vrai que par ses prises de position, AKK n’est pas à une crise près ! Elle en a provoqué une dans les relations avec la France(1) à la suite de ses prises de position contre l’idée défendue par Emmanuel Macron d’une « autonomie de la Défense Européenne ». Dans le sillage de ce débat, se profilent des divergences « néo-gaulliennes »(!) sur l’OTAN et le rôle des Etats-Unis : les espoirs de Berlin nés de l’élection de Joe Biden, d’un engagement américain plus fort dans la défense du continent européen, risquent d’être déçus apportant, à moyen terme, de l’eau au… moulin français !

Les difficultés chez les chrétiens-démocrates s’installent au moment où le monde politique s’interroge sur certains accords dits « locaux » esquissés avec des membres du parti d’extrême-droite AfD, pourtant déchiré par des conflits entre partisans et opposants d’une ligne à connotation « néo-nazie ». Un conflit que suit de près « l’Office Fédéral de Protection de la Constitution ». Le gouvernement étant, par ailleurs, fortement engagé dans la lutte contre les violences générées par l’extrême-droite. Les tentations « d’alliance » avec l’extrémisme de droite a conduit le conseil central de la communauté juive à mettre en garde devant des complicités contre nature que le SPD a tenu à condamner officiellement. Il n’empêche que Wolfgang Schäuble, président du Bundestag, a trouvé que, décidément, les rapports avec l’AfD occupent trop de place dans la démocratie allemande !

Un plan de relance trop… masculin ? – Dans le paysage politique émergent d’autres aspects dont certains ne lassent d’interpeller ! Le parti des « Verts » et « Die Linke » attaquent le plan de relance de 180 milliards qui profitent essentiellement à des secteurs employant des hommes, seuls 4% du plan bénéficieraient à des secteurs à dominante féminine ! Les « Verts » qui souhaitent devenir -presque à tout prix !- partenaires du futur gouvernement fédéral, se divisent, à leur tour, sur le choix de leur candidat aux élections générales. Ces élections que le SPD voit approcher avec circonspection, tant son candidat pour 2021 -Olaf Scholz, Ministre des Finances- peine à décoller dans les intentions de vote !

Et pour couronner ce tour d’horizon où les perspectives électorales deviennent… essentielles, le Ministre-Président de Thuringe a demandé la levée de son immunité pour pouvoir se défendre dans un procès qui lui est fait pour un… « doigt d’honneur » contre un représentant de l’AfD dont un élu thuringien est poursuivi pour diffamation, le Ministre de l’intérieur du Land de Saxe-Anhalt est démissionné par son Président à cause d’une interview… On n’a pas fini de regretter le relativement proche départ d’Angela Merkel, même si cette dernière a toujours affirmé : « J’exercerai mes responsabilités jusqu’au dernier jour de mon mandat ! » Avant même cette échéance, la fin de règne s’esquisse déjà !

(1) Voir eurojournalist.eu du 28.11.2020.

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