Allemagne : ricanements de zombies et miasmes nazis

La voix de Hitler et des SA dans les bas-fonds, aujourd’hui

Hans Frank en 1942 en Pologne, où il n'avait rien à faire Foto: NAC/Wikimédia Commons/CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Les pourcentages ahurissants d’Allemands qui votent AfD savent-il vraiment ce qu’ils font en s’engageant, serait-ce par leur bulletin de vote, aux côtés ou dans les rangs de ce parti positivement nazi ? Si non, c’est très grave ; si oui, c’est très grave aussi.

Les témoins directs du totalitarisme nazi ne manquent pas, heureusement. Beaucoup de personnes âgées témoignent : « Le nazisme, c’est de la m…, entend-on ; je le sais, je l’ai vécu ! » Quel meilleur argument que ces témoignages ?

Dans le Spiegel de cette semaine, c’est Niklas, le fils de Hans Frank, le sinistre et brutal Gouverneur général nazi de Varsovie, qui témoigne. Il est journaliste, il a 80 ans. Dans la rhétorique de l’AfD, il reconnaît point par point celle qu’utilisait la NSDAP dans les années 1920-1950. La brève analyse qu’il en livre est particulièrement frappante, et vraiment inquiétante.

Niklas voit son père, sur cette photo le montrant gisant sur son linceul, ricaner par delà 73 ans d’histoire… Hans Frank a été pendu à Nuremberg en 1946. Un père comme ces pères qui, en réalité, n’ont pas reconnu les crimes nazis. Et on les entend à nouveau. On entend leur silence pesant, mais aussi bien autre chose. Les membres de l’AfD n’ont pas encore attenté à l’humanité ni commis de crimes contre elle. Mais il commencent à se distinguer brillamment par leurs propos.

Ils profèrent des menaces contre l’indépendance de la presse, des médias et de la Justice. Dès 1930, Hans Frank envoie un télégraphe à un membre du gouvernement de Thuringe : « Je me réjouis de voir bientôt quelques rédacteurs juifs mis derrière les barreaux pour atteinte à la dignité du ministre nazi de l’Intérieur ». En 2019, la fraction AfD du Haut Taunus s’exprime : « Chez nous, lors de certaines révolutions bien connues, on a assailli les repaires de la presse et ceux de la radio, et chassé leurs occupants dans la rue. Les représentants actuels des médias, ici, devraient y réfléchir». Et le député AfD Heissenkemper : « Nous devons attaquer les médias et l’appareil de propagande rouge-vert et les affaiblir. »

Curzio Malaparte le raconte dans Kaputt (1944) : Hans Frank jouait admirablement Chopin sur le piano de l’Hôtel de Ville de Varsovie – le même a été vu en train d’abattre tranquillement avec son revolver un enfant qui tentait d’escalader un mur du Ghetto.Il est mort très vite, au lieu de mourir de faim. En 2018, une question à Beatrix von Storch, une dirigeante de l‘AfD : « Voudriez-vous donc interdire l’accès des verts paradis allemands en usant d’armes contre des femmes et des enfants ? », lui demande-t-on sur facebook . Réponse : « Oui ! »

Et encore : Frank entend la voix de son père dans la réaction de Gauland, en 2017, contre la présence dans la sphère politique d‘Aydan Özoguz, chargée des questions de migration : « Invitez la à Eichsfeld, et expliquez lui ce qu’est spécifiquement la culture allemande. Elle ne reviendra plus jamais ici, et grâce à Dieu (!), nous pourrons la débarquer en Anatolie ». Hans Frank à Lemberg (Lvóv), en 1942 : « Quand nous avons débuté, il y avait 3 millions et demi de juifs ; il n’en reste que quelques compagnies de travail – les autres, disons qu’ils ont… émigré ! »

L’indépendance de la Justice ? Là encore, Hans Frank ricane dans son linceul de pendu. Frohnmaier (par ailleurs grand adorateur de Poutine) en 2015 : « Je le dis très clairement à ces terroristes de gauche, à ces bêtes de parti : quand nous serons là, nous mettrons de l’ordre, nous nettoierons le fumier de ces écuries : alors, nous ferons à nouveau une politique pour le peuple, et rien que pour le peuple (…) ». « Nettoyer » ? Pour cela, il faut une justice aux bottes des dirigeants ! En Rhénanie du Nord-Westphalie, Frank Scherle menace ouvertement, sans aucune réaction des pouvoirs publics, de balancer « les petits fruits d’importation », c’est-à-dire les immigrés, dans les flots du Rhin…

Oui, tout cela peut s’entendre impunément dans la bonne Allemagne « démocratique », sans que personne ou presque ne proteste, sans que personne ne porte plainte. Accablant, pesant, insupportable, et inadmissible.

Niklas, le fils de Frank, a raison. Le rictus de pendu de Hans Frank se transforme en ricanement assourdissant. Il a de bonnes raisons de se réjouir. Allemands, Français et Européens doivent absolument réagir.

A lire : https://www.spiegel.de

 

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