Amazon : l’arbre qui cache la forêt ?

Alain Howiller sur la non-implantation d’Amazon à Dambach-la-Ville et un système économique qui pose pas mal de questions…

Le QG d'Amazon à Sunnyvale en Californie . Foto: Coolcaesar / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – Décidément, la crise sanitaire n’en finit pas de bouleverser, au-delà de nos soucis bien légitimes de santé, nos certitudes quant à notre façon de vivre, de consommer, de travailler. Du télé-travail aux achats en commerce de proximité (points de ventes dits « physiques ») ou en ligne (« e-commerce »), de l’achat de médicaments à la télé-consultation voire au recours à la… robotique chirurgicale, ce qu’on appelle déjà la… « Coronavirus-économie » se met en place et nourrit des affrontements entre partisans et adversaires que le citoyen-consommateur sera amené, tôt ou tard (espérons pas trop tard), à arbitrer !

L’évolution des modes de consommation, en marge de confinements plus ou moins…. déguisés, conduit à s’interroger sur la manière dont nous effectuerons nos achats dans un avenir plus ou moins proche. Cela amène naturellement à se pencher sur l’évolution des achats en ligne : risquent-ils, comme beaucoup le craignent, de compromettre le futur des « commerces physiques » de proximité, compromettant l’existence des enseignes dans les centres de nos villes ?

Un gouvernement… « fil-de-fériste » ! – La fronde des commerçants contre les mesures de confinement prises par les pouvoirs publics en France, donnent à ce débat une vivacité, pour ne pas parler de violence, que les premières mesures de confinement définies au printemps n’avaient pas connue. Il est vrai que la crise sanitaire de cet automne connaît un rebond spectaculaire. Il n’est pas faux que les quelques mois qui nous séparent des premières mesures anti Covid-19 ont permis de dresser un bilan qui interpelle. Il est vrai encore que les dernières semaines de l’année qui mènent à Noël portent des enjeux décisifs pour les chiffres d’affaires et la survie des commerces. Il est non moins vrai que les mesures prises ont été mal pensées et surtout mal présentées !

Il est vrai que c’était un singulier exercice d’équilibriste que de fermer les commerces non-alimentaires, puis fermer « par équité » (ce qui ne veut pas dire… égalité !) dans les super et hyper-marchés les rayons de produits non-essentiels que les commerçants ne pouvaient plus vendre étant fermés, pousser de ce fait les consommateurs à se tourner vers les achats en e-commerce tout en leur demandant de ne pas acheter chez… Amazon désigné du doigt ! Il fallait le faire, l’oser : « Il ne faut pas qu’Amazon soit le grand gagnant de cette crise ! », a cru devoir commenter Bruno Le Maire, le Ministre de l’Economie, des Finances et de la… Relance ! Le « fil de fériste » a, sans le vouloir, désigné l’empêcheur de confiner en rond : Amazon, le géant américain, « champion du monde » de l’e-commerce ! Et si, finalement, ce dernier n’était que l’arbre qui cache la forêt d’une sorte de révolution dans la distribution ?

Amazon : pas en Alsace ! – Constatons d’abord que le « champion » n’est pas seul au monde : il y a -entre autres- de Google, Apple, Microsoft à Facebook et les réseaux sociaux en général, des plates-formes d’e-commerce concurrentes qu’on aurait tort de sous-estimer voire d’ignorer ! Constatons, une fois encore(1) que la crise sanitaire aura, en tout état de cause, brisé la barrière technologique de la numérisation et de la digitalisation. Elle a ouvert le chemin d’une transformation profonde des systèmes de distribution s’appuyant sur les « points de vente physiques ». Les « drives », les « click and collect » auront été les avant-gardistes d’une évolution qui, devenue révolution, qui d’une prise en compte collective, à travers des « plates-formes collaboratives » (exemple les « market places »), ou une adhésion individuelle concrétisent l’entrée dans le e-commerce.

La notoriété des magasins physiques, la qualité de l’accueil, la proximité, le drive, le « click and collect » peuvent freiner -pas mettre en cause- l’évolution. Il en va de même des initiatives -diligentées par les Chambres de métiers- rappelant qu’acheter un bien ou un service local, participe au sauvetage des emplois locaux. Des campagnes peuvent également peser, sur le court terme, sur les projets d’installation d’entrepôts d’e-commerce, comme cela a été le cas pour le projet d’Amazon d’installer un parc de stockage en centre Alsace…

e-commerce : des freins, pas d’arrêt. – Plus sûrement, les délais de livraison, le coût de l’acheminement peuvent également freiner le développement de l’e-commerce : il était révélateur que l’Etat ait décidé de prendre en charge le coût des envois auquel les libraires indépendants doivent faire face lorsqu’ils honorent les commandes de leurs clients. Il n’empêche que l’e-commerce s’impose lentement, mais sûrement – y compris en Allemagne où les commerces physiques sont restés ouverts. C’est ce que, à propos notamment de la tranche d’âge des 18/29 ans, vient de souligner une étude de l’institut « IFH Köln ». L’avenir, plus que jamais, relèvera de ce qu’on appelle « l’omni-canal » : l’utilisation par les distributeurs et producteurs de tous les canaux susceptibles de faire vendre. Intégrer les possibilités offertes par l’e-commerce, plutôt que de vouloir s’y opposer, est l’option qui s’imposera. Tout comme s’imposera ce…. compagnon nécessaire qui s’appelle la « 5G » !

Mais comment, à quelques jours du fameux « Black Friday » (le 27 Novembre), pic des promotions pour ventes en ligne, comment ne pas réfléchir à ce propos de Jean-Luc Heimburger, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) Alsace-Eurométropole, déclarant (DNA du 6.11.) : « Oui à la digitalisation qui permet de réaliser une partie du chiffre d’affaires en ligne, mais à long terme, tous les commerces ne peuvent pas se transformer à 100% en plates-formes qui conduiraient à la disparition du commerce physique. Nous devons penser à l’avenir des centres de nos villes et ne pas perdre de vue le rôle social indispensable de nos commerces de proximité. Le jour où ils ne seront plus, il sera trop tard. »

(1) Voir eurojournalist.eu du 15.06.20

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