Ambiance de pogrome à Tröglitz en Saxe-Anhalt
Néonazis et ultra-xénophobes prennent les commandes dans la petite ville de Tröglitz - en semant la terreur et en risquant des vies humaines.
(KL) – Il ne s’est jamais rien passé dans le petit bourg de Tröglitz en Saxe-Anhalt. A vrai dire, jusqu’au mois de mars, même les Allemands ignoraient l’existence de ce bled perdu dans l’est de l’Allemagne comptant 2700 habitants – jusqu’à ce que des groupes de néonazis et ultra-xénophobes y prennent les commandes dans la rue.
Tout partait sur une décision de l’administration régionale qui avait décidé que Tröglitz, comme d’autres villes et villages, devrait accueillir 40 réfugiés. Le maire de la petite ville, Markus Nierth (SE), s’est alors mis à organiser l’accueil de ces réfugiés prévu au mois de mai, mais les ultra-xénophobes et néonazis en Saxe-Anhalt n’étaient pas d’accord. Le maire, après avoir reçu des menaces contre lui et sa famille, jeta alors l’éponge, mais le cauchemar ne faisait que commencer.
Les manifestations, concertées entre autres par un haut fonctionnaire du NPD (parti à droite de l’extrême-droite faisant actuellement l’objet d’une procédure d’interdiction), Steffen Thiel, devenaient insupportables. On y entendait des paroles d’une haine, stupidité et agressivité exceptionnelles, avant que les choses ne s’empiraient davantage ces derniers jours.
Le centre d’accueil prévu pour les 40 réfugiés partait en flammes, sans doute l’œuvre de ces néonazis qui se fichaient pas mal du fait qu’au moment de l’incendie, deux habitants de l’immeuble s’y trouvaient encore – heureusement, les habitants ont pu évacuer le bâtiment qui lui, est devenu inhabitable. Personne ne doute que cet attentat visait à empêcher l’accueil de ces 40 réfugiés.
Pour le Landrat (chef de l’administration locale) Götz Ulrich (CDU), il est hors de question de céder sous la pression des néonazis dans la rue. «Quoiqu‘il arrive, Tröglitz sera obligé d‘accueillir ces 40 réfugiés», a-t-il déclaré, ce qui lui a valu également des menaces de mort. Assez précises, d’ailleurs, en lui annonçant «qu‘il allait être décapité». Götz Ulrich a du être mis sous protection rapprochée, les autorités craignant autant pour sa sécurité que pour celle de l’ancien maire.
Quelques 300 manifestants avaient beau manifester samedi contre ces agissements des néonazis en Saxe-Anhalt, le mal est fait. On commence à se rendre compte du mal que le mouvement «Pegida» a fait dans l’est du pays et on comprend l’ancien maire Markus Nierth qui s’est montré indigné par «le silence du centre de la société».
L’Allemagne, millésime 2015, devient un pays de plus en plus moche. La dédiabolisation de cette ultra-droite qui se présente publiquement et en toute impunité avec des slogans qui dégoulinent de haine et de stupidité énormes, ouvre la voie à une évolution comparable à celle qui secouait l’Allemagne pendant la «République de Weimar». Quand on entend des cranes rasés à la limite de la débilité qui scandent que «le bateau est plein», qui se mettent à incendier les centres d’accueil pour réfugiés, force est de constater qu’en Allemagne, la bête n’est pas morte.
Bien entendu, la majorité des Allemands est choquée par ces actes de haine, mais cette ultra-droite est en train, du moins dans l’est du pays sinistré économiquement, de prendre le pouvoir dans la rue. Voilà ce qui arrive lorsque l’ultra-droite est considérée comme un mouvement politique aux positions que l’on peut discuter. On ne peut pas discuter des positions xénophobes et néonazies, on ne peut que les combattre.
On aimerait bien se consoler en pensant qu’il s’agit d’actes isolés commis par des idiots, mais les chiffres parlent une autre langue. Entre 2013 et 2014, le nombre d’attentats xénophobes et néonazis a triplé en Allemagne. Et ce phénomène qui crée maintenant une ambiance de pogrome au pays, ne se limite pas au seul Est de l’Allemagne. Même dans la région du Rhin Supérieur, berceau de l’humanisme rhénan, de tels incidents sont à déplorer – début mars, à Malterdingen près de Freiburg, des inconnus avaient inondé un centre d’accueil pour réfugiés en le rendant également inutilisable.
Cette évolution mène forcément à un «remake» des années 20 et 30 du siècle dernier en Allemagne, lorsque des groupes de l’ultra-droite se sont livrés des batailles sanglantes avec des groupes de l’extrême-gauche dans les rues des grandes villes. A un moment où cette ultra-droite tente d’imposer sa loi dans la rue, commettant des actes criminels et barbares, il faudra s’attendre à une réaction aussi violente. Former des chaines humaines devant les braises des centres d’accueil détruits, cela ne sert malheureusement pas à grande chose.
Il convient maintenant de soutenir des responsables comme Ulrich Götz qui se comportent de manière réellement responsable en refusant de se mettre à genou devant des criminels au crane rasé et creux. Et l’Allemagne aura intérêt à trouver rapidement une autre attitude vis-à-vis des réfugiés qui, après avoir fui les horreurs de la guerre dans leurs pays d’origine, retrouvent en Allemagne une seule chose – l’enfer.
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