Angela Merkel – et alors ?

Les 16 années d’Angela Merkel, bilan d’une carrière politique vu par un échantillon de la jeunesse française.

16 ans Angela Merkel - que reste-t-il dans la perception des jeunes Français ? Foto: DonkeyHotey / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Elise Arfeuille) – Angela Merkel quitte la chancellerie allemande. Beaucoup font un état des lieux après 16 ans à la tête du gouvernement. Aujourd’hui, pourquoi ne pas demander à la jeunesse française ce qui lui reste d’elle ? Voici donc quelques témoignages des moins de 30 ans.

« (…) elle a toujours été là (…). C’est quelqu’un qui semble rationnel et dans la modération, à qui il est arrivé de revenir sur une décision en admettant une erreur ». Gabriel

« Angela Merkel m’inspire la rigueur germanique. Elle m’évoque une longue stabilité au pouvoir (…) et elle a été très présente sur la scène internationale. Je trouve que le surnom que les Allemands lui donnent, « Mutti », renvoie à une figure protectrice du pays. (…) ». Louise

« On a connu quasiment qu’elle depuis petit. C’est le visage le plus visible de l’Allemagne, qui incarne le pouvoir, l’autorité ». Estelle

Si ce bilan résonne de façon très positive pour l’essentiel, beaucoup haussent des épaules, ne sachant que dire sur cette femme, même si tous pourraient concéder que le rayonnement de l’Allemagne en Europe et dans le monde lui est dû en partie.

Avant la crise de la Covid-19, l’Allemagne possédait en effet le plus gros PIB européen et se plaçait au 4ème rang mondial. On pouvait noter par exemple des excédents commerciaux records grâce à ses industries automobiles et chimiques, réalisant à elles seules, un chiffre d’affaires de 224 milliards d’euros. En parallèle, le chômage depuis 2005 ne cessait de diminuer, pour atteindre en 2019, les 6%. Ces quelques chiffres confortent l’idée selon laquelle l’ère Merkel fut glorieuse aux yeux de l’Europe et du monde, ce qui justifie cette image de grande cheffe de gouvernement qu’on pourrait lui conférer.

Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, 18,7% des Allemands vivent sous le seuil de la pauvreté, avec des écarts de richesses toujours plus marqués. La dimension « ordo-libérale » comme vectrice essentielle de la gestion budgétaire allemande, ne fut pas non plus sans problèmes. On peut ainsi mentionner la sévérité du comportement de la politique allemande vis-à-vis de la Grèce à partir de la crise économique de 2008. Paradoxalement, pendant la crise sanitaire, le gouvernement allemand a consenti à un plan de relance économique européen de 750 milliards d’euros avec la mutualisation des dettes, allant à l’encontre de son dogme budgétaire bien arrêté.

Aussi est-il assez net que Merkel a su mener une politique de compromis. Pour certains, elle ne serait pas allée au bout de ses idées, pour d’autres, ses décisions allaient à l’encontre des positions de son propre parti, faisant en sorte que certains cadors de la CDU ne se reconnaissaient plus dans la politique d’Angela Merkel.

Il serait difficile donc de ne pas mentionner l’acte authentique d’humanisme dont a fait preuve la chancelière en accueillant environ 1,5 million de réfugiés. Geste tout autant reconnu que décrié, cette décision n’en fut pas moins sans conséquence, car elle exacerba la virulence de l’extrême-droite notamment. On pense ainsi que la politique migratoire entre 2015 et 2016 aurait eu tendance à favoriser la montée de l’AfD, qui aujourd’hui fait partie intégrante du spectre politique allemand.

La décision d’ouvrir les portes de l’Allemagne à un tel nombre de réfugiés pourrait s’expliquer par ses origines protestantes, en tant que fille d’un pasteur. Toutefois, cette décision allait déclencher la « descente en enfer » de son parti, la CDU qui lui, vient de perdre le pouvoir à Berlin.

Engagement fort, l’Allemagne de Merkel se démarqua aussi par sa politique environnementale, ce qui lui valut le surnom de « Klima-Kanzlerin » Mais il faut, là encore, nuancer le propos. Depuis 2005, les gaz à effets de serre ont certes diminué de 19% en Allemagne, ce qui reste moins qu’en France ou en Espagne, ayant respectivement diminué leurs émissions de 25 et 30% environ en 2019. Or, l’Allemagne depuis 2011, a décidé de se retirer du nucléaire et de passer aux énergies renouvelables. Mais son emploi des énergies fossiles, en particulier du charbon très fortement polluant, reste encore considérable, le temps que l’Allemagne puisse exploiter exclusivement des énergies renouvelables. L’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2045, semble très largement compromis

Alors soit, le tableau n’est peut-être pas aussi rose que prétendue, mais quelque chose demeure : « J’ai l’image d’une femme puissante et respectée(…) ». Louise

« (…) Je pense qu’elle m’a aussi marqué parce que c’était la seule femme dirigeant un pays que je connaissais ». Anna

C’est vrai. En tant que féministe, il est difficile de ne pas évoquer le progrès sociétal que véhicule l’image d’une femme restée au pouvoir d’un grand pays comme l’Allemagne pendant 16 ans. Mais là, il s’agirait d’un regard trop simpliste. On ne peut pas résumer comme une avancée majeure dans nos sociétés occidentales, une femme à la tête d’un gouvernement du simple fait de son genre. Au contraire. Car Merkel ne s’est jamais positionné comme féministe, elle contourne d’ailleurs le sujet, ne prenant jamais parti sur la question. Elle aura soutenu des femmes dans leur ascension politique, comme Ursula von der Leyen. Mais de façon générale, il y a toujours aussi peu de femmes dans les institutions politiques allemandes. Leur salaire est toujours inférieur à celui des hommes pour une majorité d’entre elles.

« Pour moi, Merkel est indissociable de la politique allemande. Dans mon esprit, elle est une sorte d’allégorie (…), sans aucun doute parce que je n’ai connu qu’elle comme chancelière ». Anna

Incontestablement indissociable du pays qu’elle gouverna, les moins de 30 ans sont nés avec elle et donc avec cette Allemagne qu’elle a modelée. Aujourd’hui, son parti politique n’est plus que l’ombre de lui-même, la pandémie repart de plus belle, les tensions migratoires et géopolitiques reprennent à l’est, tandis que la COP26 se clôt par des accords qu’une Greta Thunberg, faisant partie de cette génération, décrit comme du « blablabla » C’est ainsi que s’achève le règne d’Angela Merkel, laissant derrière elle un avenir très incertain, mais une figure féminine emblématique du pays le plus puissant d’Europe, dévouée complètement à sa mission, face à une jeunesse en quête de considération, d’espoir et de renouveau.

Bonne retraite Angela.

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