Angela Merkel vit son dernier été de chancelière

Alain Howiller pose la question quand à l'Allemagne « après-Merkel » qui deviendra une réalité à partir du 26 septembre, date de l'élection législative en Allemagne.

Une chose est certaine - après le départ d'Angela Merkel, l'Allemagne changera. Foto: European People's Party / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Alain Howiller) – Angela Merkel a donc entamée son dernier été de chancelière. C’est pour elle, 16 ans après sa première désignation de chef du gouvernement, l’été des dernières fois. Imperturbable, factuelle, sobre et sans émotion apparente, elle a vécu ses derniers sommets internationaux, elle s’est adressée une ultime fois au Bundestag pour présenter les enjeux du récent sommet européen de Bruxelles, pour tenir son discours traditionnel sur la situation à la veille des vacances parlementaires. Une nouvelle fois, elle a appelé à la vigilance face aux risques d’un rebond de la pandémie, elle a poussé ce cri angoissé aux industriels lors de la « Journée de l’Industrie Allemande » - « L’Allemagne aura besoin d’investissements gigantesques dans les années à venir et… l’Etat ne pourra pas y faire face tout seul ! », a-t-elle souligné.

Dans ses dernières semaines à la tête du pouvoir, peut-être pense-t-elle à ce poème du poète Hermann Hesse dont elle avait lu, à Berlin, un extrait à Emmanuel Macron fraîchement élu : « En chaque début, il y a de la magie… » Elle n’avait pas cru devoir citer, alors, ce que le poète de Calw avait écrit plus loin : « A chaque étape de la vie, le cœur doit être prêt à une séparation… et accepter, avec courage et sans tristesse, d’affronter de nouvelles conditions ! »

Pour 80% d’Allemands : une grande incertitude ! – Le 26 Septembre, les électeurs seront appelés aux urnes pour élire un Bundestag dont Merkel ne fera plus partie : elle assumera l’intérim d’un nouveau gouvernement qui mettra peut-être du temps à se composer, en fonction des coalitions qui s’imposeront. Puis l’ex chancelière quittera la « Machine à laver » (Waschmachine), surnom donné au bâtiment de la chancellerie. L’Allemagne aura tourné une page : à une année près, la chancelière, fan de football, aura été en fonction aussi longtemps que… Joachim Löw, le sélectionneur du football allemand qui prend, lui aussi, sa retraite !

Plus de 80% des Allemands pensent que la succession d’Angela Merkel reste ouverte et que l’issue des élections de Septembre est incertaine. Pourtant, à consulter les sondages, le scénario de la succession se précise : en s’inscrivant plus ou moins fortement dans la promesse d’une politique de continuité, Armin Laschet, qui veut apparaître comme le fidèle parmi les fidèles, après un début de campagne calamiteuse, fait fortement progresser la CDU et Olaf Scholz, le candidat du SPD, qui bénéficie (enfin !), selon les sondages, d’une légère évolution positive dans les intentions de vote, a tenu à rendre hommage à la chancelière pour le travail réalisé à la tête te de la « GroKo – Grande Coalition » ! Fait inhabituel, le parti social-démocrate lui avait cédé du temps de parole pour qu’il puisse s’exprimer en ce sens devant le Bundestag dont il ne fait plus partie !

Un nouvel attelage sorti des urnes, mais avec la CDU ! – Du coup, Annalena Baerbock, la candidate des Verts, ancienne championne de… trampoline, apparaît comme la… seule candidate d’alternance ! « La Démocratie a besoin de changement et je veux être la candidate du renouveau quand d’autres veulent être les candidats du statu quo ! » Voire ! Tout confirme -à en croire les déclarations des intéressés eux-mêmes- que l’objectif des Verts, mis en appétit par leur participation au gouvernement dans 11 Länder sur 16 (!), est de participer au gouvernement, voire de le diriger : Cette dernière perspective semble s’éloigner à voir l’érosion dans les intentions de vote qui obère l’image de la candidate verte : après un départ en fanfare de sa campagne, elle se retrouve victime de certaines de ses déclarations, « d’oublis » dans son CV, de menaces de « plagiat » et des répercussions de certains accrocs (en Sarre, notamment) dans la vie du parti !

Dès lors, l’attelage sortie des urnes pourrait être une coalition « CDU/CSU+Verts », une coalition « CDU/CSU+Verts+FDP » -solution qui correspondrait aux vœux d’une majorité d’électeurs- ou encore un assemblage « CDU/CSU+SPD+FDP », voire même une alliance « Verts+SPD+FDP » (auquel se rallieraient éventuellement 52% des Allemands) ! Les deux dernières formules paraissent néanmoins peu crédibles ! Mais… sait-on jamais : les sondages ne sont pas l’élection ! Et l’ombre portée de l’ancienne chancelière continue d’influencer : le retour en grâce de la « CDU/CSU », redevenue incontournable, en porte témoignage !

L’Allemagne « petit télégraphiste » de Washington ? – Dans une Union Européenne qui aurait tendance à se fracturer en trois groupes (le « Nord » avec les Scandinaves et… les Pays-Bas, l’Est avec les « anciens de l’URSS », Pologne et Hongrie et, troisième bloc « le Sud » avec l’Italie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal et… la France!), le sort des urnes contribuera à décanter la situation. L’Allemagne, qui a retrouvé -après l’humiliante ère Trump- ses yeux de Chimène pour Joe Biden et son atlantisme prosélyte, va-t-elle redevenir la partenaire privilégiée de la France pour redynamiser l’Union ?

Dans son souci de trouver un nouvel élément de relance de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron va-t-il privilégier la mise en lumière d’un nouveau partenaire : l’Italie, partenaire d’un futur « Traité du Quirinal » ? Ou l’Allemagne, soupçonnée de remplacer la Grande Bretagne dans un rôle de « petit télégraphiste » de Washington, va-t-elle redevenir un élément d’un moteur franco-allemand, prenant en compte la souveraineté européenne chère à Macron ? Faute de réponse claire, le président de la République, soucieux de relancer le socle européen de sa future candidature à un deuxième mandat, pourrait être tenté d’affadir le « Traité de l’Elysée » au profit d’une alliance franco-italienne sous la forme d’un… « Traité du Quirinal » ! Quelles révisions, quelle continuité incarneront les successeurs d’Angela Merkel dans la politique étrangère à venir ?

La fin de la « soziale Marktwirtschaft » ? – Une question du même ordre s’impose lorsque, partant du bilan laissé par la chancelière, il s’agira de définir une politique économique étrillée par la crise sanitaire ! Que restera-t-il de la « soziale Marktwirtschaft » (« économie sociale de marché ») qui, depuis…. Konrad Adenauer et Ludwig Ehrhard, son Ministre de l’économie, disciple de ce qu’on appelle « l’Ecole de Fribourg », inspire la politique économique de l’Allemagne ?

La campagne électorale a fait ressurgir les débats sur le rôle de l’Etat dans l’économie, sur le retour à la règle (constitutionnelle) de l’équilibre budgétaire, sur les mesures pour contenir les risques d’inflation, sur la politique migratoire générée par une situation démographique catastrophique. On savait que le vieillissement de la population posait problème, mais la croissance naturelle négative de la population (excès des décès sur les naissances) s’est combinée, en un an, avec un fort ralentissement de l’immigration.

Les migrants indispensables ! – La situation a, du coup, relancé les échanges autour de l’âge des départs à la retraite et de la confortation d’une « politique d’immigration ciblée ». Cette dernière -politiquement risquée dans le contexte électoral- prendrait en compte les besoins d’une économie, relancée par les exportations et la consommation des ménages, qui se plaint du manque d’effectifs.

Le dernier été au pouvoir d’Angela Merkel se fermera sur une série de questions dont la gestion interpellera fortement ses successeurs. Seront-ils à la hauteur d’un héritage qui marquera un tournant décisif pour la République Fédérale, mais aussi pour ses voisins ? Reste à espérer qu’une quatrième vague de Covid-19 ne viendra pas, en plus, compliquer une situation qui, alors, pourrait exiger une rupture franche avec ce qui fut ! Rendez-vous le…26 Septembre, ce jour où les électeurs allemands seront appelés aux urnes pour renouveler leur Bundestag et mettre un terme à la carrière politique d’Angela Merkel !

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