“Annette” de Leos Carax, un conte cruel en chantant

Plein écran : Eurojournalist(e) au Festival de Cannes – Esther Heboyan est sur place pour Eurojournalist(e) et présente les meilleurs films de l’année !

Scène du film "Annette", en compétition officielle à Cannes. Foto: CG Cinéma International

(Par Esther Heboyan) – La cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes a été suivie par Annette de Leos Carax avec Adam Driver et Marion Cotillard. E.M. Forster disait que pour entrer dans un récit de fiction, il fallait s’acquitter d’un billet, mais pour entrer dans un récit fantastique, il fallait s’acquitter d’un double billet. On dira que pour entrer dans l’univers de Leos Carax, il faut se laisser porter par… Leos Carax – lyrisme, rythme, théâtralité, énigme, constat amer sur l’être humain et les rapports humains. Le monde selon Carax, tout un programme qui se laisse regarder, vous surprend parfois.

Le film est présenté comme une comédie musicale sur une idée originale de The Sparks, un duo rock de Los Angeles formé par les frères Ron et Russell Mael qui ont signé la bande-son et qui apparaissent aussi dans le film. Le film est très ambitieux. Il donne dans la démesure, comme un projet qu’aurait conçu et pour lequel aurait bataillé Orson Welles. Pour défendre une histoire d’amour ou l’idée d’une histoire d’amour entre Henry, un comique stand-up d’un grand cynisme, et Ann, une cantatrice d’opéras tragiques.

Le récit démarre avec beaucoup d’entrain grâce à la musique et à un montage serré. Le parcours parallèle des protagonistes est efficacement mené. Mais l’histoire d’amour qui éclot, semble trop parfaite pour pouvoir durer. D’ailleurs, Carax n’a cesse d’intégrer allusions et éléments, tant visuels que sonores, qui créent le malaise. Et la naissance de leur fille Annette n’a rien à voir avec un conte musical. Annette, dit le synopsis, bouleverse la vie du couple. Après avoir visionné le film, on ne comprend pas très bien la logique de cette phrase. Mais s’agissant d’une comédie musicale à la Carax, et non pas à la Stanley Donen, le film œuvre à déjouer les attentes du spectateur.

Le métier d’Henry McHenry, personnage assez macabre qui évoque le rôle de Denis Lavant dans Holy Motors, est de faire rire les gens, au risque de heurter leur sensibilité. On pense tout de même à Singing in the Rain de Stanley Donen et à la séquence chantée par Donald O’Connor : Make ‘Em Laugh. Henry fait sienne cette devise. Car tout le monde veut rire, doit pouvoir rire. C’est l’une des vérités du film. Ann se met à rire aux plaisanteries d’Henry pendant l’accouchement.

Et, au gré des rebondissements, le show doit continuer, comme le disait Donald O’Connor à Gene Kelly. Outre l’histoire d’amour, qui semble être un prétexte, Annette est un opéra rock sur le monde du spectacle et la vie d’artiste. On dirait même qu’à l’instar de Jim Jarmusch dans Only Lovers Left Alive (autre hymne à l’amour et à la musique inséré dans un film de genre), Leos Carax, guidé sans doute par les frères Mael, règle ses comptes avec le showbiz, le public et les artistes eux-mêmes.

Dans ce conte cruel, Adam Driver y fait une très belle performance tandis que la présence de Marion Cotillard semble par moments un peu plus schématique.

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