Appel pour la mise en place d’un contrôle parlementaire

Eurojournalist(e) relaye l’appel de 14 ONGs qui invitent la France à revoir sa politique en matière d’exportation d’armes. Un appel qui est autant valable pour l’Allemagne, la Grande Bretagne, les Pays-Bas, l’Italie et les autres pays marchands de la mort.

Parler de paix et vendre des armes à des belligérants ? Foto: Tiraden / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Red) – Alors que la mission d’information parlementaire sur le contrôle des exportations d’armement va enfin rendre ses préconisations, il est urgent que le cri d’alarme lancé par de nombreuses ONG françaises, internationales et yéménites soit enfin entendu.

14 organisations non-gouvernementales (ONG) humanitaires et de défense des droits humains appellent à mettre fin à l’opacité française sur les ventes d’armes et à instaurer un véritable contrôle du Parlement, à l’occasion de la publication du rapport de la mission d’information sur le contrôle des exportations d’armement le 18 novembre 2020.

Les ONG signataires rappellent qu’il est indispensable que le Parlement puisse enfin remplir son devoir de contrôle sur l’action du gouvernement en termes de ventes d’armes à l’étranger. Ce contrôle est d’autant plus essentiel que la responsabilité des ventes françaises est pointée du doigt dans certaines violations graves du droit humanitaire, notamment au Yémen, où ces violations ont des conséquences dramatiques sur les populations civiles.

La mission d’information sur le contrôle des exportations d’armement, dont les deux co-rapporteurs sont les députés Michèle Tabarot et Jacques Maire, a été créée en décembre 2018 par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, en partie suite à la mobilisation de l’opinion publique et des ONG contre les ventes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis, d’armes françaises susceptibles d’être utilisées illégalement contre des civils au Yémen.

La publication du rapport de la mission d’information représente une occasion unique d’instaurer plus de transparence dans le commerce des armes pour les raisons suivantes :

La France, où le Parlement n’a pas la possibilité d’exercer un réel contrôle sur les ventes d’armes effectuées par le pouvoir exécutif, constitue une exception parmi les grandes démocraties occidentales, alors que des pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne ont mis en place un tel contrôle depuis longtemps (contrôle qui souvent, est contourné par des « montages »…). Les initiatives parlementaires précédentes préconisant un tel contrôle, sont toujours restées lettre morte. Le Parlement et l’exécutif ont enfin la possibilité de mettre fin à cette exception française et de permettre au Parlement d’exercer son devoir constitutionnel de contrôle de l’action de l’exécutif.

Le gouvernement français continue de livrer des armes dans plusieurs pays responsables de graves violations contre les populations civiles, tout particulièrement au Moyen-Orient. Selon le dernier Rapport du Ministère des Armées au Parlement sur les exportations d’armement de la France, l’Arabie Saoudite figure, pour l’année 2019, dans le top 3 des pays ayant reçu le plus d’armes françaises et les Emirats Arabes Unis enregistrent un record de prises de commandes d’armement français. Et ce, malgré leur responsabilité présumée dans des violations graves et répétées du droit international humanitaire au Yémen. Le drame qui se déroule actuellement au Yémen, est qualifié par l’ONU de l’une des pires crises humanitaires au monde : en raison du conflit, qui entre dans sa septième année, 80% de la population a aujourd’hui besoin d’aide humanitaire. C’est un drame évitable.

En continuant de fournir des armes à ces pays en dépit du risque qu’elles soient utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire, la France aggrave les risques pour les civils et viole ses obligations internationales telles qu’énoncées par le Traité sur le commerce des armes et par la Position Commune Européenne 2008/944/PESC. En avril 2019, un document confidentiel de la direction du renseignement militaire daté de septembre 2018 divulgué par le média d’investigation « Disclose », montrait ainsi la présence d’armes françaises aux mains de la coalition militaire dirigée par l’Arabie Saoudite dans le cadre du conflit au Yémen, confirmant de source officielle, le risque manifeste que des armes françaises soient utilisées de manière illégale contre des populations civiles. Le Groupe d’experts éminents sur le Yémen de l’ONU a également pointé du doigt la responsabilité de la France à plusieurs reprises. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a aussi adopté une résolution, co-sponsorisée par la France, le 7 octobre 2020, exhortant les Etats à « s’abstenir de transférer des armes aux parties au conflit lorsqu’ils évaluent un risque prépondérant que ces armes puissent être utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves des droits de l’homme ou du droit international humanitaire ».

Enfin, l’opinion publique souhaite aujourd’hui que cette situation change. En effet, 72% des Françaises et Français s’expriment en faveur d’un contrôle renforcé du Parlement en ce qui concerne les ventes d’armes et par ailleurs, 7 Français sur 10 souhaitent que la France suspende ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis pour leur rôle dans la guerre au Yémen, selon un sondage YouGov commandé par SumOfUs en 2019.

Le débat autour de la sortie du rapport de la mission d’information doit permettre la mise en place de véritables mécanismes de contrôle par le Parlement ainsi que d’une transparence accrue vis-à-vis de la société civile et de l’opinion publique. La France doit enfin rendre des comptes sur ses exportations d’armements.

Signataires :

Salam For Yemen
Amnesty International
Action contre la Faim
Médecins du Monde
Oxfam
Human Right Watch
Actions des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT France)

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste