Apprendre de la participation électorale record aux Pays-Bas

Hélène Degryse, Conseillère des Français des Pays-Bas, Membre de l’Assemblée des Français de l’Etranger, sur les enseignements des récentes élections aux Pays-Bas.

Un taux de participation de 82% - Hélène Degryse explique comment les Néerlandais y arrivent ! Foto: Massimo Catarinella / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Hélène Degryse) – Les élections législatives intervenues aux Pays-Bas le 17 mars dernier ont vu la victoire des partis libéraux : le VVD du Premier ministre Mark Rutte et D66, un parti de centre-gauche. Ces deux partis formeront très vraisemblablement la colonne vertébrale de la future coalition gouvernementale, que dirigera à nouveau Mark Rutte, aux responsabilités à La Haye depuis 2010. Le succès de Mark Rutte n’est pas une surprise. Il s’est installé avec son parti au centre de la vie politique néerlandaise et des coalitions possibles. La réelle surprise de ce scrutin aura été la participation. En pleine pandémie, alors que chacun veille à se protéger, ce ne sont en effet pas moins de 82% des électeurs néerlandais qui ont pris le chemin des bureaux de vote. Personne n’attendait une telle participation. C’est une satisfaction pour tous les observateurs et acteurs de la vie politique néerlandaise. Elle montre que la démocratie et le sens civique des électeurs néerlandais l’ont emporté sur les peurs.

Dans un pays comme la France, sujet l’an passé à une abstention massive lors des élections municipales et tenté de repousser les élections régionales et départementales de juin prochain, le précédent néerlandais ne peut qu’interpeller. Comment une telle participation a-t-elle pu être atteinte ? Il y avait certes l’enjeu du rendez-vous électoral, décisif pour les quatre prochaines années de vie gouvernementale aux Pays-Bas, mais il y a eu aussi l’extrême pragmatisme avec lequel les autorités néerlandaises et l’ensemble des partis politiques ont su organiser ce scrutin. Là où, en France, toute inventivité en la matière est immédiatement sujette à polémique et accusation obligée de tripatouillage, un consensus a su se dégager pour définir des règles qui permettent au plus grand nombre d’électeurs de voter. De cet exemple, il faut vouloir apprendre car le premier objectif d’une élection est de réunir la plus large participation possible.

Aux Pays-Bas, les élections ont lieu en semaine, généralement le mercredi. Voter relève de la vraie vie, d’une journée comme une autre. Il n’existe pas de liste électorale comme on l’entend en France. Ce sont les registres de la population qui servent de base pour déterminer qui est électeur et ces registres, qui intègrent les déménagements, sont très à jour. Avec la convocation reçue par les électeurs à deux semaines du scrutin figurent toutes les informations sur les modalités de vote, notamment celles relatives aux procurations – sur la procuration même – et à la possibilité de voter hors de la commune de résidence. A la différence de la France, il n’y a pas de bureau de vote assigné. C’est dans l’un des bureaux de vote ouverts dans la commune qu’il est permis de voter. Ces bureaux sont nombreux et parfois organisés dans des lieux originaux comme des gares, des parkings, des salles de concert, des monuments classés ou des églises. Ainsi, personne n’est jamais loin d’un lieu de vote.

Voter par anticipation, donner confiance – En raison du contexte sanitaire, des modalités supplémentaires avaient été prévues pour ces élections législatives. Le vote anticipé a été introduit les lundi et mardi précédant la date du rendez-vous électoral. Destiné initialement en priorité aux publics à risque, en particulier les personnes âgées, il a vu en pratique une grande quantité d’électeurs en faire usage. Cela a permis de fluidifier considérablement les allées et venues dans les bureaux de vote. Le vote par correspondance avait également été prévu pour les personnes âgées de plus de 70 ans. Le couvre-feu en vigueur avait par ailleurs été adapté pour permettre à chacun de voter aux heures de son choix et éventuellement de prendre part aux opérations de dépouillement. Cette organisation souple et pragmatique a su donner confiance et la participation électorale en a été la juste traduction. Elle a démenti par la preuve l’idée que voter en temps de pandémie était déraisonnable.

Comment ne pas vouloir en prendre exemple ? Non seulement pour l’organisation, mais aussi pour une campagne électorale qui a su s’adapter. Les partis politiques ont investi les réseaux sociaux et les nouveaux outils de communication, délaissant les grands meetings et le porte à porte. Les débats télévisés ont marqué la campagne. L’information sur les programmes a circulé et les électeurs ont fait leur choix en conscience. Il faut en France de se donner la chance d’un tel pragmatisme dans l’organisation des scrutins, parce que la période difficile que nous traversons le veut et parce que le monde qui change l’exige aussi. Le droit électoral ne peut être un totem. Il serait heureux qu’un consensus entre forces politiques françaises naisse sur le besoin d’apprendre des succès de nos partenaires et qu’une mission soit constituée à cette fin. Tout doit pouvoir être envisagé, imaginé pour assurer le succès d’élections disputées, libres et sûres. Notre démocratie en a besoin.

1 Kommentar zu Apprendre de la participation électorale record aux Pays-Bas

  1. En 2017, les elections federales allemandes attiraient 76,15% des votants, un poil plus que le second tour de l’election presidentielle francaise qui totalisait 74,56% seulement, soit un taux d’abstention record pour ce pays. Deux ans plus tot en Suisse, les elections federales enregistraient une participation de 48,41%. L’abstention serait-elle le plus grand parti de Suisse? Entretien avec Pascal Sciarini, professeur en politique suisse. Le Journal: Differents facteurs influent sur la participation electorale. Quels sont-ils?

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste