Après Bruxelles, «Rule Britannia» face à «l’ode à la joie» du continent européen !

Alain Howiller analyse la situation après le sommet européen et en amont du référendum sur le «Brexit» en Grande Bretagne le 23 Juin prochain.

Le nationalisme britannique est aussi néfaste pour l'Europe que celui des hongrois, des polonais, des slovaques, des tchèques... Foto: Spenderine / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – A Bruxelles, au soir de ces deux jours de négociations sur la sortie éventuelle de la Grande Bretagne de l’Union Européenne, j’avais l’impression d’assister aux débats qui traditionnellement ont lieu, à la télévision, les soirs d’élections. Devant les médias, tous les protagonistes de ces négociations étaient, pour ainsi dire, unanimes : il n’y a pas eu de perdants à l’issue de ces deux journées bruxelloises, tout le monde a gagné ! Bien sûr, ils ont eu des doutes, ceux qui, dans la foulée, ont entendu David Cameron clamer depuis Londres : «Je déteste Bruxelles, j’aime par-dessus tout mon pays, dont je suis chargé de défendre les intérêts !…»

Pour un peu, il entonnait le «God Save The Queen» voire ce chant patriotique qu’on entend encore sur les terrains de football -surtout… écossais : «Rule Britannia» (qu’on pourrait transposer «Debout Bretagne» !) dont le refrain, en termes historiquement connotés, car extraits d’un poème de 1740, affirme : «Debout Bretagne ! Bretagne debout : affronte et dompte les vagues, jamais, jamais, jamais les britanniques ne seront esclaves !»). Pour l’heure, David Cameron a réussi à obtenir de ses partenaires que la Grande Bretagne ne soit plus concernée par ce rappel des Traités qui stipule que l’objectif de l’Union Européenne est d’être de plus en plus étroite.

Ce que Cameron a obtenu. – Il a également obtenu que les allocations et autres prestations sociales versées aux ressortissants de l’Union présents sur le sol britannique puissent être supprimées ou réduites pendant un certain nombre d’années (entre 4 et 7 ans selon), qu’un projet de législation européenne contestée par 16 des 28 parlements nationaux revienne en débat au Conseil de l’Union. Ce dernier débattra de manière approfondie des décisions prises dans le cadre de la mise en œuvre de l’union monétaire qui irait contre les intérêts d’un pays qui n’aurait pas la monnaie unique. Une mesure concerne aussi la simplification de la bureaucratie européenne.

Ces mesures seront soumises à référendum le 23 Juin : les britanniques les approuveront, pour rester dans l’Union ou les rejetteront auquel cas les «assouplissements» concoctés à Bruxelles tomberont pour couper l’herbe sous les pieds des «eurosceptiques britanniques», qui se font fort d’obtenir plus de Bruxelles si le «non» devait l’emporter ouvrant ainsi -pensent-ils- la voie à de nouvelles négociations !

David Cameron s’est engagé à se battre pour que le «oui» l’emporte ! Singulière situation que celle de ce Premier Ministre qui, après avoir lancé l’idée de ce referendum pour des motifs de politique intérieure (conforter son rôle au sein du parti conservateur et du même coup consolider le rôle du leader du parti), est allé proposer à ses partenaires de se battre pour le «oui» à condition qu’il obtienne une place particulière pour la Grande Bretagne qui pourrait, ainsi, rester membre de l’Union Européenne !

Un souvenir de referendum français ! – Rares ont été les observateurs à se souvenir d’une sorte de précédent français : ce sont essentiellement des motifs de politique intérieure qui ont poussé le Parti Socialiste (avec Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve en tête !) à torpiller le referendum de mai 2005 sur la Constitution Européenne : il s’agissait d’éviter de Jacques Chirac puisse avancer un succès référendaire pour soutenir une candidature à un… troisième mandat présidentiel. La manœuvre britannique est d’autant plus singulière que la Grande Bretagne, après avoir tenté de créer un concurrent à la Communauté Européenne en lançant l’Association Européenne de Libre-Echange, avait déjà obtenu précédemment que ses versements à la caisse commune soient allégés, que le pays ne fasse partie ni de l’espace Schengen ni de la zone euro !

Et le Premier Ministre britannique d’enfoncer le clou en déclarant après les négociations : «La Grande Bretagne ne fera jamais partie d’un super-état de l’Union Européenne, le pays n’adoptera jamais l’euro !…» Ce qui n’empêchera pas François Hollande d’affirmer, péremptoire : «Il ne faut pas donner le sentiment que l’Europe est un self-service où l’on vient prendre ce que l’on veut». C’est pourtant bien ce sentiment qu’on peut avoir en constatant le résultat des négociations Grande Bretagne / Union Européenne ! Qu’est ce qui peut empêcher d’autres états (la Pologne, la Hongrie, d’autres) de revendiquer un statut comparable à celui obtenu par la Grande Bretagne, tout en exigeant de continuer à percevoir les… versements que leur apporte chaque année l’Union ?

Et si la Pologne et la Hongrie suivaient ? – Que ferait l’Union face à une telle demande : assumerait-elle une aberration de ce type ? Après tout, de compromis en compromis, de petites lâchetés en petites lâchetés, l’Union Européenne a bien accepté de porter à la tête du Conseil Européen un candidat polonais venu d’un pays qui refusait l’euro qui et qui, aujourd’hui, se trouve en porte-à-faux par rapport aux «nationalistes» qui dirigent la Pologne. Après tout, l’Union – et son «Parti Populaire Européen» (conservateurs)- s’accommodent bien, malgré le préambule du Traité de Lisbonne sur les valeurs communes, d’un gouvernement hongrois autoritaire qui flirte avec les thèses d’extrême-droite ! Et qu’acceptera d’avaler l’Union, pour que la Turquie et ses dérives extrémistes, exigera en contrepartie de l’aide qu’elle est susceptible d’apporter pour peser sur le sort des réfugiés syriens, libyens ou irakiens ?

Reste à prendre en compte, sur le principe de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, que le statut britannique pourrait ouvrir la voie à une redistribution entre ceux qui sont membres de la zone euro, noyau d’intégration et ceux qui auraient un lien plus lâche avec celle-ci. Les réticences des uns ne freineraient plus les envies d’avancées des autres. Et, à cet égard, le refus de donner à la Grande Bretagne, le droit de veto sur la zone euro qu’elle réclamait, peut avoir une portée historique !

C’est Beethoven qui gagnera ! – Pour peu que le moteur franco-allemand qui tousse beaucoup en ce moment, retrouve cette santé qui, hier encore, faisait avancer l’Europe ! L’ode à la joie, hymne européen d’aujourd’hui, retrouverait ses accords, face au «Rule Britannia» venu du passé !

Reste aussi à prendre en compte l’hypothèse -pas du tout invraisemblable!- que le «non» l’emporte au referendum britannique : l’hymne à la joie l’aura emportée !

Mais…. dans tous les cas de figure, il y aura (curieusement) un… vainqueur légendaire : Ludwig van Beethoven à qui on doit «l’ode à la joie» et qui orchestra «Rule Britannia» dans un opus de 1813 («la Victoire de Wellington» encore appelée «La bataille de Vitoria») !

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