Après la crise sanitaire : et si on faisait appel aux associations ?

Alain Howiller sur le rôle des associations. Et sur l'entrée d'une Alsacienne au gouvernement...

Avec 1,8 millions d'emplois, les associations font partie des phares de l'économie... Foto: Sarah Krichen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Dans cette période d’après Covid-19 où les pouvoirs publics s’apprêtent à faire face à « une rentrée économique et sociale dure », on peut espérer que le nouveau gouvernement mis en place par Emmanuel Macron qui s’engage à s’ouvrir de « nouveaux chemins », tirera les leçons d’une première moitié de quinquennat perturbé par d’importants mouvements sociaux et englué dans une crise sanitaire d’une rare intensité. Ensuqué par une bureaucratie pesante, l’Etat a découvert, avec effarement, combien ses services, centralisés et en manque de coordination, peinaient à être rapidement efficaces pour combattre la pandémie. Pour le Président de la République, ce constat n’aurait pas dû être une surprise : ne s’était-il pas plaint à de nombreuses reprises, avant même d’être élu à la magistrature suprême, de la lenteur de la mise en œuvre des décisions prises ? Décidées par un pouvoir politique et une majorité, les décisions butaient trop souvent contre des administrations qui suivaient leurs propres règles non  écrites pour la plupart !

Dans un rapport, « l’Association des Administrateurs Territoriaux de France – AATF » a tenu à faire part de son « vécu » de la période dominée par le coronavirus. L’association a insisté sur le manque de coordination entre services de l’Etat, sur la lenteur des transmissions entre la capitale et les instances dites « décentralisées », entre les administrations et les collectivités territoriales.

Un Etat désarticulé et englué ? – La gestion de la pandémie a souffert d’une situation dont Fabien Tastel, président de l’AATF a décrit la (sa ?) réalité : « On a observé, pendant la crise, un Etat effacé, désarticulé et englué », écrit-il dans son rapport ; « du coup, de nombreuses collectivités (régions, départements, communes) ont pris des initiatives (sur les plans sanitaire ou économique) allant souvent bien au delà des compétences que la loi leur reconnaissait. Elles ont notamment coordonné les initiatives locales venues d’acteurs – souvent bénévoles – relevant de ce qu’on appelle « l’Economie Sociale et Solidaire – (ESS) » regroupant coopératives, mutuelles, fondations et associations. Ces dernières ont souvent joué un rôle décisif dans la lutte anti-Covid-19, pour maintenir ou créer des emplois. On a finalement rarement évoqué cet aspect de l’action des associations, tant les rapports entre services de l’Etat et collectivités territoriales ont occupé le devant de la scène où se jouaient les drames de la crise sanitaire.

Dans ses hommages répétés aux acteurs de la « reconstruction sociale, écologique et solidaire » du monde de l’après Covid-19, on a certes timidement cité les associations, mais sans pour autant marquer une reconnaissance particulière au monde associatif devenu, ces dernières années, un secteur économique à part entière, un acteur efficace de l’ESS qu’on aurait tort de confiner dans le domaine du sport, de la sauvegarde du patrimoine sous toutes ses formes ou de l’animation socio-culturelle locale.

1.830.000 salariés ! – Certes, sur 364.000 associations recensées en France, prés de 250.000 relèvent du secteur sportif, mais il ne faut pas oublier que, selon les statistiques existantes, un lit d’hôpital sur dix et la moitié des crèches sont gérés par le secteur associatif, il en est ainsi aussi pour un cinquième des enfants accueillis à l’école, au collège, au lycée, sans compter les interventions dans les « classes nature », dans les activités péri-scolaires, dans les centres de vacances, dans la formation professionnelle, la réinsertion des chômeurs, dans l’animation socio-culturelle (théâtres, musées, salles de spectacle et de concert, cinémas, bibliothèques, médiathèques, Maisons des Jeunes et de la Culture MJC)… 44.000 (!) de ces associations d’ESS ont créé des emplois rémunérés associés à l’action et au soutien de bénévoles. Les associations représentent plus de… 1.830.000 salariés dont l’impact est soutenu par l’action de nombreux bénévoles : 37% des Français (un chiffre néanmoins en léger repli) leur consacrent gratuitement du temps. Des données encourageantes dans le contexte actuel de menaces sur l’emploi, en espérant que la crise sanitaire ne compromettra pas une évolution positive dans le secteur.

C’est l’espoir qu’on peut avoir en consultant l’analyse que l’INSEE vient de consacrer (1) à l’état du monde associatif dans le Grand Est sous le titre : « Les associations du Grand Est : 153.000 salariés, un rôle principal dans l’action sociale. » Les associations du Grand Est représentent 8,3% des emplois équivalents temps plein dans la région, souligne l’étude qui précise : « Ici, plus qu’ailleurs, elles dominent le secteur de l’action sociale en s’appuyant notamment sur les dispositions du droit local alsacien-mosellan(2). Elles salarient davantage de femmes, de seniors, d’employés et de professions intermédiaires que le reste de l’économie. Dans les métiers du sport et de l’animation, les jeunes sont nombreux. « Toutefois », tient à souligner l’INSEE, « les salaires sont relativement modestes dans les associations et les conditions d’emploi précaires. L’emploi progresse dans ces structures, mais assez peu au regard de la croissance des activités d’action sociale dans l’ensemble de l’économie. »

L’Alsace-Moselle et le droit local. – Les associations « employeuses » (qui se développent davantage en Alsace et en Moselle que dans le reste de la région), représentent 16% des effectifs du monde associatif régional et 90% des 7,9 milliards d’euros de ressources financières que mobilisent l’ensemble des associations. Selon les dernières statistiques disponibles, les associations présentent dans le Grand Est représentent, en 13.000 établissements, 129.000 emplois équivalents temps plein, dont 72.000 dans l’action sociale. L’ensemble des emplois représente 8,3% des emplois dans la région par rapport à la moyenne de 7,7% sur le plan national et 8,5% en Ile de France.

« Le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle (note de la rédaction : qui relèvent donc du droit local alsacien-mosellan) forment, avec la Meuse, les départements du Grand Est où l’ancrage régional des associations est le plus fort », souligne l’INSEE qui ne manque pas de relever que le nombre de créations d’associations dans le Grand Est tourne autour de 2.000 unités par an, nombre qui évolue en fonction des ressource susceptibles d’être perçues : un sondage récent n’a-t-il pas relevé que, sur un plan national (même si la préoccupation devrait être moins forte en Alsace-Moselle à cause du droit local), 56% des associations réclament des moyens financiers ?

A nouveau une Ministre alsacienne – La récente signature d’une convention entre Josiane Chevalier, la Préfète du Grand Est, et huit fondations régionales créant un « collectif de travail » destiné à coordonner le travail entre les services de l’Etat et huit acteurs du monde de l’ESS, marque une évolution dans l’action au profit d’une meilleure efficacité au service des citoyens. Les signaux envoyés par le chef de l’Etat soucieux de se rapprocher des collectivités territoriales, la nomination d’un Premier ministre – qui a servi en Alsace quatre années durant en tant que Président de la Cour Régionale des Comptes – soucieux de s’ouvrir aux territoires peuvent être considérés, sans illusions excessives, comme la leçon de la crise sanitaire. Et cette leçon a été comprise.

Pour l’Alsace, qui attend la mise en place de sa « Collectivité d’Alsace – C.E.A. », la revitalisation (la résurrection ?) de la « Commission du Droit local d’Alsace-Moselle », qui suit et propose les adaptations nécessaires du droit local, serait un autre indice d’ouverture alors que le mandat de ses membres, nommés en 2014 pour cinq ans, est arrivé à échéance depuis plus d’un an ! Ce serait un moyen de souligner le rôle des associations dont le fondement s’enracine dans un droit qui symbolise, au delà de sa résonance historique, ces « trois D » (Décentralisation, Différenciation et Déconcentration) que le gouvernement dans un projet de loi actuellement enlisé dans les coulisses du pouvoir (!), a voulu placer au fronton de ses ambitions pour les territoires.

L’entrée au gouvernement de Brigitte Klinkert, Présidente du Conseil Départemental du Haut-Rhin, et engagée dans la mise en place de la C.E.A., peut-elle être considérée comme un signal envoyé à ceux qui réclament plus de considération pour les territoires ? Alors que certains évoquaient la possibilité pour Jean Rottner, Président de la Région du Grand Est, très réservé (c’est le moins qu’on puisse dire) vis-à-vis de la C.E.A., d’entrer au gouvernement, le Président de la République a tranché en faveur de Brigitte Klinkert. Cette nomination est un encouragement pour la C.E.A. : elle ouvre aussi la voie à Frédéric Bierry, Président du Conseil Départemental du Bas-Rhin, pour le poste de Président de la future collectivité qui fusionnera, à partir du 1er janvier, les deux conseils départementaux alsaciens.

(1) INSEE Analyses Grand Est N°110 : « Les associations du Grand Est : 153.000 salariés, un rôle principal dans l’action sociale. »

(2) Le droit local d’Alsace-Moselle : comme le rappelle fort opportunément l’INSEE dans sa note : « Les associations ayant leur siège en Alsace et en Moselle n’ont pas une organisation régie par la loi du Ier. Juillet 1901, mais par les articles 21 à 79 du code civil local, hérité du Code Civil allemand entré en vigueur en 1900…. » Une association de droit local peut être à but lucratif, distribuer des bénéfices, acquérir des biens immobiliers ou mobiliers sans rapport avec leur objet, elles peuvent recevoir des donations, des legs…

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