Après l’élection en Allemagne…

… le calme est loin de s'installer dans le paysage politique. Une seule coalition s'impose, mais celle-ci est beaucoup plus compliquée à mettre en œuvre que prévu.

Le probable nouveau chancelier Friedrich Merz part avec une hypothèque - presque plus de deux tiers des Allemand ne l'apprécient pas. Foto: RobbielandMorrison / Wikimedia Commons / CC-BY 4.0int

(KL) – Tandis que les vainqueurs de l’élection législative anticipée exultent, pendant que les perdants lèchent leurs plaies, les Allemands commencent à se rendre compte que la situation politique au pays ressemble de plus en plus à celle en France. La seule coalition pensable, CDU-SPD, sera très difficile à mettre en œuvre et en l’absence d’une majorité claire, l’extrême-droite gagne de plus en plus de poids. Ce n’est pas demain la veille que l’on verra la CDU et le SPD conclure un programme gouvernemental pour les 4 ans à venir et pourtant, les deux partis n’auront pas d’autres options.

La CDU et le SPD disposent ensemble de 328 sièges sur 630 du prochain Bundestag, donc une majorité de 12 sièges. Mathématiquement, la seule alternative serait CDU-AfD, mais aucun parti présent au parlement allemand, y compris la CDU, ne souhaite coopérer avec l’extrême-droite. Donc, la coalition CDU-SPD n’a d’autre choix que de se former et cela risque de coûter cher au prochain chancelier Friedrich Merz. Malgré sa cuisante défaite (-9,2%), le SPD voudra co-diriger l’Allemagne, non pas comme « partenaire junior », mais à la même hauteur des yeux. Si le chancelier échoué Olaf Scholz a déclaré son retrait de la politique, le parti ne semble toujours pas avoir compris ce qui lui arrive.

Un vrai problème est le manque d’expérience et de personnalité de l’ancien directeur de la succursale allemande du fonds d’investissement américain Blackrock, Friedrich Merz. Le probable prochain chancelier n’a jamais occupé un poste politique à responsabilité et ses talents diplomatiques sont, comme on a vu pendant la courte campagne, plutôt limités. Pourtant, il lui faudra beaucoup de diplomatie pour convaincre le SPD d’entrer dans cette coalition qui, du temps d’Angela Merkel, s’était très mal passé pour les socio-démocrates. Et il faudra que la CDU cède bon nombre de portefeuilles régaliens au SPD qui, malgré son désaveu électoral, pourra quand même co-diriger le pays.

Les annonces de Friedrich Merz avant l’élection ne faciliteront pas la mise en œuvre de cette coalition. Sur de nombreux points, la CDU et le SPD ne défendent pas du tout la même position et la CDU ne pourra pas simplement imposer sa vision des choses. Ainsi, la CDU veut réinstaurer des contrôles à toutes les frontières allemandes de manière durable, ce qui constitue factuellement la sortie allemande de l’Espace Schengen, projet nullement partagé par le SPD. La CDU veut revenir sur la légalisation du cannabis en Allemagne, le SPD, initiateur de cette légalisation, veut la maintenir. La CDU est prête à livrer toutes les armes souhaitées à l’Ukraine, le SPD hésite toujours. Friedrich Merz est un grand admirateur de Donald Trump, le SPD n’est pas prêt à suivre le président américain dans ses lubies. La liste des divergences entre la CDU et le SPD pourrait être prolongée et dans cette configuration, une majorité de 12 sièges n’est pas vraiment solide. Sur certaines questions, on voit mal l’aile droite de la CDU voter des textes avec l’aile gauche du SPD. Pourtant, si la prochaine coalition ne « livre » pas, ce serait le début de la prise du pouvoir de l’extrême-droite.

Comme d’habitude, les partis n’arrivent pas à effectuer une vraie introspection, ce sont toujours les circonstances, les autres et les électeurs qui sont désignés comme responsables de défaites cuisantes des trois partis qui étaient au pouvoir à Berlin et qui ont perdu dimanche, 20,5% des électeurs.

Ceux qui souhaitaient que cette élection apporte un peu de stabilité au paysage politique allemand, seront déçus. Il y a fort à craindre que le prochain gouvernement soit encore plus faible que le précédent et l’Allemagne continue ainsi sa voie sur les traces de la France, ce qui signifie aussi que l’Allemagne et la France ne pourront pas récupérer leur statut du « moteur européen ». De mauvaises nouvelles pour l’Allemagne et aussi l’Europe.

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