Arménie : Ilham et le nouveau Sultan

Erdogan est passé à l’attaque partout dans l’ancien Empire ottoman

La ville d'Agdam, vide et fantôme depuis les combats de 1994 Foto: TerryOGM/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) -  ” C’est lui qu’a commencé ” : ce refrain infantile, on le connaît en géopolitique depuis très longtemps. Il faut que ce soit l‘autre qui ait commencé : prestige de la victime dont s’est déjà servi, par exemple, l’Allemagne nazie contre la Pologne, en 1939. Aujourd’hui, c’est l’ Azerbaidjan, soutenu, tenu et poussé au postérieur par le Turc Erdoğan, qui avance cet argument roboratif dans les relations internationales. Mais c’est l’Azerbaidjan qu’a commencé. En dessous de guerres meurtrières et des agressions de ces derniers jours, la lutte d’influence de plus en plus militaire entre Ankara, Moscou et Pékin.

Les combats ont repris la semaine dernière, à partir du 12 juillet. Ils ont fait à peu près 20 morts de part et d’autre. Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a déclaré que ” les provocations de l’Azerbaidjan ne resteront pas sans réplique “. Ilham Aliev, le dictateur empétrolé qui dirige l’Azerbaidjan, a rejeté toute la responsabilité des combats sur son voisin.

Un conflit non résolu depuis 1994 et la fin de l’Union soviétique. La dernière fois, en avril 2016, la « Guerre des Quatre Jours » avait fait au moins 200 morts : l’Azerbaidjan avait projeté de prendre le Nagorny Karabakh, ou au moins une partie de ce territoire très disputé entre les deux pays.Il a malheureusement réussi à s’emparer d’un millier d’hectares de ce bastion, depuis le 3ème siècle, de la résistance arménienne. Contre les velléités de conquête de son territoire. A l’époque, certes, l’ennemi impérialiste, c’était la Perse ; aujourd’hui, le successeur de cette dernière se range (certes très mollement) aux côtés de l’Arménie pour contrer, en compagnie de sa sœur ennemie la Russie, les coups de boutoir de la Turquie. Ces coups de boutoir qui vont se multiplier ces prochaines années par Azerbaidjan interposé.

Mais pourquoi ce conflit ? Ses origines remontent sans aucun doute à 1868, lorsque l’empire russe a confié l’administration de la région au gouvernement sis à Elisavetpol : ainsi, le Nagorny Karabakh (11 500 km2, un peu plus que l’Alsace) a été englobé dans une vaste territoire comprenant une partie de l’Azerbaidjan et une partie de l’Arménie… Mauvaise idée : deux cultures qui se sentent différentes et antagoniques ; l’une chrétienne, l’autre musulmane, l’une parlant une langue indo-européenne très singulière, l’autre une sorte de dialecte turc…

Staline, lui aussi, a tranché dans le vif, pour d’assez obscures raisons géostratégiques : l’Homme de Fer a remis le Haut Karabakh entre les mains des dirigeants de la République azérie. Mais aux temps de la dégringolade de l’Union soviétique, le contentieux a rejailli comme une éruption volcanique, de manière analogue à ce qui se passait à la même époque en ex-Yougoslavie. Entre 1991 et 1994, les Arméniens du Nagorny Karabakh ont voulu réintégrer leurs pénates, qui se trouvaient du côté d’Erevan e non de Bakou. Bilan : plus de 30 000 morts ! On l’oublie trop souvent. Et pour régler ce problème sanglant, les instances internationales ont fait proclamer la République du Haut-Karabakh, une sorte de gouvernement autonome protégé (militairement, notamment) par la République d’Arménie.

Problème non réglé, on s’en doute : l’Azerbaidjan n’a jamais renoncé au Karabakh. Et que la Turquie en profite pour avancer ses pions le plus loin possible, en partie contre l’autre « grande » puissance de la région, la Russie – qui elle, n’a guère d’intérêt à ce que la situation s’envenime réellement, ce qu’elle a fait savoir depuis la base arménienne de Gyumri, ancienne concession de l’Arménie pour son indépendance.Mais la Turquie jette de l’huile sur le feu, déclarant que le comportement de l’Arménie ” est inacceptable ” !

Les richesse pétrolières de Bakou et l’agressivité impérialiste d’Ankara se complètent malheureusement à merveille, et la situation est positivement inquiétante. Les dirigeants arméniens affirment que les troupes azerbaidjanaises ont pilonné deux villages (Aygepar et Movses) au mortier, et ont utilisé des chars contre des civils.

Sans doute la donnée essentielle derrière ce conflit est-elle la fuite en avant du dictateur Erdoğan, qui attaque sur tous les fronts. Militairement sur ses frontières immédiates, diplomatiquement et économiquement dans les Balkans, auprès de ses alliés de l’OTAN et jusqu’en Algérie, où on semble désormais le préférer aux méchants Français et aux Chinois rapaces (https://www.africaintelligence.fr). Chaque nuit, Erdoğan rêve peut-être d’un trône stambouliote où l’auraient placé des janissaires albanais et des financiers arméniens…

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