Attention : le Phoenix « Totalitarisme » renaît

Il semblerait que l’Europe et l’Occident se réveillent depuis tout récemment de l’une de leurs grandes illusions : celle d’une coopération pragmatique avec la Chine et la Russie, grâce à un supposé et illusoire recul de l’idéologie totalitaire qui inspirait ces deux immenses pays et leurs régimes. Erreur dramatique ; mais il faut raison garder.

Des lendemains qui s'annoncent passionnants ...

(MC) – A Pékin, le 19e Congrès national du Peuple d’octobre 2017, dernier en date, a montré clairement qu’il n’en était rien, et qu‘au contraire, le totalitarisme renaissait de ses cendres encore rougeoyantes. Ce Congrès a consacré le Président de la République Populaire, secrétaire général et président de la Commission militaire centrale, Xi Jin Ping, alias Tonton Xi, en lui permettant de gouverner à vie sans aucune limite temporelle. Il a aussi consacré la « Pensée Xi Jin Ping »  en lui reconnaissant le statut de fil directeur de l’idéologie du Parti. Un retour à une centralisation du Parti inédite depuis les jours de Mao Zhe Dong.

Il ne s‘agit nullement d’un retour à Mao, bien évidemment. L’idéologie Xi Jin Ping est un mixte en quelque sorte pragmatiquement bricolé à partir de reliefs (certes puissants) du communisme stalinien et du capitalisme débridé que la Chine a développé depuis les années 1990. Le look même du Premier secrétaire rappelle davantage celui d’un grand patron américain que celui d’un Grand Timonier à casquette – avec cependant les mêmes intonations de Devin plombier, du moins de Pontife instituteur, qu’on entendait lors des discours de Mao…

Et pourtant, de sérieux éléments de totalitarisme frappent l’esprit. L’intention de saisir tous les éléments de la vie quotidienne des gens et de leur pensée dans une emprise idéologique complète – ce par quoi on peut définir brièvement le totalitarisme – est de plus en plus manifeste. A cet égard, les années 1990 représentent sans doute une pause, due à une faiblesse passagère, et nullement le crépuscule de l’idéologie.

La Russie présente un tableau non moins inquiétant. Le recul du communisme y est plus radical qu’en Chine, mais non celui de l’appareil d’État. La grande différence réside sans doute dans l’incertitude de l’idéologie à naître, qui est en un premier temps (le début des années 2000) comme hésitante, comme cherchant à tâtons ses repères et les limites à franchir – pour, en une seconde phase, celle dont nous voyons actuellement la réalisation, avancer à grands pas dans la direction redoutée et prévisible d’un totalitarisme rafraîchi.

Cynisme, nationalisme extrême, voire racisme ; dans le cas de la Chine, des « superstructures idéologiques » ( nous empruntons cette expression à Marx …) qui se définissent comme socialistes ; dans les cas de la Russie poutinienne, une armature chrétienne-orthodoxe de plus en plus présente et de plus en plus contraignante, par l’effet de la puissante Eglise orthodoxe russe – au point que nombre d’observateurs sont frappés par des ressemblances entre cette Russie-là, celle à venir, avec l’Iran des Ayatollah, celle des années 1980.

L‘Europe est concernée au premier chef par cette évolution. Encore faut-il qu’elle détermine clairement quelques lignes directrices de son attitude face à ces risques rapprochés. L’Europe se sent agressée. Il est vrai que Xi Jin Ping, lors du dernier Congrès, a appelé de ses vœux une « sanglante bataille » en vue de « faire regagner à la Chine sa véritable place » ; et que Poutine, lui, multiplie les provocations – l’affaire Skripal ne peut en effet être raisonnablement analysée autrement que comme une provocation – et les insultes contre l‘« Europe décadente ».

La pire des réactions possibles de l’Europe, et plus largement, de l’Occident, ce sont le bellicisme et les rodomontades contre Poutine. Aux Etats-Unis, la tendance isolationniste et super égoïste (« America First » !), la nomination d’un va-t-en-guerre de la droite extrême, du « faucon » John Bolton, au poste de conseiller à la Sécurité nationale le 23 mars, n’est pas faite non plus pour rassurer le monde. Mais l’Europe ne doit surtout pas perdre pied et suivre ce fâcheux exemple. La diplomatie européenne, au contraire, doit prendre davantage conscience de son rôle spécifique et irremplaçable dans le monde ; elle doit se renforcer et ne jamais renoncer à elle-même. A bon entendeur.

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