Au milieu coule un « río »…

La séparation en deux, d’un ancien village de la Péninsule Ibérique, par une rivière faisant office de frontière, ne déstabilise pas ses habitants.

Avec une rive espagnole et l’autre portugaise, le Río Fontano ou Río Onor, sépare un ancien village en Rihonor de Castilla et Rio de Onor. Foto: Pedro de Maia / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – La Péninsule Ibérique possède la plus ancienne frontière terrestre d’Europe séparant deux pays. Créée en 1139 et faisant l’objet de 7 traités jusqu’en 1926, La Raya (Espagne) – A Raia (Portugal) sépare l’Espagne du Portugal, sur une longueur d’un peu plus de 1.200 km. Hormis l’intérêt qu’elle suscite chez les passionnés d’histoire, cette limite qui n’a quasiment plus changé depuis le Traité des Alcañices (1297), s’avère aussi intéressante d’un point de vue sociologique.

Au Nord-Est du Portugal, les villages de Rihonor de Castilla et Rio de Onor, sont séparés par le Río Fontano, appelé côté portugais Río Onor. Initialement, il y avait un seul village dont la rivière séparait la partie basse de la partie haute. C’est d’ailleurs toujours en faisant référence à cela, que les habitants se définissent comme « Pavo de Alto » (Peuple d’en Haut) sur la rive espagnole et « Povo de Baxo » (Peuple d’en Bas) sur la rive portugaise.

Séparés par l’histoire, parlant pour la plupart de façon indifférenciée le portugais et l’espagnol, certains habitants cultivent un héritage linguistique commun, le « Riodonés », une variante du Leones. Une langue romane, qui après plusieurs siècles de relégation, a commencé à ré-émerger au 19e siècle pour se consolider au cours des suivants, mais reste considérée par l’Unesco comme menacée. Certains de ses quelques 25.000 locuteurs, vivent actuellement de part et d’autre de la frontière hispano-portugaise, comme à Rihonor de Castilla et Rio de Onor.

Faisant partie de la Communauté Autonome de Castille-et-León, Rihonor de Castilla est située dans le León. Un détail qui pourrait sembler d’importance, surtout quand le « Lexit » est à l’ordre du jour . Mais pas au point de déstabiliser les habitants de cette localité, au nombre de 30 contre 70 pour Rio de Onor, de l’autre côté du Río Onor.

Des accords entre les deux localités, rattachées pour l’une à Pedralba de la Praderia (Espagne) et pour l’autre à Braganza (Portugal), régissaient jusqu’ici le quotidien pour permettre au « Povo de Alto » de vivre en bonne intelligence avec le « Povo de Baixo ». Jusqu’ici, car la pandémie de covid-19 ayant occasionnée, à deux reprises, la fermeture de la frontière hispano-portugaise, des barrières se sont élevées sur les ponts enjambant la rivière Fontano-Onor.

Du jamais vu, depuis la Révolution des Œillets en avril 1974 ! A cette époque, craignant une intervention de l’Espagne franquiste prêtant main forte au régime hérité de Salazar, les autorités portugaises avaient temporairement barricadé les passages de frontières. Ce qui ne dura pas, car le caudillo était alors déjà très malade. Mais la révolution portugaise avait néanmoins suscité d’immenses espoirs du côté espagnol, qui se concrétisèrent partiellement avec la mort du dictateur fasciste l’année suivante.

En 2020-2021, c’est un virus venu de l’est et non un espoir venu de l’ouest, qui provoqua la fermeture de la frontière. Les deux pays de la Péninsule Ibérique ont coopéré autant qu’il leur a été possible de le faire, mais à certains moments, la frontière a retrouvé sa matérialité. C’est probablement ce qui aura le plus marqué les anciens, ayant connu la « Revolução dos Cravo » (Révolution des Œillets).

Les bêtes ne pouvaient plus franchir la rivière pour aller en pâture. Certains agriculteurs étaient contraints à plusieurs kilomètres de détours pour rejoindre leurs terres. Les habitants du côté espagnol ne pouvaient plus aller au bar sur la rive portugaise, et ceux résidant de ce côté, ne pouvaient plus aller à l’église sur la rive espagnole ! « La Vangardia » avait rapporté fin mars ces anecdotes, mais ne dit pas lequel des deux établissements est habituellement le plus fréquenté. Mais le culte catholique, ainsi que celui de la convivialité et du bon vin s’inscrivant dans le patrimoine des deux pays, on peut penser qu’ils sont à égalité en termes de pratiquants…

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