Auschwitz : un procès historique, des décennies trop tard

A Lüneburg (Basse-Saxe) a lieu l’un des derniers procès contre un SS ayant participé aux horreurs d’Auschwitz. Un procès contre un vieillard de 93 ans qui est important.

Oskar Gröning faisait partie de ceux qui faisaient tourner la machine de la terreur à Auschwitz. Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(KL) – Au début du procès contre Oskar Gröning, l’expert-comptable des SS sur la rampe de sélection d’Auschwitz, il y avait une surprise. L’inculpé, 93 ans, est passé aux aveux, confirmant l’ensemble des chefs d’accusation et demandant pardon aux victimes. Tout en montrant qu’il n’ait jamais réussi à se défaire de l’idéologie nazie.

Est-ce qu’il est raisonnable de mener un procès contre un vieillard de 93 ans, 70 ans après les faits qui lui sont reprochés et qu’il a confirmés ? La réponse à cette question est simple : oui. Car selon les standards internationaux, les crimes contre l’humanité doivent être poursuivis et ne connaissent pas de délai de prescription, d’une part pour rendre justice aux victimes (dont certaines sont encore en vie et assistent au procès) et d’autre part, pour que le monde sache que ces crimes ne seront jamais oubliés. Toutefois et surtout pour les derniers survivants, le déroulement de ce procès se situe à la limite du supportable.

Oskar Gröning est accusé de complicité d’assassinat dans 300.000 cas. Il a participé à la terrible sélection sur la rampe d‘Auschwitz, réquisitionnant les objets de valeur et l‘argent des juifs, en veillant à ce que ces objets de valeur soient ensuite transférés à Berlin. 70 ans après les fait, Gröning a eu la décence vis-à-vis des victimes, d’avouer son rôle à Auschwitz, tout en maintenant une position qui peut se résumer par «coupable, mais non responsable». Avec ses aveux, Gröning met un terme à la position d‘autres SS d‘Auschwitz qui, pendant longtemps, avaient clamé ne pas avoir été au courant de ce qui se passait à Auschwitz. «J‘ai compris dès le premier jour ce qui s‘y passait», a dit l’inculpé.

Mais ses remords exprimés («Il est évident que je me suis rendu coupable sur un plan moral. Je demande pardon au peuple juif et je laisse ma punition à votre appréciation», a-t-il dit devant la cour de Lüneburg), résonnent bizarrement, surtout lorsqu’il relate les détails de son rôle sur la rampe d’Auschwitz. Ainsi, il a déploré la corruption au sein des SS du camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, en ajoutant, presque fièrement «mais on a vite réussi à colmater ces trous».

Pour les survivants qui assistent au procès, cette procédure est difficile à supporter. Ainsi, une survivante, interrogée sur le rôle de Gröning, a dit : «Mais que voulez-vous que je vous dise ? Cette homme, à Auschwitz, avait plus de pouvoir que le bon Dieu !» Les atrocités relatés par Gröning, comme le cas d’une jeune mère juive qui avait caché son bébé dans sa valise (Gröning : «Elle a du penser que le bébé allait échapper à la sélection») et qui, après sa découverte, fut écrasé contre un camion de poubelles (Gröning: «Je suis allé voir le camarade en lui disant qu‘il ne pouvait quand même pas faire cela») résonnent froid, technique, comme tout le génocide organisé par les nazis. Mais est-ce que l’on peut réellement s’attendre à ce qu’un vieillard de 93 ans puisse se remettre en question après avoir vécu pendant 70 ans avec ce crime sur la conscience ?

A la fin du premier jour de son audience, Gröning livrait, contre son gré, l’illustration parfaite du fonctionnement du système nazi. Interrogé par le Président de la cour, s’il savait à qui appartenaient les objets de valeur qu’il transférait au «Reichshauptamt» à Berlin, il a répondu, sans hésiter : «A l‘état. Les juifs n‘en avaient plus besoin». Déjà cette réponse justifie à ce que ce procès soit poursuivi jusqu’à la prononciation d’une peine.

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