Autriche : des palabres Verts – ÖVP (droite)

La carpe et le lapin donneront-ils de la viande ou du poisson ?

Werner Kogler, le dirigeant des Verts autrichiens Foto: Manfred Werner/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Situation inédite à Vienne : une coalition de gouvernement se profile entre les Verts et le parti  de couleur turquoise, à savoir l’ ÖVP de la droite nationaliste, menée par le Chancelier Kurz. Une alliance vert/turquoise ? Mais n’est-ce pas plutôt inquiétant ? Et cette coalition est-elle seulement viable ?

Jeudi dernier ont commencé les discussions (« die Sondierungen », appelle-t-on cela pudiquement) du côté du Winterpalais de Vienne. Elles dureront encore « quelques jours », a expliqué le Chancelier Kurz, avant la décision d’entamer de réelles négociations. Douze représentants politiques se sont réunis, comme les chevaliers de la Table ronde ou les disciples de Christ, pour essayer de s’entendre sur les points essentiels à réaliser pour préserver le bon état de l’économie et de la société autrichiennes.

Bien évidemment, plus les points discutés sont larges et flous, plus on a de chances de s’entendre. Et c’est bien ce qui s’est passé jeudi lors des premières « Sondierungen », qui présentaient plutôt le caractère de préliminaires polis et soucieux de part et d’autre de ne fâcher personne. Ils étaient tout sourires, le dirigeant des Grünen Werner Kogler et le Chancelier ÖVP Sebastian Kurz , ainsi que leurs camarades respectifs.

Les 5 point sur lesquels on s’est entendu au Winterpalais, et qu’on continuera de discuter cette semaine, ont été les suivants :

Il conviendra de veiller à la place de l’Autriche en Europe et dans le monde, et à l’intérieur, de veiller aux avantages sociaux et à la survie (ou non) de l’État providence. Deux problèmes éventuels ont été esquissés : les difficultés que beaucoup prévoient, à tort ou à raison, pour l’économie allemande ces prochains mois, et les différences de conception des prestations sociales entre les deux partis : l’ÖVP est bien davantage tourné vers la préservation de la famille et le rôle traditionnel des femmes ; cela occasionnera certainement des tirages, et c’est tant mieux…

Il faut apporter une contribution réelle à la lutte climatique. Le mot « réelle » est venu principalement du parti des Verts, tant ceux-ci redoutent précisément que déferle une logorrhée creuse sur ce point, venant des conservateurs-nationalistes… Les mesures précises et concrètes à prendre par le futur gouvernement restent à définir.

Puis les 12 preux ont évoqué le problème de la formation : comment assurer la meilleure formation possible, afin de permettre l’accès le plus facile possible au marché du travail ? Sans doute l’ÖVP est-il bien plus compétent en ce domaine que les Verts ; mais l’orientation traditionnellement ancrée à gauche des Grünen autrichiens, nous l’espérons très fort, servira de correctif aux nouvelles injustices et aux nouvelles inégalités qui se profilent à l’horizon turquoise…

Quatrième point essentiel : la transparence dans le monde politique ! Un souvenir encore cuisant pour les ex-alliés de l’ÖVP, la droite dure et xénophobe du FPÖ : celui de ce qu’on appelle depuis le printemps dernier l’Ibiza Gate, ce scandale énorme d’un ministre pris la main dans le sac à vendre les richesses de l’Autriche à la Russie poutinienne, et avec quel enthousiasme ! Mais on conviendra aussi que le vénérable SPÖ, le parti social-démocrate qui s’enracine dans le 19e siècle, n’est pas non plus d’un blanc immaculé à cet égard…

Enfin, le point le plus chaud : celui de l‘immigration illégale. Comment penser ensemble ce fait massif et y trouver ensemble des solutions ? Les deux partis vont-ils réellement rapprocher leurs points de vue sur ce problème ? En réalité, ce n’est pas du tout exclu. C’est en effet ce qui s’est passé dans certains pays qui ressemblent à différents égards à l’Autriche : au Danemark où la social démocratie a joué un rôle historiquement hégémonique ou presque, la dirigeante social-démocrate adopte des mesures assez proches de ce qu’aimerait faire (sur les textes, du moins) le RN français… Et dans la Hongrie voisine, les Verts de Parbeszed se préparent à parlementer avec Jobbik, le parti d’ex (?) extrême-droite naguère (?) ouvertement raciste, sur la ligne à suivre dans la question migratoire.

Sur ce point brûlant, les Douze ont exprimé une déclaration passe-partout, une formule magique quelque peu hypocrite : en substance, ont-ils dit, nous nous inquiétons de la situation sanitaire des migrants entre Syrie et Proche-Orient. – Que d’eau, en effet, que d’eau ! Et salée, en plus !

Voilà qui promet de belles négociations dont le moins qu’on puis dire est qu’elles feront preuve d’une superbe ingéniosité et de talents rhétoriques admirables. Prochain épisode cette semaine.

 

 

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