Autriche : la rupture du consensus

Les populistes contre le peuple

Le Répit du Travailleur, de J.-Jules Pendariès (Paris) Foto: Jeanne Menjoulet / Wikimédia Commons / CC-BY-SA / 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Les gouvernements populistes installés au pouvoir dans des pays de l’Union Européenne depuis 2014 n’aiment décidément pas le peuple. En tout cas pas au-delà de la démagogie emphatique qui leur a permis l’accession au pouvoir. Leur politique sociale (ou plutôt anti-sociale) présente des traits communs évidents.

Dans la Hongrie de Viktor Orbán et de son Fidesz, les syndicalistes et plus largement, le monde du travail sont en émoi et dans la rue depuis plus d’un mois. Ils protestent contre ce qu’ils appellent eux-mêmes la « loi esclavagiste » : étalement des heures supp’ sur 3 ans au lieu d’un, augmentation des heures de travail (http://eurojournalist.eu/hongrie-ca-bouge-a-budapest/). Et cela, de manière totalement autoritaire, sans aucun concertation sociale. Et de plus, ironie du nationalisme à la Orbán : les jeunes et ceux qui veulent travailler dans des conditions dignes et prometteuses de résultats quittent le pays en proportion de plus en plus importante… Faudra-t-il donc que les pays d’Europe occidentale refusent les migrants hongrois comme, depuis 2015, Orbán refuse les migrants du Moyen-Orient ?

Le mouvement hongrois est bien parti, en tout cas. Vendredi matin, les ouvriers de l’usine allemande AUDI à Györ ont défrayé, et samedi, blocages de route et manifestations dans toutes les villes de Hongrie.Si seulement il pouvait s’avérer pleinement efficace, ce mouvement, 4 mois avant les élections européennes !

Mais les mouvements sociaux dans la belle Autriche de Sebastian Kurz, chancelier conservateur (ÖVP) au pouvoir en coalition avec le parti d’extrême-droite FPÖ, ont précédé l’agitation hongroise. Et cela pour des raisons quasi identiques : autoritarisme social, absence totale d’écoute,… En Autriche, la mobilisation a commencé au printemps 2018. Le 30 juin, 80 000 personnes environ manifestaient à Vienne ; elles représentaient des catégories professionnelles très variées. La jusqu’à présent puissante Confédération autrichienne des syndicats ÖGB a scandé des slogans devant le bâtiment de la Fédération de l’industrie autrichienne, l’organisation patronale et lobby européen, puisque c’était la saison des accords paritaires, négociés par branches depuis l’après-1945.

Depuis l’automne, la loi contraint de travailler jusqu’à 12 heures par jour et 60 heures par semaine. Il s’agit en somme d’une loi de flexibilisation qui est censée faciliter le travail en cas de manque de main d’œuvre. Cela ressemble à s’y méprendre aux agissements patrono-gouvernementaux hongrois… Mais en Autriche, en plus, l’application de la nouvelle loi a été avancée au mois de septembre, alors qu’elle avait été prévue pour janvier 2019 ! Pour couper l’herbe sous les pieds des syndicats, évidemment.

Des tels agissements sont révélateurs et scandaleux.Révélateurs : parce qu’il n’y pas longtemps encore, le 1er Mai 2018, Heinz Christian Strache, président du FPÖ et vice chancelier, clamait sans avoir avalé aucune chope que son parti était le nouveau « Parti des Travailleurs » ! On rit jaune et beaucoup de travailleurs rient vert (de rage). Scandaleux, fondamentalement, parce que la coalition national-populiste est en train de détruire brutalement avec des manières de dictateurs le partenariat social et les facilités qu’il offre à l’obtention de consensus sur les conditions de travail et depuis quelques années, sur son évolution vers la flexibilité.

Les Hongrois du Fidesz et les Autrichiens de la coalition, mais aussi de nombreux dirigeants partout en Europe portent une lourde responsabilité quant au démantèlement des conditions de travail, et plus grave encore, dans le détricotage de leurs sociétés respectives. Des peuples en lambeaux, bientôt ?

 

 

 

 

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