Aux Açores, l’extrême-droite soutient la droite

Les résultats des dernières élections aux Açores et leurs conséquences, donnent singulièrement à réfléchir.

L'Assemblée Législative des Açores, avec sa vue sur l'océan. Foto: Nelson Selva / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Aux Açores, région autonome du Portugal, s’est jouée fin octobre une partie de poker-menteur qu’il est souhaitable de ne pas voir se reproduire, tant pour l’ensemble du pays qu’ailleurs en Europe. Jusqu’ici gouverné par la gauche, l’archipel a basculé à droite, malgré les bons résultats du Parti Socialiste (PS) qui n’avait cependant pas remporté la majorité absolue. Le Parti Social Démocrate (PSD) de centre-droite, s’est allié avec le Parti de Centre Démocratique Social – Parti Populaire (CDS-PP) de droite, le Parti Populaire Monarchiste (PPM), Initiative Libérale (IL) qualifiant de « dictature de gauche » le système mis en place après la Révolution des Œillets, et dans la même veine l’extrême droite (Chega).

Autant les alliances PSD + CDS-PP et CDS-PP + PPM ne sont guère étonnantes, autant un accord PSD + Chega peut-il surprendre, mais pas tant que ça, lorsqu’on se réfère aux déclarations de Rui Rio, son leader au niveau national, affirmant cet été qu’il était en pourparlers avec Chega en vue d’éventuels accords électoraux. A condition, bien sûr, que Chega évolue vers une position plus modérée (sic). Attendre de l’extrême-droite qu’elle évolue vers une position plus modérée, relève de la plus grande candeur, ou de la pire imbécillité, sachant qu’entre les deux, demeure un large espace ouvert à toutes les tambouilles électorales.

Pour la première fois en vingt ans, bien qu’arrivant majoritaire avec 39,1% des suffrages obtenus le 25 octobre dernier, le Parti Socialiste (PS) a perdu la majorité absolue aux Açores. Sur les 14 partis ayant présenté des candidats, 9 ont obtenu des sièges. A gauche, les Socialistes (PS) ont perdu 5 élus, la Coalition Démocratique Unitaire (CDU) a perdu son élu communiste, seul le Bloc de Gauche (BE) s’est maintenu avec 2 élus. Du côté des écolo-animalistes, le nouveau parti Personnes-Animaux-Nature (PAN) a obtenu 1 élu. A droite, le CDS-PP a perdu 1 élu, le Parti Populaire Monarchiste (PPM) s’est maintenu avec 1 élu et le centre droite (PSD) a gagné 2 élus en arrivant juste derrière le PS avec 33,74% des suffrages, Initiative Libérale (IL) a fait son entrée à l’Assemblée Législative avec 1 élu, tout comme Chega avec 2 élus. Le candidat de Plus Corvo, soutenu par le CDS-PP et le PPM, a obtenu un siège, car arrivant majoritaire dans son île.

Ce ne sont pas les seuls récents arrivants qui ont créé le déséquilibre, mais le recul de la gauche et le jeu des alliances. Alliances non réalisées à gauche, alors que la droite ne rechigne pas sur le soutien de deux parlementaires d’extrême-droite tout récemment élus dans une assemblée qui n’en comptait pas jusqu’ici. Ainsi, Vasco Cordeiro (PS) cède-t-il la place à José Manuel Bolieiro (PSD) au Gouvernement Régional. Ceci grâce à un accord à double entrée : d’un côté, une coalition de droite PSD + CDS-PP + PPM, et de l’autre, un engagement formel à ne jamais voter contre les propositions du nouveau gouvernement pris par Initiative Libérale (IL) et Chega. Accord à propos duquel André Ventura, leader du parti d’extrême-droite, reste très évasif. Cette coalition, officielle pour une part et officieuse pour l’autre, risque, par exemple, de remettre en cause l’avenir de la SATA, compagnie aérienne locale essentielle.

Le 25 octobre, 54% des Açoriens s’étaient abstenus, soit 5% de moins qu’en 2016, mais il se pourrait bien qu’ils s’en mordent les doigts en découvrant ce que ce genre d’alliances leur réserve. Les Açores sont un laboratoire en vue des élections législatives de 2022. La droite ambitionne de renverser la gauche, mais elle doit se coaliser pour y parvenir, or en l’état actuel des choses, le parti d’extrême-droite Chega devient incontournable pour la constitution d’un gouvernement de droite. Mais l’exemple vaut aussi pour d’autres régions et pays d’Europe. La montée de l’extrême-droite n’est pas un épiphénomène, et comme nous pouvons l’observer à maintes reprises, même minoritaire, elle sait très bien manœuvrer sur l’échiquier politique.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste