Avant le deuxième tour…

… Macron en marche entre hasard et destinée.

Après le deuxième tour dimanche, Emmanuel Macron devra "livrer"... Foto: MC / Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – Et si dans leur approche des élections législatives, les candidats avaient oublié de prendre en compte trois constats élémentaires et -à tout prendre- fondateurs. Le premier concerne le regard porté sur le phénomène « Macron » : ce n’est sans doute pas le patron de « La République en Marche » qui a créé les conditions de son succès, même s’il en a exploité les opportunités. C’est la situation qui a généré « Macron » et le « macronisme ».

Ensuite, utiliser comme argument le fait que les candidats du nouveau mouvement manquaient d’expérience pour essayer d’en empêcher le succès, confortait, en fait, les « macronistes » dans leur marche vers la réussite : les électeurs voulaient du neuf, donc de… l’inexpérimenté !

Demander, enfin, que les électeurs ne concentrent pas leur vote sur la « République en Marche » pour éviter une Assemblée Nationale « monochrome » alors que tant la gauche que la droite avaient bénéficié, dans le passé, de ce type de majorité, ne pouvait qu’être considérée comme un argument fallacieux !

Au soir du premier tour, la cécité retrouvée des partis ! – Les débats organisés le soir du premier tour des élections législatives illustraient assez bien cette sorte de cécité cultivée par des partis qui pourtant venaient d’enregistrer une défaite historique. Dans leurs commentaires ils retrouvaient même une antienne libératoire : si 50% des électeurs n’étaient pas allés voter, c’est parce que Macron et son parti avaient déjà déçus : à aucun moment ils n’ont envisagé que l’abstention massive vécue lors de ce premier tour d’élections législatives était sans doute le « sous-produit » de l’offre politique contestable -et contestée- qu’ils proposaient.

La durée -et souvent la vacuité- des débats qui ont précédé puis accompagné les campagnes électorales des élections présidentielles et législatives, tout comme le poison d’incessantes « affaires » a généré une lassitude dont les effets se sont retrouvés chez les abstentionnistes : la campagne présidentielle n’a-t-elle pas, en fait, démarré avec l’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy le… 22 août 2016 !

A contrario, n’était-il pas un peu court, l’argument utilisé par les responsables d’En Marche affirmant que leurs électeurs, en cohérence avec les présidentielles, se sont, eux, mobilisés pour donner une majorité d’action au président de la République et que l’abstention venait du manque de mobilisation des électeurs de leurs concurrents ?

Le président entre l’hémicycle et la rue ? – N’était-ce pas aussi le signe de la difficulté éprouvée par le Président à élargir une majorité plus large sans laquelle le risque est grand de voir la rue arbitrer sa volonté de réforme : quelle force aura une majorité dans une Assemblée Nationale élue par moins de 50% des Français ? Alors que les oppositions (il y en aura même si elles peineront à faire le poids en raison de leur nombre) s’essayent à utiliser un nouvel argument -contestable- s’interrogeant sur la légitimité d’une assemblée élue par moins de 50% des électeurs, le président, dont l’habileté s’est vérifiée à plusieurs reprises, devra obtenir rapidement des résultats pour écarter la contestation qui pourrait venir de l’extérieur de l’hémicycle.

Roland Ries, le Maire socialiste de Strasbourg, qui ne peut qu’assister impuissant aux déchirures dans sa municipalité alors même que les deux députés socialistes strasbourgeois vont sans doute perdre leur siège dimanche, a bien cerné le risque en disant : « Est-ce que la représentativité de cette assemblée sera suffisante pour que les débats se tiennent à l’intérieur de l’hémicycle et pas à l’extérieur ? »… La république de Macron n’a pas fini de… marcher ! Macron n’a pas fini de devoir concrétiser de nouveaux succès pour imposer sa vision de la… république en marche.

L’ombre portée du philosophe de Strasbourg ! – Il lui faudra faire un nouveau pas, dès dimanche, en confortant au deuxième tour des élections législatives, les succès obtenus au premier tour. Il lui faudra ensuite engager la voie des réformes annoncées en s’appuyant sur la majorité que les électeurs ont voulu lui donner : une majorité dont les partis traditionnels (oubliant qu’avant de vivre leur fin, ils avaient eux aussi connu un commencement) critiquent l’inexpérience.

C’est pourtant cette inexpérience, proche de la « tabula rasa » des romains, que les électeurs avaient souhaité voir s’installer aux commandes du pouvoir. Il est vrai que ces électeurs avaient de multiples raisons d’être déçus par ceux qui, parfois, avaient cumulé 3, 4 voire davantage de mandats électoraux : avec, au final, un résultat contestable. Le renouvellement engagé, le « dégagisme » cultivé, la recomposition politique amorcée sont sources d’espoirs pour tous ceux que les échecs des « anciens » ont désespérés.

Mais il ne suffira pas de dire, comme le Premier Ministre Edouard Philippe l’a fait, « La France est de retour ! ». Il faudra, « en même temps » -pour reprendre l’expression favorite d’Emmanuel Macron- le prouver concrètement. Car si le succès devait ne pas être là, quel recours les électeurs auront-ils à la fin de ce quinquennat ? A quelle extrémité s’abandonneront-ils ? Quelle recomposition auront-ils approuvé ? Il sera sans doute trop tard, alors, de méditer cette phrase du philosophe Paul Ricoeur qui fui professeur à l’université de Strasbourg et dont Macron fut un collaborateur : « On ne sait jamais ce qui est hasard, ce qui est destin ! » Macron, finalement, entre hasard et destinée ?

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