Baguette Box s’en sortira t-elle grâce à Europa ?

Une entreprise de livraison à domicile de pain et viennoiseries comptait, avant la survenue de quelques déboires, décoller grâce à son entrée dans une néo-bourse régionale.

La baguette, un incontournable de la boulangerie française exporté dans le monde entier. Foto: Alex Proimos / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – La Presse Quotidienne Régionale alsacienne nous apprenait la semaine dernière que la société Baguette Box, créée en 2019, placée en redressement judiciaire depuis début juillet faute d’avoir atteint la rentabilité, bénéficiait, suite à une décision de la Chambre Commerciale du Tribunal de Saverne, de cinq semaines de délai pour assurer son avenir. C’est une bonne nouvelle, tant pour ses salariés et ses fournisseurs, que pour les clients. 

Une entreprise placée en redressement judiciaire, ce n’est malheureusement pas un scoop et un délai accordé non plus. Ce qui, par contre, devrait retenir l’attention, réside dans le fait que Baguette Box fut au mois de Mai, la première société société entrée à « Europa », la néo-bourse régionale du Grand Est. Un organisme qui d’ici la fin de l’année, compte accueillir une douzaine d’entreprises.

Quid de la dite néo-bourse Europa ? Une bien belle idée, semble t-il. Soutenue par le Conseil Régional et développée par la société Kryptown, elle a pour but de financer le développement de petites et moyennes entreprises locales. Kryptown ne cache pas son ambition de faire renaître les bourses régionales, la France en comptant six avant leur disparition au début des années 1990 au profit de la Bourse de Paris.

Permettant à tout un chacun de s’engager dans un projet dès le premier euro d’investissement, on pourrait presque penser, comme c’est si joliment présenté, à du financement participatif ou du « crowdfounding ». Sauf que, et le site web Europa by Kryptown le précise sans ambiguïté, il s’agit de « la souscription d’actifs numériques pouvant être utilisés ou revendus à tout moment. » (sic).

Au regard des références dont se prévalent tant Europa que Kryptown, il ne s’agit donc pas d’un piège à gogos. Ce qui a quelque chose de tout de même rassurant. Mais la main invisible des marchés financiers, dont il n’est plus à démontrer qu’elle n’est bonne qu’à réaliser des tours de passe-passe, épargnera t-elle cette initiative de la voracité naturelle des spéculateurs ?

Créée à Wasselonne en 2019, Baguette Box comptait, avant de connaître des problèmes de trésorerie, 150 salariés en CDI en majorité à temps partiel et 8.000 clients qu’elle livrait quotidiennement avant 7h00 dans 400 communes alsaciennes, principalement bas-rhinoises. Son but était de lever via Europa 300.000€ afin « d’étendre ses services à d’autres départements et d’accélérer son développement en ayant recours à la franchise » (sic).

La franchise, rappelons-le, existe sous quatre formes : de service, de distribution, de production et industrielle. Elle a pour but principal, suite à un accord passé entre franchiseur et franchisé, de permettre au second de commercialiser ou produire sous conditions, des produits ou des services en conformité avec les concepts du premier. Un système « win-win », dirait un ancien président français réputé pour ses réparties à la Nixon ; sinistre personnage dont il n’avait d’ailleurs pas adopté que le phrasé.

Personne ne peut décemment augurer avec légèreté que Baguette Box ne réussisse pas à redresser la barre. D’autant plus que, sauf erreur, la « foodtech » fait travailler des artisans locaux et non des boulangeries industrielles. Mais la néo-bourse Europa tiendra t-elle ses promesses ? L’association d’une société financière avec le Conseil Régional du Grand Est, fait penser à certains Partenariats Public–Privé (PPP), dont les bénéfices pour le public restent à prouver, alors que ceux engrangés par le privé sont indéniables.

Si Baguette Box s’en sort, ce que nous souhaitons vivement, les principaux indicateurs à surveiller vont être tant la préservation et le développement d’emplois dignes de ce nom, que la livraison à domicile de produits de qualité. Donc encore plus clairement : pas d’ubérisation des livreurs, ni de recours à l’industrie pour le pain et les viennoiseries. Attendons de voir…

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