Bâle – Mulhouse : au-delà d’un « hold-up » sur les masques !

Alain Howiller revient sur le « hold-up » sur les masques à l'aéroport de Bâle-Mulhouse et surtout sur ce que cela veut réellement signifier...

Des malfrats préparant un hold-up sur un transport de masques... Foto: Unicorn Film Service / Buffalo Film Company / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – C’est un scénario qui aurait pu servir de trame à un « polar » tourné en noir et blanc dans les années cinquante. Sauf que l’histoire se passe, au début du mois d’avril, sur le tarmac de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, et que c’est une histoire qui, à vrai dire, n’amuse personne et dont le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a dû assumer la dure réalité devant le Parlement ! Début avril, les militaires ont dû intervenir, à deux reprises, sur le tarmac de l’aéroport de Bâle-Mulhouse pour saisir, dans une cargaison venue de Chine et destinée à la région Grand Est, un important lot de masques destinés à la région Bourgogne-Franche Comté et au département des Bouches-du-Rhône !

Ce « hold-up » d’Etat, cette saisie sur réquisitions du Préfet du Haut-Rhin puis de la Préfète du Bas-Rhin, a évidemment suscité la colère de Marie Guite Dufong, Présidente (PS) de la Région Bourgogne-Franche-Comté et de Martine Vassal, Présidente (LR) du Conseil Général des Bouches-du-Rhône pour qui la réquisition des masques par les pouvoirs publics est un « scandale d’Etat ». Le président de l’assemblée des « Régions de France » a eu cette réaction : « Tout le monde veut commander des masques, mais plus personne ne veut le dire par peur de les voir réquisitionnés par l’Etat. »

Le retour massif de la puissance publique – Après avoir tenté d’esquiver le débat, le Ministre de l’Intérieur a du reconnaître la réalité des incidents de Bâle-Mulhouse, « qui ne se reproduiront plus », car a-t-il souligné : « Il n’est pas question d’une guerre des masques entre les collectivités et l’Etat ». Un conseiller de l’Elysée a reconnu : « Tout cela est mal venu ! » Tandis qu’Olivier Veran, Ministre de la Santé et désormais, d’après les sondages, la personnalité la plus appréciée derrière Nicolas Hulot et l’inattendu… Edouard Philippe, a commenté d’une sobre déclaration : « C’était une méthode inopportune ! » D’autant plus inopportune au moment où, en parallèle à la crise sanitaire, (ou plutôt à cause d’elle !), on assiste à un retour massif de la puissance publique. Emmanuel Macron a insisté dans son intervention télévisée du Lundi de Pâques sur l’importance d’une action coordonnée entre les « administrations, les maires et les élus locaux ». D’autant plus inopportune aussi que, en même temps(!), le conseil des Ministres du 9 Avril a défini un projet de loi dit de « dérogation ».

Ce texte élaboré après plus de deux ans d’expérimentation (notamment dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin) prévoit que les Préfets pourront déroger ponctuellement aux réglementations nationales pour tenir compte des circonstances locales : les incidents de Bâle-Mulhouse soulignent qu’il y a encore du chemin à faire dans l’approche des circonstances locales : leur prise en compte, dans un Etat centralisé et pour tout dire jacobin, supposera sans doute un long apprentissage du discernement nécessaire.

Un projet en…  « 3 D » – Et voilà que, inattendu, surgit à nouveau le regard sur la décentralisation que l’irruption du Covid-19 semblait avoir remisé dans quelque oubliette ! Comment et quand, après la crise, rebondira le débat sur le projet de loi appelé « 3 D » pour « Décentralisation, Différenciation, Déconcentration » ?

Avant que le projet n’arrive en Conseil des Ministres, puis au Parlement, une longue période de concertation s’était engagée, au mois de Janvier, à Arras (Pas de Calais). Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des Territoires, avait alors déclaré : « La décentralisation doit s’assortir d’une logique d’efficacité dans la répartition des compétences, de lisibilité de l’action publique et d’une clarification des responsabilités fiscales… Il s’agit de dessiner une nouvelle relation entre l’Etat et les collectivités ». La concertation autour du futur projet de décentralisation devait, initialement, durer jusqu’à fin Mai, afin que le projet lui-même puisse être soumis au Conseil des Ministres en Juin avant d’être soumis au Parlement pour adoption avant les élections régionales et départementales qui devraient avoir lieu en Mars 2021. Qu’en sera-t-il ?

Exemples allemands et autrichiens – Dans une France malade du centralisme dont la crise sanitaire a souligné quelques couacs retentissants, on attend une nouvelle ère de décentralisation. « L’Etat central doit faire confiance à l’état local », a souligné Dominique Bussereau, Président de l’Assemblée des Départements de France, ancien Ministre et Secrétaire d’Etat sous Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac. Il rejoint Emmanuel Macron lorsque ce dernier plaide pour « une vraie République décentralisée, avec des compétences claires que l’on transfère totalement en supprimant les doublons ».

Sans pour autant rêver d’un fédéralisme difficilement concevable dans un pays centralisé depuis la Révolution Française, on ne peut pas ignorer dans nos zones frontalières, la manière dont des états fédéraux comme l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse ont trouvé des solutions pour lutter contre le « Covid-19 ». Cela ne s’est pas passé sans de longues concertations et parfois des affrontements entre les appareils d’Etat et les structures régionales, mais les formes de « déconfinement » retenues évoluent maintenant…

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